Dans le cadre du Grand débat national, le Mouvement des entreprises de France a aussi mené des réflexions de son côté. Les propositions qui en ressortent sentent le réchauffé.
« Agir ensemble pour une croissance responsable », voilà selon ses termes, la « nouvelle raison d’être » du Mouvement des entreprises de France (Medef). C’est dans le cadre du Grand débat national qu’est né ce nouvel élément de langage du syndicat patronal. 133 débats ont été organisés dans les territoires associant Medef territoriaux, Medef régionaux, fédérations professionnelles et partenaires locaux. Mardi 19 mars, le mouvement présidé par Geoffroy Roux de Bézieux a même communiqué ses 43 propositions afin « d’apporter des réponses fortes et ciblées aux attentes légitimes des ménages et des salariés en matière de pouvoir d’achat, d’accessibilité, de logement, de mobilité sociale et d’emploi, d’attractivité des territoires et de transition écologique. »
Fondamentalement, il n’y a pas de quoi réinventer la roue dans les réponses amenées par le Medef. Le résultat de leurs réflexions s’articulent atour de deux grandes « ambitions ». La première : « réussir enfin la décentralisation ». Faisant le constat que malgré « les vagues successives de décentralisation de ces 40 dernières années », […] la décentralisation s’est finalement retrouvée prisonnière de logiques institutionnelles et de transferts de compétences comme si la finalité, rendre un service de proximité au citoyen, avait été oubliée. » La proposition du Medef : « Repenser l’organisation décentralisée de l’État, afin d’en favoriser la bonne compréhension par les usagers, citoyens et entreprises, selon le principe d’une compétence, déléguée à un niveau de collectivité qui bénéficie d’une ressource fiscale dédiée, doit permettre de réinjecter de la confiance dans notre démocratie. » Comme si le Medef s’était levé un beau matin de débat national pour se rappeler l’importance de la décentralisation. Pour justifier sa proposition, le syndicat cite deux études de BAK Basel Economics, parue en 2009, et de l’OCDE, parue en 2013, qui « démontrent une corrélation positive entre décentralisation et croissance économique. Autrement dit, plus le niveau de décentralisation est élevé, plus la croissance du PIB est importante. » Bien vu.
Dans les vieux pots, les meilleures confitures
Deuxième « ambition » affichée par le Medef : réaliser un « choc fiscal » (élément de langage récurrent pour tout acteur voulant mettre en place une politique fiscale ultralibérale) en baissant fortement la fiscalité des ménages et des entreprises. Actant notamment que la « crise des Gilets jaunes résulte essentiellement d’un ras-le-bol fiscal et réglementaire », le Medef fait déjà une erreur de présupposé : ce n’est pas tant la fiscalité elle-même qui pousse des gens à passer leurs samedis après-midi sous les lacrymogènes, que son manque d’équité dans son prélèvement et sa redistribution. En outre, il faut être un bien piètre observateur politique pour penser que la colère des classes populaires vient uniquement d’un problème d’imposition.
Surtout, en termes d’allègement de la fiscalité des entreprises, le Medef semble avoir oublié le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi mis en place sous François Hollande en 2012… et ses piètres résultats : le CICE coûtait environ 20 milliards d’euros par an à l’Etat, et selon le comité de suivi, il aurait permis la création de seulement 100 000 postes environ.
Ces deux axes majeurs de réflexion sont suivis par une série de 43 mesures, elles-mêmes organisées en 7 impératifs qui vont de « démarrer l’ascenseur social » à « accompagner la transition écologique » en passant par « desserrer la pression sur le logement ». A ces différents égards, le Medef met sur la table des mesures plus ou moins socialisantes. Citons par exemple la mise en place d’un « capital départ » afin de « permettre aux jeunes d’entreprendre leur destin » qui, selon le Medef, pourrait revêtir la forme d’un prêt contingent (taux zéro) sous conditions de ressources du foyer. Ce plan de départ ne serait évidemment valable que pour un projet de formation, entrepreneurial ou immobilier…
Ou encore, pour lutter contre le déterminisme social, le syndicat patronal prône un dispositif dit de « deuxième chance » qui offrirait la possibilité à un actif de débuter une formation professionnelle en vue d’une nouvelle carrière à tout moment de sa vie professionnelle… à condition « que la situation du marché du travail justifie une telle transition ». Et dans les modes de financement d’un tel dispositif, le Medef propose que cette deuxième chance soit financée… aux frais du « chanceux » par un emprunt (à taux zéro quand même).
Les dernières sorties du président du Medef, ne peuvent dissimuler sa véritable raison d’être : protéger les intérêts des patrons. Geoffroy Roux de Bézieux s’est montré hostile à tout retour de l’ISF sur les valeurs mobilières lundi 18 mars, lors d’une discussion avec des intellectuels à l’Élysée, comme le rappellent nos confrères du Point. Ce jeudi 21 mars, invité de la matinale d’Europe 1, l’ancien président de l’Unedic a affirmé son désir de voir l’âge de la retraite reculer. M. Roux de Béziers a toutefois indiqué qu’il n’était « pas défavorable » à la réindexation des pensions sur l’inflation. En même temps qu’ils disent. Mais pas trop.
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