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François Bayrou Et Marielle De Sarnez Victimes De La Moralisation

© Getty Images

Contre toute attente, les deux ministres MoDem embourbés dans « l’affaire des assistants parlementaires », le Garde des Sceaux, François Bayrou, et la ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez, ont démissionné du gouvernement. Si le départ de la seconde était plus ou moins dans l’air pour prendre la tête du groupe MoDem à l’Assemblée, la défection du premier, rallié à Emmanuel Macron en février dernier, intrigue davantage.

Et de trois ! Il n’y a donc plus officiellement le moindre ministre estampillé MoDem au gouvernement. Après la démission surprise, intervenue hier matin, de la ministre des Armées, Sylvie Goulard, numéro 4 dans l’ordre protocolaire, c’est au tour du ministre d’Etat et Garde des Sceaux François Bayrou et de la fidèle Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, de rendre leur tablier. Tous trois visés par une enquête relative à des soupçons d’emplois fictifs au Parlement Européen, la future ex-ministre des Armées a pris les devants ce mardi en faisant état de sa volonté de ne pas participer à la deuxième mouture du gouvernement Philippe dont l’annonce est prévue ce mercredi après-midi. Raison invoquée par l’eurodéputée : démontrer « sa bonne foi ». « Le président de la République a entrepris de restaurer la confiance dans l’action publique, de réformer la France et de relancer l’Europe », a-t-elle notamment souligné. Une « confiance » que les deux autres ministres MoDem du gouvernement semblent avoir largement entamée, aux yeux de l’opinion, au point de devoir quitter le navire gouvernemental, un mois seulement après leur nomination.

Marielle de Sarnez, auréolée de sa victoire aux législatives dimanche dernier, a sous-entendu dès lundi qu’elle pourrait briguer la présidence du groupe MoDem – d’une quarantaine de membres – nouvellement constitué à l’Assemblée nationale, le premier de son histoire. L’ancienne députée européenne parvient à « s’en sortir par le haut », à l’image de Richard Ferrand, lui aussi dans le collimateur de la justice, et « exfiltré » selon le même modus operandi pour prendre les rênes du groupe LREM au Palais Bourbon. Mais le cas Bayrou interroge. Selon certaines sources, le président du MoDem, à l’instar de Sylvie Goulard, voulait prendre du champ pour préparer sa défense, et éviter que cette « affaire » d’emplois présumés fictifs au Parlement européen des assistants parlementaires MoDem n’entache pas son action Place Vendôme. Une position somme toute cohérente, notamment au regard des échéances qui attendaient le désormais ex-ministre de la Justice, à savoir la présentation devant l’Assemblée nationale du projet de loi de moralisation de la vie publique. Se prétendre le chantre d’un telle initiative – que François Bayrou porte depuis longtemps et qui était l’une des conditions sine qua non à son ralliement à Emmanuel Macron -en étant lui-même dans le viseur des enquêteurs pour des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen – prêtait forcément le flanc au déferlement de critiques de l’opposition et au mal-être de la majorité.  Un risque difficile à courir en début de quinquennat.

« Tout à son honneur »

Dénonçant dès 2014, les « pratiques douteuses », à ses yeux, du MoDem, dans un livre intitulé « Les mains propres », la député européenne, Corinne Lepage a « salué », ce matin sur les ondes de RTL, la démission du Garde des Sceaux : « Je trouve que la décision de François Bayrou l’honore, c’est une décision républicaine, éthique, rien ne l’obligeait à partir. Il a pris cette décision car je pense qu’il a pris conscience des contradictions auxquelles il s’exposait, de la difficulté de défendre un texte auquel il tient énormément et je pense qu’il a mis devant des considérations éthiques devant ses propres intérêts personnels, donc c’est à saluer, c’est à son honneur ». Pour rappel, l’ancienne ministre centriste de l’environnement mettait en cause les pratiques du MoDem de la façon suivante dans son ouvrage. « Lorsque j’ai été élue au Parlement européen en 2009, le MoDem avait exigé de moi qu’un de mes assistants parlementaires travaille au siège parisien. J’ai refusé en indiquant que cela me paraissait d’une part contraire aux règles européennes, et d’autre part illégal. Le MoDem n’a pas osé insisté mais mes collègues ont été contraints de satisfaire à cette exigence », narre l’eurodéputée.

L’opposition s’est également félicitée du départ de François Bayrou arguant notamment que la position de ce dernier, au regard du texte défendu par ses soins, était littéralement intenable. « François Bayrou n’avait vraiment pas le choix. Il était dans la nasse et pour Macron, Bayrou devenait le sparadrap du capitaine Haddock. C’était plomber le projet du gouvernement car la confiance ne pouvait s’établir dans ce contexte avec un ministre visé par une mise examen. Il faut purger car il y a une attente forte de nos concitoyens sur la probité », développe par, exemple, le député LR Philippe Gosselin, cité par Le Monde. Ainsi, au regard de tous ces éléments, difficile pour François Bayrou d’être maintenu à son poste. D’autant plus que l’attitude du maire de Pau, qui, prévoyant peut-être le couperet, n’avait toujours pas quitté ce poste au gouvernement, commençait sérieusement à agacer en haut lieu.

Un allié devenu encombrant

Montant dans les tours à l’issue de l’annonce des investitures En Marche! arguant que ces dernières n’avaient pas l’assentiment du MoDem, puis revendiquant sa liberté de parole après un recadrage en règle du Premier ministre, Edouard Philippe, ce dernier n’ayant pas apprécié que son ministre téléphone au directeur de l’investigation de Radio France pour se plaindre des « méthodes d’enquête » employées par les journalistes chargés de couvrir « l’affaire MoDem », François Bayrou commençait à susciter des crispations en interne. Au point même de voir la garde rapprochée d’Emmanuel Macron monter au créneau, au gré de confidences savamment distillées, soulignant que le Garde des Sceaux « faisait de la vieille politique et que le président n’aimait pas cela ».  Mais gare à ceux qui estiment qu’avec ces « deux départs », le cas Sylvie Goulard mis à part, Emmanuel Macron s’est définitivement débarrassé d’alliés devenus très encombrants. Disposant désormais d’un groupe à l’Assemblée nationale – même si, rappelons-le le groupe LREM dispose à lui seul de la majorité absolue -, le MoDem pourrait s’offrir une caisse de résonance non négligeable dans les travées du Palais Bourbon. Jusqu’à devenir un potentiel foyer de fronde ? Plusieurs éléments de réponses devraient intervenir avec la conférence de presse de François Bayrou annoncée pour 18h, soit peu ou prou dans le même créneau horaire que le remaniement.

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