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Le MEDEF Opposé A La Mise En Place Du Compte Pénibilité

Le numéro un du MEDEF, syndicat du patronat, juge le délai trop court pour la mise en application d’un dispositif qui représente selon lui, une « usine à gaz ». Les entreprises disposent d’une certaine flexibilité pour introduire complètement ces six règles qui entrent en vigueur le 1er juillet 2016.

Il y a de l’eau dans le gaz entre le patronat et Matignon. Le président du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) a fustigé, mercredi 29 juin 2016, le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) à deux jours de l’introduction des six derniers facteurs (sur dix) que contient la loi.  « Nous ne savons pas comment faire le 1er juillet, donc nous n’appliquerons pas le compte pénibilité» estime, catégorique, le représentant du patronat français.

La réaction de Manuel Valls ne s’est pas faite attendre. Le Premier ministre, qui tenait un point presse mercredi 29 juin au soir, a rappelé au MEDEF « qu’on ne peut pas demander que l’Etat incarne l’autorité, que les lois de la République s’appliquent, et soi-même se soustraire aux lois de la République. La pénibilité c’est une grande avancée« . Manuel Valls a reçu ce matin le numéro un du MEDEF pour évoquer les six dernières obligations du compte pénibilité.

La mise en place des derniers outils du dispositif phare de la réforme des retraites de 2013, dont les quatre premiers critères sont entrés en vigueur en janvier 2015, a été repoussée de six mois par le gouvernement à juillet 2016.

Les entreprises disposent d’une certaine flexibilité pour introduire complètement ces six règles. Leurs déclarations peuvent être effectuées jusqu’à début 2017 et modifiables jusqu’à la rentrée 2017. La durée pourra être rallongée jusqu’en 2019 si le changement est en faveur du salarié.

Une « usine à gaz » pour Gattaz

Le projet de réforme des retraites, ficelé en 2013 par le gouvernement, prévoyait la mise en place d’un compte pénibilité, régi par l’application de dix règles, pour permettre aux salariés du privé de cumuler des points afin de se former, de travailler à temps partiel ou de partir de manière anticipée à la retraite.

 

L’employeur était initialement chargé de l’établissement d’une fiche individuelle d’exposition pour tout salarié du privé exposé à (au-moins) quatre des dix facteurs de pénibilité listés dans le texte. Le fonctionnement prévoit l’attribution d’un point à une personne exposée à un seul risque professionnel, qui doit dépasser les seuils et les durées fixées par décret,  pendant un trimestre. Le salarié obtient deux points en cas d’une exposition à deux risques ou plus.

La fiche d’exposition a subi une modification en août 2015 après la remise du rapport Huot, Sirigue et de Virville en mai 2015. Le texte reprend les inquiétudes exposées par une majorité de chefs d’entreprises, principalement de TPE et PME, au regard de la « lourdeur et la complexité du dispositif ».

Les patrons des très petites aux moyennes entreprises formulent deux inquiétudes relayées par le rapport déposé sur le bureau de Manuel Valls. Le monde du BTP s’inquiète de la mesure du travail répétitif, des postures pénibles et des vibrations mécaniques qui sont des contraintes quasi-incontrôlables de la pratique des différents métiers du secteur du bâtiment et des travaux publics. Le président de la CGPME des Bouches-du-Rhône, Alain Gargani, évoquait l’été dernier le critère lié à la température extrême, dont le risque d’exposition a été fixé par la loi à moins de cinq degrés et à plus de trente de degrés, comme « un problème ». « Dans le Sud, travailler avec des températures avoisinant les 30° est quasiment la norme de mai à septembre », insistait Alain Gargani.

Matignon a finalement laissé l’initiative aux branches professionnelles d’évaluer l’exposition aux facteurs de pénibilité. Cette méthode à la carte permet à un chef d’entreprise de se référer à un référentiel de sa branche qui identifie quels sont les postes, les métiers ou les situations de travail les plus risqués. L’évaluation davantage collective est abandonnée, tout comme l’application de mesures collectives. Les employeurs restent tout de même dans l’obligation de déclarer aux caisses de retraites des salariés les plus exposés aux risques. Les caisses contactent directement les personnes concernées pour leur livrer le nombre de points lié à leur exposition à un ou plusieurs risques.

 

Les quatre premiers critères sont entrés en vigueur au 1er janvier 2015, avec le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en milieu hyperbare (sous-marin) et les horaires alternants. Le second volet, qui est composé de six catégories (postures pénibles, port de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit), a fait l’objet d’un report de mise en application de l’ordre de six mois, pour une date du 1er juillet 2016 contestée par le patronat.

Les chefs d’entreprise craignent que les salariés se tournent massivement vers le départ anticipé. Les patrons souhaiteraient une multiplication des formations pour passer à un poste moins ou plus du tout exposé au risque de pénibilité; ou le temps partiel pour maintenir les salariés en activité.

Les mesures ont pour but de réduire la pénibilité au travail. Les employeurs doivent planifier des mesures de prévention pour supprimer ou au moins réduire l’exposition aux risques à un minimum. La mise en place de ce dispositif se repose sur trois piliers: organisationnels, comme l’aménagement des horaires et des espaces de travail; collectives, avec l’installation de systèmes de ventilation et d’insonorisation; et individuelles, avec la mise à disposition de lunettes de protection, de bouchons d’oreille ou de ports de gants.

Trois millions de personnes sont concernées par le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), selon le gouvernement. Une étude de a direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), publiée en octobre 2014, indique que 20 à 25 % des salariés seront concernés par l’intégralité du dispositif. Les ouvriers sont les salariés les plus touchés par les problèmes de pénibilité au travail, devant les employés de commerce et de service, selon une enquête de la Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (SUMER).

Pierre Gattaz a fait part de son étonnement, lors de nombreux échanges menés avec la ministre du Travail Myriam El Khomri, de voir ce dispositif bâti comme « une usine à gaz ». La coupure de gaz est loin d’être à l’ordre du jour.

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