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IA européenne de confiance : la maîtrise et la protection des données, un prérequis à la préservation de notre souveraineté

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IA Européenne de confiance : la maîtrise et la protection des données, un prérequis à la préservation de notre souveraineté

Lettre ouverte adressée à Madame la Ministre déléguée chargée de l’Intelligence Artificielle et du Numérique de Laurent Henocque, ex-CNRS et Président fondateur de KeeeX. 

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’intelligence artificielle générative révolutionne notre rapport au numérique. Porteuse d’opportunités visant à augmenter la productivité des entreprises, elle est également un vecteur privilégié favorisant la désinformation et les cyber-menaces. Il me semble particulièrement important d’insister sur le risque que ces algorithmes font peser sur notre patrimoine numérique, comme sur le principe même de notre souveraineté.

 

Stopper le pillage des données : protéger nos entreprises et leur propriété intellectuelle

 


Madame la Ministre, comme vous le savez, pour leur apprentissage les grands modèles de langage (LLM) sont entraînés grâce à des flux massifs de données, or cette alimentation des IA pose problème, notamment en termes de droit d’auteur.

Aujourd’hui, le cadre juridique autour de l’accès aux données pour l’entraînement de l’IA en France et en Europe est un premier pas mais reste insuffisant. Les ayants droits ont la possibilité de protéger leurs données avec la dérogation « opt-out », mais cela implique l’utilisation d’un processus indiquant clairement aux robots leur intention de réserver leurs droits.

Cela dit, nous observons par exemple qu’une entreprise comme OpenAI a pu en toute légalité pré-entraîner ses modèles sur des données européennes – sans se conformer aux réglementations européennes, car la légalité de l’entraînement d’un modèle est évaluée en fonction de la loi du pays où cet entraînement a lieu. En ce sens, l’opt-out dans sa forme actuelle est un mécanisme pouvant aussi pénaliser les sociétés IA européennes.

Vous l’aurez compris, il est donc urgent d’instituer un encadrement strict et international de l’accès aux données afin de préserver le respect de la propriété intellectuelle, et de facto, nos futures pépites. Nous estimons que l’UE doit imposer sa vision et ses exigences dans les différents groupes de standardisation pour les entités souhaitant réserver leur droit.

 

Désinformation : préserver l’image et la réputation de la France

 

Avec l’émergence de l’Intelligence Artificielle Générative, il n’a jamais été aussi simple de lancer une campagne de désinformation virale … Et ainsi ébranler nos démocraties. En 2024, le FEM (Forum économique mondial) a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme dans son Global Risks Report. Selon l’organisation, la désinformation est perçue comme le risque numéro 1 pour les deux prochaines années, surpassant même les préoccupations liées au climat.

Ces pratiques propagandistes questionnent l’intégrité et la provenance de l’information. C’est donc l’image, la réputation de nos nations aux yeux du monde et la confiance des citoyens qui sont en jeu.

C’est pourquoi, Madame la Ministre, nous attirons votre attention sur l’importance de solutions permettant de certifier et d’auditer l’authenticité et la provenance des contenus numériques.

Nous avons en Europe et en France des éditeurs qui proposent ce type d’offres, dont certaines technologies sont frugales et souveraines pour favoriser une approche écoresponsable et juste. À l’heure où les Etats-Unis d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg remettent en question le fact-checking, n’abandonnons pas la sécurité publique européenne au profit d’un chaos programmé et appuyons-nous sur notre vivier technologique souverain !

 

Souveraineté numérique : limiter la dépendance aux géants étrangers

 

Les données des entreprises européennes fournissent l’ensemble des Gafam, leur offrant un avantage concurrentiel considérable sur l’ensemble des marchés émergents. Ceci par conséquent renforce notre dépendance technologique sur un secteur stratégique comme celui de l’intelligence artificielle.

Aujourd’hui, il est fondamental de privilégier l’utilisation de solutions françaises et européennes, et hébergées sur nos territoires. Il y va de notre indépendance technologique et économique, sur le secteur d’avenir que représente l’IA. 

 

Madame la Ministre, plusieurs solutions s’offrent à nous pour bâtir cet écosystème souverain et durable:

1. Favoriser les infrastructures et solutions numériques nationales et européennes, pour héberger la totalité de nos données et pour opérer les solutions IA de confiance.

2. Faire mieux avec moins : encourager l’utilisation de modèles de taille moyenne plus frugaux et former à l’utilisation et l’hébergement de ses propres modèles. 

3. Inciter à la standardisation européenne, notamment sur la garantie de provenance pour ne pas laisser le monopole des normes globales aux Etats-Unis.

 

Un devoir d’action immédiate

 

La maîtrise des données est au cœur de notre souveraineté nationale et européenne. Protéger notre patrimoine numérique, garantir la transparence des IA et limiter notre dépendance aux grandes entreprises étrangères sont des impératifs.

À l’instar de bon nombre d’acteurs de l’innovation de ce pays, nous sommes persuadés que la France a les cartes en mains pour bâtir un écosystème européen autonome, éthique et innovant.

 

Je vous prie, Madame la Ministre, de bien vouloir agréer l’expression de notre haute considération.

 


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