Alors que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, reste dans sa capitale assiégée, s’adressant calmement à la nation, rencontrant les troupes et repoussant les offres de secours, le président russe, Vladimir Poutine, se cache, faisant des apparitions occasionnelles et très orchestrées dans les palais gouvernementaux.
L’image de plus en plus tendue, semblable à celle d’un tsar, utilisée pour soutenir le régime du président russe, contraste fortement avec l’indéniable bravade de Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien, que l’on sait pourchassé par les forces russes, revêt un casque et un gilet pare-balles pour se mêler aux défenseurs de Kiev. Pourtant, Poutine n’a pas daigné rencontrer les soldats russes ni pris la peine de rendre visite à l’un des 200 000 soldats qu’il a déployés pour attaquer l’Ukraine.
À l’instar du célèbre esthète et ancien dictateur de la Seconde Guerre mondiale, Benito Mussolini, Poutine a compris depuis longtemps la valeur d’une personnalité soigneusement élaborée. Poutine a passé trente ans à gérer activement son image publique, à construire et à se conformer à un nouvel idéal russe. Il était partout, il faisait tout. En 2007, par exemple, il se faisait photographier en train de jouer au hockey, de pratiquer le judo, et même de s’amuser avec des chiots.
Un Poutine plus jeune comptait sur les opportunités de se faire prendre en photo pour montrer son engagement direct dans les affaires militaires. Coiffé d’un casque de vol, il s’est rendu en Tchétchénie alors que la deuxième guerre de Tchétchénie était en cours. Après l’explosion et le naufrage du sous-marin APL Kursk (projet 949A), il a rendu visite et compatit avec les familles qui ont perdu des êtres chers. Poutine faisait tout ce que les citoyens attendaient d’un dirigeant en temps de guerre. Il rendait visite aux soldats blessés lors de l’invasion de la Géorgie par la Russie et, en 2019, Poutine a même célébré les vainqueurs en participant à un rassemblement de motards tapageur, semblable à celui des Hells Angels, en Crimée annexée.
Mais, maintenant, alors que l’imagerie truquée et sur-orchestrée de Poutine est mise en parallèle avec l’héroïsme téméraire de Zelensky, le contraste est particulièrement évident et énervant. Le personnage de Zelensky est réel, tandis que Poutine apparaît comme un triste imposteur.
Depuis le Covid-19, Poutine a largement abandonné tout effort pour affiner son personnage d’homme du peuple. Isolé de tout contact extérieur, il s’est largement appuyé sur les attributs d’un dirigeant éloigné, d’un tsar des temps modernes, installé dans les confins royaux d’une redoute du Kremlin.
Tout au long de la crise ukrainienne, Poutine a rarement été photographié en dehors de ses quartiers royaux. Son audience mondiale l’a vu rencontrer des dirigeants autour d’une table de six mètres de long, incrustée d’or, à 100 000 euros, ou dans une salle de bal comiquement grandiose, organisant des cérémonies bien chorégraphiées, ses conseillers, semblables à des boyards, autour de lui. Ses discours décousus et affligés, ainsi que le traitement dédaigneux qu’il a réservé à Sergei Naryshkin, le directeur du Service des renseignements extérieurs de la fédération de Russie (SVR), n’ont fait qu’affaiblir l’image autrefois convoitée de Poutine, à savoir celle d’un homme avisé sur le plan international, mandaté par le KGB.
Mais peu de choses ont fait plus de tort à l’image de Poutine que le contraste quotidien avec son ennemi ukrainien, le président Volodymyr Zelensky. Tandis que Poutine s’est caché, apparaissant dans des déclarations distinctes avec la même cravate et la même tenue, Zelensky a surmonté la crise, devenant un opposant héroïque à Poutine, de plus en plus exagéré dans les films de série B.
Ce n’était pas censé se passer ainsi. Zelensky, longtemps considéré par les observateurs comme une invention des médias – il a atteint la célébrité dans une série télévisée, jouant le rôle d’un professeur d’histoire de lycée qui est soudainement élu président de l’Ukraine – avait apparemment en lui une face cachée que seule une crise mortelle pouvait tempérer. Et maintenant, alors qu’il est traqué par les forces spéciales russes, Zelensky rejette les offres de sauvetage, déclarant : « Le combat est ici ; j’ai besoin de munitions ».
Le jeune président « inattendu » a manifestement été sous-estimé par Poutine, plus âgé. Mais le courage de Zelensky, qui a rejeté les mises en garde de l’Amérique pour lancer un appel émotionnel à l’Europe, quelques heures avant l’invasion de la Russie, suivi de ses discours éloquents en réponse à l’agression russe et de sa noble dernière intervention à Kiev, contrastait fortement avec les discours décousus et pleins de griefs du dirigeant russe, qui transpirait sous son maquillage de télévision.
L’image rude et déjà toute faite de Zelensky, qui connaît bien les médias sociaux, ne le sauvera peut-être pas à Kiev, mais le sang-froid du président ukrainien dans des circonstances désespérées a certainement aidé l’Ukraine à s’unir et à oublier les erreurs et les mauvais calculs graves dans la guerre actuelle pour la survie. L’Ukraine, selon de nombreux calculs militaires conventionnels, était prête à tomber et à tomber vite. Le refus de mobiliser les réservistes, l’incapacité inexplicable de planifier une défense cohérente et l’incapacité, dans tout le pays, de collecter et de stocker des fournitures pour les zones urbaines de l’Ukraine auraient déjà pu saper la résistance ukrainienne. Mais la présence dynamique et motivante d’un chef qui a tout risqué, partageant la souffrance de sa nation, a contribué à maintenir la motivation de l’armée et du reste de la nation ukrainienne et à les faire combattre sur le terrain.
La bataille pour l’Ukraine pourrait bien tourner à l’avantage de la Russie en ce moment, mais le contraste entre les deux leaders a été une catastrophe pour la Russie, soulignant les faiblesses émergentes de Poutine au moment même où le président russe voulait projeter un pouvoir royal. Dans la bataille, les mensonges ornés de la Russie ne sont que de la bouillie pour les simples vérités de l’Ukraine.
Le président ukrainien peut donc se targuer d’avoir fortement déprécié la façade royale de Poutine et causé de nombreux dommages à son régime.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Craig Hooper
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