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Gouvernance D’Entreprise : L’Art Et La Manière De Codifier En France Et Grande Bretagne

Alors que la version révisée du code Afep Medef était publiée le 21 juin dernier, le régulateur britannique, le Financial Reporting Council, a dévoilé le 16 juillet son nouveau code de gouvernement d’entreprise, the UK Corporate Governance Code, procédant ainsi à une révision de la version de 2016. La simultanéité de révision invite à une mise en perspective des deux codes de Place. Elle rappelle ainsi au passage l’influence historique de la pensée et du système normatif anglo-américains dans le domaine de la gouvernance d’entreprise.

Les codes de Place, un enjeu de compétition

Sur fond de Brexit difficultueux, cette double révision ne peut manquer de retenir l’attention et doit être comprise comme une des manifestations de la concurrence que se livrent les deux places financières, rappelant que les normes juridiques, fussent-elles de droit souple, sont également un enjeu et un outil de compétition.

De nombreuses similitudes rapprochent les deux codes, tant en ce qui concerne les chemins empruntés que leur contenu respectif.

Les deux versions modifiées font suite à une phase préalable d’auditions et consultations de Place et affichent leur ambition de promouvoir la transparence et l’intégrité de la Place, et ce, afin d’attraire les investisseurs de long terme, « to attract investment into UK companies for the long term », selon les mots de Stephen Haddrill, CEO du Financial Reporting Council.

La préoccupation économique est sans aucun doute présente de part et d’autre de la Manche, posant ainsi une attente forte à l’encontre des émetteurs de contribuer au développement de l’économie nationale.

Par ailleurs, tant le code Afep Medef que le code britannique s’emparent des évolutions et des questions majeures qui intéressent aujourd’hui le bon fonctionnement du conseil d’administration, compris comme l’épicentre du pouvoir dans l’entreprise.

Sont notamment abordés le dialogue entre actionnaires et conseil d’administration, la présence des salariés dans les conseils d’administration, la durée du mandat d’administrateur, la composition diversifiée des conseils, les missions du comité d’audit et enfin la rémunération des dirigeants.

Le Financial Reporting Council, sur ce dernier sujet, répond à la volonté du Premier Ministre Theresa May, d’établir une meilleure corrélation entre les rémunérations des dirigeants et leur engagement dans l’entreprise. En juillet 2016, alors qu’elle allait accéder à la tête du parti conservateur, elle avait en effet dénoncé les écarts inacceptables entre ce que les entreprises paient à leurs salariés et ce qu’elles accordent à leurs patrons.

Une démarche pédagogique de part et d’autre de la Manche

De même, les deux codes instillent de nouveau une démarche pédagogique, invitant les émetteurs à plus de transparence d’une part, notamment les conseils d’administration, à se justifier sur l’observation ou la non observation des recommandations au travers le fameux principe « Comply or explain » d’autre part.

Pour autant, et au delà de ces points d’analogie qui illustrent une certaine uniformisation des normes en la matière, des différences importantes, tant de forme que de fond, méritent d’être relevées.

La plus évidente est celle qui intéresse les instances mêmes ayant rédigé les codes. Le Financial Reporting Council apporte aux recommandations sa légitimité de régulateur tandis que le code Afep Medef est un code écrit par les émetteurs, et donc, essentiellement pour les émetteurs.

Une approche plus pragmatique défendue par le code britannique

Par ailleurs, l’approche britannique demeure plus pragmatique et le plus souvent, plus ambitieuse.

Rappelons que la révision du code Afep Medef s’est déployée en parallèle, pour ne pas dire en concurrence, avec le processus législatif de la future loi Pacte, initié par une réflexion de place à l’automne dernier sur la gouvernance des entreprises, elle-même nourrie par le Rapport Sénard Notat remis à Bruno Le Maire en mars dernier.

L’articulation des deux calendriers, celui de la loi Pacte et celui de la version révisée du code, n’est donc pas le fruit du hasard et est en soi source d’enseignements, l’Afep et le Medef cherchant à canaliser le législateur en préemptant certains sujets sensibles. 

Les auteurs français de la révision du code ont par ailleurs dû faire face, de manière inattendue, à l’épisode de la rémunération de Georges Plassat, le président sortant de Carrefour, lequel épisode a réactivé de manière fortuite les rapports complexes entre le législateur et les institutions de Place sur la concurrence d’édictions de normes, impératives ou purement incitatrices, sur des sujets hautement sensibles comme la rémunération des dirigeants.

Surtout, et alors même que les deux codes rappellent l’importance du rôle et des responsabilités des administrateurs, le code britannique opte pour une version resserrée, émaillée de principes directeurs, alors que la version française retient une approche méticuleuse, détaillée, parfois exhaustive qui trahit la volonté de faire barrage à une surenchère législative.

La question du dialogue actionnaires conseil d’administration

A cet égard, le traitement respectif de l’une des questions les plus controversées et observées de ces derniers mois, celle d’un dialogue entre actionnaires et conseil d’administration, est particulièrement instructif.

La demande d’un canal de communication entre investisseurs et conseils d’administration, en dehors des moments convenus que sont les roadshows et l’assemblée générale, devient pressante. Or, la recommandation apportée par le code Afep trahit une conception restrictive que certains analyseront comme une disposition a minima.

« Les relations des actionnaires avec le conseil d’administration notamment sur les sujets de gouvernement d’entreprise peuvent être confiés au président du conseil d’administration ou, le cas échéant, à l’administrateur référent. Celui-ci rend compte au conseil d’administration. » peut-on désormais lire dans le nouveau code Afep Medef.

Si la faculté d’une communication directe est posée dans son principe, ce qui constitue sans aucun doute une étape significative, elle tranche avec le parti pris du code britannique qui atteste d’une bienveillance à l’égard de cette pratique déjà répandue, invitant le président à échanger avec les actionnaires importants, non seulement sur la gouvernance mais aussi la stratégie et la performance.

« In addition to formal general meetings, the chair should seek regular engagement with major shareholders in order to understand their views on governance and performance against the strategy. »

Si les recommandations sont en apparence proches dans leur intention, le traitement retenu par les deux codes trahit ce qui sépare fondamentalement le capitalisme français du capitalisme anglais.

Les investisseurs, eux, ne s’y tromperont pas !

 

 

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