Rechercher

Géopolitique : L’Art Du Soft Power Français

Nathalie Obadia, galeriste à Paris et Bruxelles, spécialisée dans l’art contemporain et enseignante à Sciences-Po, vient de publier un ouvrage expliquant l’importance des liens entre la géopolitique des nations et le rôle de l’art comme vecteur d’influence. 

Un simple regard sur la scène artistique internationale ne se résume pas au seul marché de l’offre et de la demande évalué à 70 milliards de dollars en 2018 dont les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne représentent à eux seuls 83 %, laissant à la France 7 % et à l’Allemagne 2 %. Le marché de l’art est le reflet de la reconnaissance des artistes et de leurs perceptions, au regard des différents enjeux politiques et économiques de leurs pays qui fondent leur puissance et leur influence sur l’échiquier international. Ainsi, les pays prescripteurs vont vouloir accompagner leur puissance politique et économique de leur rayonnement culturel. Le patrimoine d’un pays ne se résume pas à sa géographie, ses conquêtes territoriales, ses richesses naturelles, industrielles et technologiques, il est aussi constitué de son « aura » culturelle au-delà de ses frontières.

La forte médiatisation autour des records de ventes de lots iconiques, des succès des foires à Miami, Londres ou Hong Kong, comme le succès de l’ouverture du Louvre-Abu Dhabi, sont autant de signes soulignant le rôle actif de l’art contemporain comme outil d’influence et qui entretient la hiérarchisation entre les nations. L’art devient un marqueur de puissance, il mesure le degré d’émancipation, de développement d’un pays, son pouvoir d’attraction comme modèle de société et, donc, sa place dans le système géopolitique. Si, comme on le verra, l’utilisation de l’art comme vecteur de puissance a toujours existé, ce sont les États-Unis qui l’ont perfectionné pour devenir ce que le professeur américain, Joseph Nye, en 1990 a appelé le soft power.
Il s’agit d’influencer les autres avec des moyens non coercitifs. Après la Seconde Guerre mondiale, ce sera la mission des États-Unis d’exporter sa culture, fondée sur des valeurs de liberté face à l’idéologie du bloc communiste. Les États-Unis ont compris le rôle stratégique de l’art contemporain, porteur d’un esprit de nouveauté et dont les artistes accompagnés des « Taste Makers » que sont les critiques d’art, les collectionneurs, les musées seront les ambassadeurs. L’influence de l’art contemporain américain sera renforcée par la force du marché qui fait de l’œuvre d’art contemporain, au-delà de sa valeur symbolique, et à la différence du théâtre, du cinéma ou de la littérature, un objet avec une présence physique, qui peut circuler et s’échanger facilement.

Pendant une grande partie de la seconde moitié du XXe siècle, on va assister à la globalisation de la scène artistique, fondée sur des valeurs occidentales, avec une très forte domination américaine. Mais de ce centre, des périphéries régionales vont se constituer dans les années 1970, elles correspondent à la naissance de nouvelles puissances économiques dont certaines, comme la Chine, aux ambitions mondiales déclarées, cherchent à concurrencer le monopole américain puis, plus largement, occidental. L’ouvrage étudie les liens entre les arts plastiques et la géopolitique, à travers les rôles des différents acteurs, artistes, collectionneurs, musées, pour mieux appréhender la situation au début du XXIe siècle et chercher à évaluer si le soft power américain, et plus largement « occidental », domine toujours ou s’il est remis en question et concurrencé par d’autres pays nouvellement prescripteurs. Ces nations sont, elles aussi, profondément concernées par leur émancipation par rapport à l’ordre culturel mondial fortement occidentalisé et elles utilisent l’art comme instrument d’influence pour construire d’autres voies. La réalité de ces tentatives et leurs résultats ne font que prolonger la réalité des rôles politique et économique des pays et leur place sur l’échiquier mondial.

Laure Prouvost en quelques dates clefs

1978  : née en France 

2011 : Lauréate du Max Mara Prize for Women

2013 : Lauréate du Turner Prize

2013 : Expo personnelle  Tate Britain London, 

2014 : Expo personnelle New Museum New York

2016 : Expo personnelle  Consortium de Dijon, au MMK Frankfurt, à la Kunstall Luzern, au Hangar Biccoca Milan 

2018  Expo personnelle Walker Art Center Minneapolis et  Palais de Tokyo, Paris

2019 : Pavillon français à la BIennale de Venise 

Portrait de Laure Prouvost, artiste exposée par la Galerie Natalie Obadia et qui représente la France à la Biennale de Venise en 2019.

Laure Prouvost est née en 1978 près de Lille. Elle vit et travaille entre Anvers, Belgique et Londres, Royaume-Uni.

Crédit Photo : Alexandre Guirkinger

Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia Paris/Bruxelles

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC