Refusant de s’astreindre au devoir de réserve inhérent à sa nouvelle fonction de Garde des Sceaux, François Bayrou n’entend pas brider sa liberté de parole malgré les remontrances de l’exécutif… qui envisagerait déjà, selon certaines sources, son remplacement.
Après des élections législatives sans nuages, le gouvernement d’Edouard Philippe fait face à ses premiers vents contraires. « Dynamiteur en chef » de cet équilibre, le ministre de la Justice, François Bayrou, qui, fragilisé par une enquête mettant en cause sa formation politique, le MoDem, semble décidé à faire feu de tout bois et n’entend pas se laisser dicter sa conduite, et encore moins rentrer dans le rang. Rappelé à l’ordre par le Premier ministre, Edouard Philippe, après son coup de fil à la direction de l’investigation de Radio France pour s’émouvoir des méthodes employées par les journalistes pour mener l’enquête dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem, François Bayrou a revendiqué, encore une fois, ce matin, sur RTL sa liberté de parole. « Je suis persuadé qu’au sein d’une équipe politique il faut avoir de la liberté de parole, il faut qu’il y ait de la vie, il ne faut pas qu’on vive avec la langue de bois », a estimé le Garde des Sceaux, faisant fi de la mise en garde initiale du Premier ministre. Hier, ce dernier a exhorté le turbulent ministre de la Justice à prendre la mesure de sa fonction et à ne plus se « comporter comme un simple citoyen », explication mise en avant par François Bayrou pour justifier son tempétueux coup de fil.
« Il se trouve qu’Edouard Philippe a dit quelque chose que je considère comme absolument juste et je dis quelque chose que je considère comme absolument juste. Et je ne vois pas de contradiction », a-t-il lancé. « Je ne défie personne, je suis trop détendu pour cela ». Mais le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, y a également été de sa mise en garde. « Quand on devient ministre, notre parole nous oblige beaucoup plus que quand on est citoyen », a souligné le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement. « Le Premier ministre lui a rappelé qu’aujourd’hui il n’était plus un simple citoyen », a-t-il insisté tout en plaidant l’apaisement. « Il n’y a pas de tension à avoir », a-t-il ajouté. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Interrogé par Reuters, la présidence s’est refusée à tout commentaire, précisant que « l’Elysée n’a pas à se mêler des échanges entre le chef du gouvernement et les ministres ». Mais selon un confidentiel de RTL, les bravades de François Bayrou commenceraient à agacer en haut lieu… au point même d’envisager son remplacement à la Chancellerie.
Un allié plus aussi indispensable ?
Ainsi, un proche du chef de l’Etat, cité par la radio, affirme qu’Emmanuel Macron serait prêt à se séparer de son ancien allié. « François Bayrou fait de la vieille politique, et le président n’aime pas ça », a affirmé ladite source. Une assertion « timidement » démentie par le porte-parole du gouvernement qui a assuré que le garde des Sceaux n’était en rien « un boulet » pour Emmanuel Macron qui avait noué avec lui une alliance déterminante avant le premier tour de l’élection présidentielle, alors que le candidat en Marche! était à l’époque englué dans une polémique relative à ses propos sur la colonisation et commençait quelque peu à décrocher dans les sondages. Le soutien de François Bayrou lui a ainsi permis de faire « la bascule » et ne plus être rattrapé par François Fillon notamment. Mais en politique, plus qu’ailleurs, la vérité du jour n’est jamais celle du lendemain.
Si Emmanuel Macron a su indéniablement récompenser ce soutien en nommant François Bayrou place Vendôme, avec le titre honorifique de ministre d’Etat en prime, la « déferlante » en Marche! du premier tour des élections législatives a montré que « l’apport » du MoDem n’était plus aussi déterminant puisque, en effet, même sans la cinquantaine d’aspirants députés estampillés MoDem, la République en Marche!, au regard du coup de force de dimanche, n’aurait aucun mal à obtenir la majorité absolue. Cependant, un « débarquement » du ministre de la Justice au lendemain d’un triomphe électoral ne serait pas forcément le meilleur signal à envoyer. D’autant plus que cette « nouvelle » occulterait alors largement la large victoire de la majorité présidentielle. « Il a contribué à sa place à la victoire d’Emmanuel Macron, il est un partenaire politique. Ce qu’il représente est important, ensuite il doit jouer collectif », s’est encore évertué à souligner Christophe Castaner, qui s’est visiblement rapidement adapté à la langue de bois inhérente à sa fonction de porte-parole.
Déjà en première ligne lors de l’imbroglio des investitures où il avait manifesté son mécontentement devant la première mouture dévoilée par la République en Marche!, estimant que cette liste n’avait pas l’assentiment du MoDem – ce qui avait occasionné une énième prise de bec avec Richard Ferrand, les relations entre les deux hommes étant notoirement mauvaises -, François Bayrou continue de jouer sa propre partition. A la différence de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron tente de réhabiliter la fonction « gaullienne » du chef de l’Etat, évitant de commenter l’actualité tous azimuts et d’intervenir à tort et à travers. Mais si la situation perdure, le chef de l’Etat devra trancher. C’est cela aussi être président.
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