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Future of Sustainibility | Buy European & Sustainable Act : les entreprises européennes doivent se préparer au “protectionnisme vert”

Buy European and Sustainable Act
European flags in front of headquarters of European commission in Brussels in summer day

Parmi les sujets débattus à l’approche des élections européennes, l’idée d’un protectionnisme qui favoriserait les entreprises européennes sur les marchés publics européens comment à faire consensus. Si l’idée de ce “Buy European Act” n’est pas nouvelle, l’idée d’y associer des critères environnementaux pour doper la transition verte des entreprises européennes commence à faire son chemin.

Une contribution de Thomas Guyot 

 

Qu’elles soient déjà conscientisées ou non par les entreprises, de nombreuses forces sont simultanément à l’œuvre pour accélérer la transition des entreprises vers des modèles d’affaires durables.

Les collaborateurs, talents expérimentés ou jeunes diplômés, sont de plus en plus attentifs et exigeants quant à l’impact de leur employeur.

Les investisseurs et les créanciers, conditionnent de plus en plus les montants investis et prêtés ou leurs taux d’intérêt aux performances ESG.

Les législateurs imposent de nouvelles obligations en matière d’objectifs environnementaux à atteindre ou de reporting extra-financier à réaliser. La CSRD et la CSDDD sont les manifestations les plus récentes de cette force législative.

Les forces purement “business” : en B2C les attentes des consommateurs finaux changent et chacun lie de plus en plus chaque euro dépensé à son impact environnemental et social. En B2B, les appels d’offres des grandes entreprises, publiques ou privées, intègrent des critères ESG dont le poids dans la notation finale des propositions reçues rend incontournable une stratégie climatique et sociale réfléchie et mise en oeuvre.

Le potentiel nouveau “Buy European and Sustainable Act” serait une force “business” supplémentaire incitant les entreprises européennes à verdir leur activité tout en les favorisant de par leur localisation. Historiquement cheval de bataille des Verts et de la gauche, le concept de protectionnisme européen favoriserait un approvisionnement local dans l’achat de biens, de services et ou la réalisation de travaux par la puissance publique européenne, fait aujourd’hui quasiment consensus parmi les candidats de tous bords.

S’il a longtemps été perçu comme “anti libéral” et contraire à la libre circulation des marchandises, ce “Buy European Act” viserait aujourd’hui essentiellement à défendre la compétitivité des entreprises européennes en répondant notamment aux protectionnismes assumés des américains et des chinois.

Dans la balance, les risques des mesures de représailles à l’exportation en dehors des frontières de l’UE semblent désormais moins peser que les bénéfices d’une préférence européenne pour les marchés publics.

Si les différents partis politiques tendent à s’accorder sur l’intérêt de la mise en place de ce “Buy European Act”, c’est la mention “and Sustainable” qui pourrait lui être accolée qui risque de faire débat. Car c’est bien là que résiderait cette nouvelle force pour le verdissement de l’économie européenne. Chaque décision économique est en effet une opportunité pour mener à bien la nécessaire transition écologique.

En effet, ajouter à la préférence locale de la commande publique des critères sur l’impact environnemental aurait de nombreux bénéfices économiques et environnementaux :

  • créer des débouchés économiques pour les acteurs locaux les plus vertueux pour la planète,
  • accélérer la réindustrialisation du continent et relocaliser des compétences clés afin, entre autres, de réduire la dépendance européenne à des chaînes d’approvisionnement que l’on sait fragiles depuis la crise Covid.
  • Sur le plan environnemental, s’approvisionner auprès d’acteurs européens soumis à des obligations plus strictes permettrait de réduire significativement l’empreinte carbone de la commande publique européenne et d’entraîner dans son sillage “vert” le reste de l’économie et de la commande privée.

 

Aujourd’hui 55% des achats publics européens n’ont que le prix comme seul critère. Demain la commande publique risque donc de s’inspirer de ce que font déjà certaines entreprises en intégrant dans leurs appels d’offres de nouveaux critères de production locale et surtout environnementaux et sociaux qui obligeront par ricochet l’ensemble des acteurs à déployer des stratégies ESG claires.

Dans le secteur privé, prenons l’exemple de la SNCF qui, pour accélérer la décarbonation de son scope 3 d’émissions de GES et agir sur la performance climatique de ses fournisseurs, intègre un prix du carbone interne fixé à 100€ par tonne de CO2e. Le bilan carbone des prétendants fournisseurs du groupe pèse donc désormais sur la notation de leur proposition financière en plus de leur note de performance ESG.

Selon une récente étude menée par le cabinet Carbone 4, s’il avait été mis en place en 2019, un tel “Buy European Sustainable Act” aurait permis “une baisse de 34 MtCO2e de l’empreinte carbone annuelle de l’UE depuis 2019 […] ce qui équivaut à une réduction de 30 % de l’empreinte carbone de la commande publique” sur les activités couvertes par l’étude.

Si le “Buy European & Sustainable Act” entre en vigueur un jour, encore faudra-t-il pour que son impact soit réel, que les entreprises européennes soient en capacité de répondre aux demandes et de satisfaire aux critères de durabilité.

On ne verdit pas son activité et on ne change pas de business model en un claquement de doigts.

Que l’Europe décide à court terme de protéger son économie tout en réorientant l’argent dépensé pour la commande publique vers des activités qui accélèrent la transition de l’UE vers une économie bas-carbone ou non, l’urgence d’une transition vers des modèles d’affaire alignant performance économique et environnementale est partout dans l’air, et elle s’imposera nécessairement à toutes les entreprises, quel que soit leur taille ou leur place dans les chaînes de valeur.

Dès lors, comme tout changement profond, il sera soit anticipé avec ambition et conviction, soit subi. En fonction des choix d’anticipation qu’elles font aujourd’hui, l’histoire nous laisse quelques indices sur les entreprises qui seront encore là dans 20 ou 30 ans. Disons rendez-vous en 2050 pour faire le bilan.

 


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