Alors que l’intelligence artificielle (IA) poursuit son ascension fulgurante, l’Europe s’empresse d’établir des cadres réglementaires et d’accroître les investissements dans cette technologie.
L’IA générative telle que ChatGPT ayant capté l’imagination du public, les régulateurs européens s’inquiètent des risques potentiels tout en cherchant à promouvoir l’innovation. L’Europe s’efforce de trouver un juste milieu entre le « Far West » de l’IA et un contrôle étatique global.
L’Espagne a récemment annoncé la création de l’Agence espagnole de supervision de l’intelligence artificielle (AESIA), qui sera le premier organisme de réglementation de l’IA au sein de l’Union européenne (UE). Dirigée par une équipe pluridisciplinaire d’experts en technologie, de juristes et de spécialistes des sciences humaines, l’AESIA a pour mission générale de surveiller et d’évaluer les incidences de l’IA sur la société espagnole. L’agence créera des protocoles d’évaluation des risques, vérifiera les algorithmes et les pratiques en matière de données, et établira des règles contraignantes que les entreprises devront respecter pour le développement et le déploiement des systèmes d’IA.
Parallèlement, l’Allemagne a dévoilé un vaste plan d’action sur l’IA qui encouragera les investissements dans la recherche sur l’IA et la formation des compétences. Le ministère allemand de l’Éducation et de la Recherche investira plus de 1,6 milliard d’euros dans l’IA au cours de cette législature, le financement passant de 17,4 millions d’euros en 2017 à 483 millions d’euros en 2024. La ministre de la Recherche, Bettina Stark-Watzinger, a présenté cette initiative comme un renforcement de la « souveraineté technologique » de l’Europe. Le plan promet 150 nouvelles chaires d’IA, six centres de compétences et une infrastructure de supercalculateurs élargie au cours des deux prochaines années.
Toutefois, les entreprises allemandes ont prévenu que les stratégies précédentes visant à transférer l’IA du monde universitaire à l’industrie n’ont pas été à la hauteur. Par exemple, l’association allemande Bitkom, qui représente plus de 2 200 entreprises de l’économie numérique, a noté qu’en dépit d’un plan national sur l’IA en 2018, la mise en œuvre a pris du retard. Selon elle, seuls 15 % des entreprises allemandes utilisent actuellement l’IA, ce qui témoigne de la faiblesse du transfert de technologie. Tout en applaudissant les nouveaux investissements, l’association craint que la réglementation européenne sur l’IA ne gonfle les coûts et ne crée une incertitude juridique autour des systèmes d’IA.
Une commission parlementaire exhorte également le Royaume-Uni à accélérer le rythme de ses efforts en matière de réglementation de l’IA, compte tenu des progrès réalisés par l’UE et les États-Unis dans la mise en place de garde-fous. En mars dernier, le Royaume-Uni a publié un livre blanc sur la réglementation de l’IA, axé sur des principes tels que la transparence et l’équité. Toutefois, la commission parlementaire a estimé que cette approche risquait de prendre du retard par rapport aux avancées réglementaires d’autres pays.
Dans un nouveau rapport intermédiaire intitulé « The governance of artificial intelligence », la Commission de la Science et de la Technologie de la Chambre des communes du Royaume-Uni estime que le pays ne dispose pas encore de politiques solides pour exploiter les avantages de l’IA tout en se protégeant de ses inconvénients potentiels. Le rapport avertit que l’IA risque d’exacerber des problèmes tels que les préjugés, les violations de la vie privée et le chômage si elle est déployée sans surveillance. Il propose des garde-fous pour prévenir les problèmes prévisibles sans étouffer l’innovation.
Alors que le Royaume-Uni accueillera un sommet international sur l’IA en novembre, la commission parlementaire estime que le pays doit prendre des mesures décisives plutôt que de se contenter de rattraper son retard. Et elle doit le faire rapidement. « Sans un effort sérieux, rapide et efficace pour établir les bons cadres de gouvernance et pour assurer un rôle de premier plan dans les initiatives internationales, d’autres juridictions prendront de l’avance et les cadres qu’elles établiront pourraient devenir la norme, même s’ils sont moins efficaces que ce que le Royaume-Uni peut offrir », écrivent les députés.
Avec l’UE qui finalise sa loi pionnière sur l’IA, des États membres comme l’Espagne et l’Allemagne qui mettent en place des organismes de réglementation et financent la recherche, et le Royaume-Uni qui débat de politiques globales, l’Europe vise à orienter la trajectoire de l’IA. Trouver le bon équilibre entre sécurité et innovation reste complexe. Cependant, une chose est claire : l’Europe est déterminée à mener les débats au niveau mondial.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Federico Guerini
<<< À lire également : De Google à Nvidia, les géants de la technologie font appel à la Red Team pour casser leurs modèles d’IA >>>
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits