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« Fainéants, Cyniques, Extrêmes…Emmanuel Macron Veut Briser Les Barrières Psychologiques »

© Getty Images

A l’aube de la première journée de mobilisation sociale de son quinquennat où l’opposition va battre le pavé contre la Loi Travail, Emmanuel Macron a réitéré sa volonté de ne rien céder aux « fainéants, aux cyniques et aux extrêmes », déclenchant moult polémiques et réactions. Adrien Rivierre, spécialiste de la prise de parole en public, décrypte, pour Forbes France, le « poids des mots » du chef de l’Etat.

Dans un discours devant la communauté française d’Athènes, vendredi, Emmanuel Macron a donc déclaré qu’il entendait réformer la France assurant qu’il ne céderait rien « ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ». Que traduisent, selon vous, les mots choisis par le chef de l’Etat ?

Ce qui transparaît clairement, à travers cette prise de parole, est la dureté de ses propos envers ceux qui ont précédemment exercé le pouvoir. Emmanuel Macron est d’ailleurs revenu sur sa déclaration ce lundi, précisant qu’il visait bien ses devanciers à la tête du pays au cours ces quinze dernières années. Il réitère également sa volonté de réformer rapidement et d’œuvrer à la transformation profonde du pays. Emmanuel Macron veut, en quelque sorte, briser les barrières et les premiers obstacles qui se présentent à lui et qui sont psychologiques. Il a, en ce sens, un postulat similaire à celui d’un entrepreneur, à savoir privilégier l’action au détriment du statu quo qui, dans sa bouche, devient fainéantise. D’un point de vue stricto politique – concernant son aversion des extrêmes -, le chef de l’Etat continue de jouer sa partition du chantre de la réconciliation gauche/droite pour remettre la France en marche, à rebours du danger que constituent les extrêmes. Au passage, beaucoup de gens l’ont oublié, le président de la République avait tenu des propos peu ou prou similaires, et tout aussi empreints de dureté, à l’encontre de ses prédécesseurs lors de son discours devant le Congrès à Versailles en juillet dernier. Il n’avait pas été tendre notamment avec Nicolas Sarkozy ou encore François Hollande.

D’autant qu’Emmanuel Macron est « coutumier du fait ». On se souvient notamment de sa première sortie en tant que ministre de l’Economie sur les salariés « illettrés » de Gad ou, plus récemment, son « recadrage » en règle du chef d’état-major des Armées. Est-ce une manière, pour lui, d’affirmer son autorité ?

On peut dire en toute objectivité qu’Emmanuel Macron est un excellent orateur qui maîtrise ses prises de parole et tous les codes qui vont avec, comme en atteste son discours à Athènes avec l’Acropole en toile de fond. Pour le reste, il n’a jamais renié ces propos et les a toujours assumés. Ce n’est absolument pas une erreur de sa part. Emmanuel Macron maitrise parfaitement tout ce qu’il dit et ne laisse pas emporter par l’émotion ou par ses mots. Ce modus operandi lui permet notamment de s’imposer, en effet, et montrer sa fermeté. Ce dernier aspect est d’ailleurs un trait caractéristique de sa rhétorique. Il est sur la lancée de la campagne présidentielle et dans la poursuite de son idéal. A savoir, faire appliquer ce pour quoi il a été élu et ne pas s’enliser dans ses réformes à l’instar de François Hollande, par exemple.

Pensez-vous qu’il s’agit justement, aussi, d’une manière de rompre avec le ton policé de ce dernier, peu habitué à ce genre de sortie ?

Très certainement. Après, de là à savoir s’il s’agit d’un choix délibéré et d’une véritable stratégie d’Emmanuel Macron, le suspense reste entier. Emmanuel Macron n’est pas dans le consensus mou et préfère manier les notions de débats et de dialogue tout en maintenant intacte sa capacité à trancher. La volonté d’action est manifeste. Les cyniques, les extrêmes et les fainéants sont ceux qui empêchent la France d’avancer. L’inaction et le statisme de François Hollande ont souvent été critiqués par son successeur ces derniers temps, à mots couverts. Il lui reproche d’avoir baissé les armes. Nous sommes effectivement, avec Emmanuel Macron, dans une rupture très nette avec François Hollande.

A l’inverse, diriez-vous que le « style » oratoire d’Emmanuel Macron est davantage à rapprocher de celui de Nicolas Sarkozy ?

Nicolas Sarkozy avait une parole davantage performative, à savoir l’exaltation de l’action. Emmanuel Macron est un orateur qui manipule une idéologie, des concepts et des valeurs. Il est dans l’idéal d’une France qui entreprend et, à ce titre, il brasse un spectre bien plus large que Nicolas Sarkozy. Mais est-ce que parler ainsi aux Français va véritablement porter ses fruits ? Où a l’inverse, ce discours « brut » ne va-t-il pas éroder encore davantage sa cote de popularité ? Mais quand Emmanuel Macron dénonce le cynisme et les fainéants il est tout à fait dans une rhétorique de droite.

Quels sont justement les « gains » espérés, en termes d’image, par le président de la République en cette journée de mobilisation ? Ne prend-t-il pas le risque de cannibaliser l’espace au détriment de son premier ministre et des autres membres du gouvernement concernés au premier chef par la réforme du code du travail ?  

Nous verrons. Mais ce qui est certain, encore une fois, c’est qu’Emmanuel Macron a été élu pour que ‘les choses bougent ‘et pour faire appliquer un programme qui est celui de l’entreprenariat. De facto, sa rhétorique s’inscrit dans la droite ligne de ses valeurs. Il veut aussi montrer, via ces propos qui ont tant fait réagir, qu’il ne sympathise pas avec les extrêmes quels qu’ils soient. Tous les appels à la révolte ou à l’insurrection de Jean-Luc Mélenchon ont d’ailleurs été balayés par le chef de l’Etat et ses ministres. En ce qui concerne l’extrême-droite, il est clair qu’elle est très affaiblie et n’est absolument pas audible en cette rentrée sociale.  Mais pour répondre à la seconde partie de votre question, il est clair que la voix d’Emmanuel Macron porte bien davantage que celle d’Edouard Philippe et encore plus que celle de la ministre du Travail en charge de ladite réforme.  Mais il est intéressant, dans ce contexte, de voir à quel point un mot, en l’occurrence fainéant, peut avoir un tel impact sur tous ceux qui écoutent et qui reçoivent cela. Tout le monde a immédiatement pensé qu’il désignait par ce vocable tous ceux qui sont au chômage. Pourtant le chef de l’Etat a confirmé qu’il s’adressait bien à la classe politique aux responsabilités avant lui ou ses adversaires. Il est en train de prendre conscience du pouvoir des mots. Il va peut-être bientôt se heurter à une limite au-delà de laquelle il ne pourra plus aller.

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