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Future of World | La prochaine guerre économique mondiale sera celle de la voiture électrique

Enfermez dix experts de la voiture électrique dans une salle et demandez-leur un rapport sur l’avenir du secteur. Revenez une semaine plus tard et lisez leurs conclusions. Ils ne seront d’accord sur rien, sauf une seule chose : la voiture électrique, sur laquelle se fondent une grande partie des espoirs de transition écologique, va déclencher dans les années à venir une véritable guerre économique mondiale, au moins aussi intense que celle de l’Intelligence Artificielle. Volà pourquoi.

 

L’histoire semblait avoir bien commencé. Après avoir connu un premier âge d’or un siècle auparavant – 1910/1915- le véhicule électrique allait s’imposer dans nos quotidiens comme le bouclier anti-émissions polluantes et la clé de voûte de la transition écologique. Tous les ingrédients sont alors réunis pour une success story « verte ». De l’autre côté de l’atlantique, un entrepreneur clivant et pressé, Elon Musk, bouscule tous les codes du marché avec sa Tesla qui transforme à la fois les standards de production et de commercialisation lors de son lancement en 2012. En Chine, ce n’est pas moins de 100 constructeurs d’automobiles électriques qui voient le jour en moins d’une décennie, affranchis des barrières à l’entrée qui existaient sur le moteur thermique. L’Europe ne réagit vraiment que début 2023 en adoptant la fin programmée des moteurs thermiques pour les véhicules neufs en 2035.Le vieux continent met ses constructeurs, notamment allemands, sous une pression intense. Le décor était posé pour une bataille industrielle et commerciale classique entre les trois grands blocs géoéconomiques dominants. Certains allaient gagner, d’autres perdre, mais le secteur dans son ensemble était préservé. Sauf que rien ne se déroule comme prévu.

 

Une guerre des prix avec un effet domino

Un grain de sable vient enrayer cette dynamique courant 2023. Pour la première fois dans l’histoire de l’automobile, le véhicule le plus vendu au monde est électrique, toutes motorisations confondues. Tesla a en effet réussi à écouler près de 1,23 millions d’unités de son plus petit Modèle, le Y, dépassant le Rav4 de Toyota. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus, car derrière ce succès commercial, Elon Musk a allumé la mèche de la guerre des prix. Et la machine infernale s’est emballée. Pour faire face à des véhicules chinois 30 à 40% moins chers, le constructeur américain effectue plusieurs baisses de prix consécutives très agressives en 2023. Mécaniquement, il déprécie la valeur des flottes d’entreprises et des sociétés de leasing, qui sont ses premiers clients. Résultat : Tesla gonfle ses ventes mais mécontente ses acheteurs. Car celui qui a acheté en début d’année ne pourra revendre qu’avec une très grosse décote, le neuf étant quasiment au même prix que l’occasion. Bien entendu, les autres constructeurs réagissent et baissent aussi leurs prix. Certains se retrouvent dans une situation intenable, tel le géant Ford qui est obligé en avril 2024 d’écrire à tous ses fournisseurs et sous-traitants pour leur demander des efforts drastiques pour pouvoir garder la tête hors de l’eau. En Europe également, les sous-traitants de l’automobile sont de plus en plus sous pression, ce qui fait dire à l’ expert Jutta Rump interrogé par l’AFP que « Pour 100 ouvriers impliqués dans la fabrication d’un moteur traditionnel, seulement 10 sont nécessaires à la fabrication d’un moteur de voiture électrique ». En clair, l’écosystème automobile devra dégraisser massivement pour continuer à produire des véhicules électriques. Pour ne rien arranger, la Chine commence à montrer des signes inquiétants début 2024.

 

La double inconnue chinoise

Forte d’un marché immense, la Chine a vu les constructeurs d’automobiles électriques essaimer, au point qu’il est même impossible d’en connaître le nombre exact, certains n’opérant que sur le plan régional dans l’empire du Milieu. Ils seraient aujourd’hui plus d’une centaine, dont cinq dans le Top Dix Mondial et un nouvel entrant, Xiaomi, qui donne des sueurs froides à tout le monde grâce à son avance technologique et la rapidité avec laquelle il est entré sur le marché. Problème : la multitude de petits constructeurs n’a quasiment aucune chance de pouvoir atteindre la taille critique, mais personne ne semble vouloir prendre l’initiative pour enclencher un nécessaire mouvement de concentration, comme le souligne le quotidien économique « Les Echos » dans une analyse récente. Pour ne rien arranger, cette surcapacité de production chinoise se trouve désormais confrontée aux mesures de rétorsion commerciale de la part des États-Unis. Mis sous pression par la campagne électorale, et voulant vraisemblablement couper l’herbe sous le pied de Donald Trump, Joe Biden vient en effet d’annoncer une hausse des droits de douane inédite sur les véhicules chinois en les portant à 100%. L’argument avancé par l’Oncle Sam est connu : les constructeurs chinois bénéficieraient de subventions massives – et parfois cachées- de la part de l’Etat. Sauf que l’Amérique pourrait être prise à son propre jeu, les États-Unis ayant relancé leur croissance, notamment dans le renouvelable, grâce à un dispositif de subventions massives, l’Inflation Reduction Act (IRA). Pékin aurait donc beau jeu de freiner à son tour les importations de produits américains, faisant basculer l’ensemble dans une guerre commerciale de forte intensité.

 

Une crise existentielle à venir ?

De fait, la bataille des prix qui a entrainé aujourd’hui une crise du secteur automobile, créera demain une crise de l’emploi et de l’énergie, et après-demain une crise existentielle. Personne ne devrait être épargné par la vague en cours qui pourrait déclencher un véritable tsunami dans tous les secteurs connexes : énergie verte, bornes de recharge, batteries, terres rares, ou encore machines-outils. Si l’on combine cela avec l’irrésistible progression de l’Intelligence Artificielle qui devrait accélérer l’arrivée de la conduite autonome et l’augmentation exponentielle de la productivité dans les usines, c’est la notion même de travail dans ce secteur industriel et de services qui se trouvera confrontée à une crise existentielle. D’ici 2035, ce sera des centaines de milliers d’employés qu’il faudra reconvertir à la nouvelle donne. Pas certain que nous y soyons préparés…


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