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Formation Professionnelle : Comment La Réforme Peut Endiguer Le Chômage

©Getty Images

Les concertations sur la réforme de la formation professionnelle ont débuté avec les partenaires sociaux. Avant de prendre connaissance du document de cadrage qui sera présenté par le gouvernement à l’occasion de ce coup d’envoi de la négociation, il importe de comprendre pourquoi le succès de la réforme à venir conditionne le retour au plein-emploi en France, et de suggérer quelques lignes directrices qui pourraient inspirer les évolutions à conduire.

Contrairement à son prédécesseur, Emmanuel Macron n’avance pas masqué. « C’est un investissement public planifié sur cinq années que je veux décider »[1] avait-il prévenu dans son ouvrage intitulé Révolution, paru il y a tout juste un an.

Un engagement que le nouveau locataire de l’Elysée a traduit très vite en acte budgétaire, avec son plan d’investissement quinquennal dont 15 milliards seront alloués aux compétences.

C’est que s’il veut lutter efficacement contre le chômage, le Président de la République n’a guère le choix. Il lui faut mener de front la réforme du marché du travail et celle de la formation professionnelle.

Quelques jours seulement après la publication au Journal officiel des 5 Ordonnances Travail le 23 septembre dernier, le gouvernement a donc annoncé le coup d’envoi de l’acte II des réformes sociales dont la refonte de la formation continue constitue le pilier central.

Pourquoi cette hâte apparente à remettre les mains dans le cambouis du système de formation ?

Parce que, le gouvernement le sait bien, il continuera à se casser les dents sur le problème du chômage tant qu’il n’aura pas remis à la disposition de notre appareil productif toutes les compétences dont celui-ci a besoin pour continuer à innover et créer de l’emploi.

Les statistiques du marché du travail le démontrent amplement : malgré une croissance nettement raffermie et un redressement net des embauches, les chiffres de l’emploi continuent à faire du yoyo. D’un mois à l’autre le nombre de chômeurs se réduit légèrement puis progresse le mois suivant.

La lutte contre le chômage fait ainsi du surplace ou presque avec un nombre de demandeurs d’emplois stabilisé autour de 5,615 millions fin septembre 2017.

Comment expliquer cette malédiction française ? Par le simple fait que la difficulté de licencier, qui va être en partie levée par la réforme Travail, n’est pas le seul frein au recrutement. Le véritable obstacle structurel à l’embauche dans les entreprises, c’est l’insuffisance de formation.

La preuve : plus les travailleurs sont bien formés et plus ils parviennent à trouver aisément un emploi. Le taux de chômage des Bac+2 ou plus est ainsi inférieur à 6%, alors qu’il est de plus de 20% pour les non-qualifiés. Et les chances pour les travailleurs peu formés de trouver un CDI sont très maigres.

Pour sortir de cet engrenage, il n’y a donc pas d’autre solution que d’engager notre pays dans une réforme ambitieuse de la formation professionnelle.

Le retour sur investissement d’une telle initiative peut être extrêmement favorable. Les experts économiques nous l’assurent : un plan de refonte de la formation est susceptible de générer dans la durée des gains macro-économiques très encourageants.

Le Cabinet Roland Berger, mandaté par la Fédération de la formation professionnelle (FFP) estime, par exemple, qu’un tel dispositif pourrait rapporter à terme plus de 17 milliards d’euros, que ce soit en supplément de PIB (+0,1 point par an) ou en économies pour les finances publiques[2].

Coe-Rexecode évalue de son côté à un supplément de créations d’emplois de l’ordre de 250 000 à 300 000 au total d’ici 2022 l’impact cumulé des Ordonnances Travail, de la réforme de la formation professionnelle et des allègements de fiscalité du capital d’ores et déjà décidés[3].

Pourquoi se priver d’une telle aubaine dans un pays qui s’est jusqu’à présent toujours montré impuissant à s’attaquer au maquis de la formation professionnelle et à ses quelque 66 000 organismes déclarés, jusqu’à la réforme en trompe-l’œil de François Hollande avec son plan « 500 000 » décidé bien trop tard dans le quinquennat ?

Pour espérer réussir et ne pas se prendre de nouveau les pieds dans le tapis, encore faut-il respecter un certain nombre de pré-requis. Ils sont, à mon sens, de trois ordres :

  • L’ambition générale du plan d’abord

C’est évidemment une question de moyens, mais pas seulement.

Le gouvernement n’a pas lésiné sur l’investissement consenti : 3 milliards par an en moyenne entre 2018 et 2022. L’effort apparaît effectivement conséquent.

Mais ce qui importe vraiment, c’est de se fixer une cible ambitieuse s’agissant de l’objectif de baisse du taux de chômage structurel, avec un retour prioritaire à l’emploi des jeunes en situation de décrochage scolaire et des chômeurs peu qualifiés.

Le taux de chômage structurel en France, avant les réformes engagées par les équipes d’Emmanuel Macron, se situe autour de 9%, bien qu’aucun consensus des économistes n’apparaisse précisément sur ce point.

Le plan présenté par la ministre du Travail devra donc être d’abord évalué, s’agissant de ses intentions premières, à l’objectif de baisse de ce chômage structurel et ce qui la conditionne, à savoir le taux de retour à l’emploi d’environ 2 millions de personnes qui en sont aujourd’hui durablement exclues compte tenu de l’insuffisance de leur niveau de qualification.

  • Le ciblage du plan ensuite

Un relatif consensus semble émerger pour proposer d’orienter une partie prioritaire des fonds engagés en direction de plusieurs publics prioritaires : les jeunes décrocheurs et les chômeurs de longue durée. Il ne faudra pas oublier non plus les salariés peu qualifiés, tout particulièrement les ouvriers.

1 million de jeunes décrocheurs et 1 autre million de chômeurs de longue durée devraient bénéficier de presque trois quarts de l’effort financier du plan d’investissement. C’est une bonne nouvelle, car il s’agit d’un public particulièrement fragile dont il faut élever en priorité le niveau de qualification.

Mais ce serait une erreur politique et économique majeure de négliger la partie de la population active aujourd’hui en emploi, et qui pourrait le perdre par défaut de qualification. Or, aujourd’hui, on sait que les non-diplômés qui travaillent bénéficient de bien moins d’heures de formation en moyenne (9 heures annuelles contre 26) que les Bac+3 et plus[4].

Le ciblage n’est d’ailleurs pas qu’une question de public, il revêt un enjeu de « contenu » et de « durée ». Sur le premier point, le plan du gouvernement devra répondre pleinement au défi de la « fracture numérique », alors qu’on estime qu’environ 90% des emplois d’ici 2020 auront un contenu digital. S’agissant de la durée, il s’agira de veiller à ce que les nouvelles formations dispensées soient suffisamment longues pour permettre à leur bénéficiaire d’acquérir une vraie qualification…

  • La méthode adoptée pour réformer enfin

Les précédents politiques invitent à la prudence s’agissant de la méthode.

Qu’on songe, par exemple, à la loi du 5 mars 2014 qui visait à transformer l’obligation de dépenser en obligation de former. Elle devait transformer les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) en offreurs de services, et non plus seulement en collecteurs de fonds. Une très bonne intention, mais des résultats décevants en définitive : la création du compte personnel de formation (CPF), que le gouvernement entend aujourd’hui mieux doter, n’a ouvert jusque-là qu’un droit identique pour tous les salariés en termes de nombre d’heures de formation, alors que les besoins, on l’aura compris, divergent largement…

Comme la FFP le recommande, il faudra veiller à mieux doter le CPF, mais sans doute réfléchir aussi à ce qu’à terme il soit financé par la totalité du « 1% » légal payé par les entreprises.

Seconde précaution essentielle : si l’on veut que les nouvelles formations dispensées correspondent vraiment aux besoins des territoires, il importe bien sûr de recenser les besoins en main d’œuvre bassin d’emploi par bassin d’emploi, ce qui suppose une implication coordonnée des régions et des partenaires sociaux. Une démarche coûteuse mais indispensable.

Troisième conseil de vigilance à l’usage du gouvernement et de la ministre, Muriel Penicaud: accompagner la refonte du dispositif de formation professionnelle d’une campagne de sensibilisation à ses enjeux pour les entreprises. Actuellement, seule une PME sur deux est dotée d’un budget de formation supérieur à l’obligation légale à verser aux OPCA. Cela traduit encore une ignorance voire une défiance à l’égard de la formation continue. Ainsi beaucoup de TPE en particulier (42%) et même de PME (27%) voient encore dans la formation « une obligation réglementaire, voire une charge » selon le baromètre Agefos PME, plutôt que comme une opportunité.

Flexibilité et Formation

Enfin, il ne faut pas que l’arbre cache la forêt : la seule réforme de la formation professionnelle ne suffira pas pour accélérer le développement des compétences dans les entreprises françaises au rythme des besoins de notre économie. Non seulement parce que cette réforme à venir ne portera ses fruits qu’à moyen terme, mais aussi parce que la formation continue n’est qu’un outil, et a priori par le plus « simple » à manier pour les employeurs et les salariés.

L’Etat et les collectivités locales seraient bien inspirés de promouvoir aussi les solutions agiles imaginées par les acteurs privés, surtout lorsque celles-ci reposent sur la mutualisation des savoirs entre les entreprises. Le mardi 21 novembre prochain à Paris, Page Executive et l’association Pacte PME organisent ainsi, par exemple, un événement destiné à présenter un premier retour d’expérience d’un outil de partage de compétences entre les entreprises précisément inventé pour accélérer le transfert d’expertise stratégique et managériale des sociétés qui en disposent vers celles qui en ont le plus besoin.

Beaucoup d’initiatives dans ce domaine existent. L’une des missions des pouvoirs publics consiste aussi à veiller à les faire mieux converger vers l’objectif de réduction du chômage structurel et à donner un coup de pouce à leur diffusion.

La solution au chômage structurel en France réside dans une combinaison harmonieuse entre flexibilité et formation. Le gouvernement d’Edouard Philippe a bien compris depuis plusieurs mois qu’il devrait mener de front réforme Travail et refonte de la formation professionnelle, désormais engagée. L’impact attendu en termes de création d’emplois d’une telle démarche, si elle était un succès, est considérable. Cela suppose cependant de se fixer une haute ambition, de bien cibler le plan sur les populations les plus fragiles (jeunes décrocheurs, chômeurs de longue durée, salariés faiblement qualifiés), et d’adopter une méthode pragmatique, associant au mieux régions et partenaires sociaux, dans les territoires pour bien identifier les besoins prioritaires en main d’œuvre, sans négliger, par ailleurs, les initiatives agiles portées par les acteurs privés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Emmanuel Macron, Révolution, page 82 – XO Editions, novembre 2016.

[2] FFP et Roland Berger, Formation professionnelle. Faire décoller l’investissement dans les compétences, octobre 2017

[3] Institut Coe-Rexecode, document de travail n°65, octobre 2017

[4] Etude du Centre d’Etudes et de recherches sur les qualifications (Céreq), 2014

 

 

 

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