L’annonce faite hier par le président américain Donald Trump d’instaurer des droits de douane à l’échelle mondiale a déclenché une onde de choc parmi les entreprises importatrices, touchant une vaste gamme de produits, allant des voitures aux denrées alimentaires.
La manière dont les chefs d’entreprise réagiront aux effets des droits de douane sur leur activité pourrait bien décider de leur capacité à traverser cette crise, qui secoue déjà les marchés boursiers et promet une hausse des coûts pour les consommateurs.
Peu d’entreprises seront épargnées
« Peu d’entreprises échapperont à l’impact, même si son ampleur variera fortement d’un secteur à l’autre. En interne, les dirigeants doivent établir le lien entre les droits de douane, les prix à la consommation et les effets potentiels sur l’emploi, aux États-Unis comme à l’étranger. Autrement dit : identifier les zones d’impact, construire des scénarios, et anticiper une stratégie de communication adaptée. Garder le silence total ne servira à rien, mais des messages ciblés, mesurés et bien pensés peuvent poser les bases d’une influence constructive et de futurs soutiens », explique Felicia Pullam, directrice principale du géocommerce chez APCO, dans un échange par e-mail.
Les chefs d’entreprise ne doivent pas attendre pour communiquer avec leurs publics cibles sur l’impact des droits de douane.
« En matière de gestion de crise, investisseurs, fournisseurs, clients et responsables publics sont tous ébranlés, chacun à leur manière. Il sera crucial de communiquer avec précaution pour gérer des attentes souvent divergentes d’un pays à l’autre — ce qui est loin d’être simple. Engager le dialogue dès maintenant, si ce n’est déjà fait, peut contribuer à préserver la confiance et se révéler précieux à mesure que la situation évolue », recommande-t-elle.
Prendre une longueur d’avance
Certaines entreprises n’ont pas attendu l’entrée en vigueur des droits de douane décidés par Donald Trump pour en prévenir les effets auprès de leurs clients.
« Dès l’élection de Trump, nous avons alerté nos clients sur les conséquences possibles de son orientation protectionniste sur leurs prix. Nous ne voulions pas qu’ils soient pris de court — et la plupart d’entre eux avaient déjà connu ce genre de situation », explique par e-mail Sebastian Sassi, vice-président des ventes chez Atlantic Vision, une entreprise spécialisée dans la fabrication de cordons de raccordement en fibre optique et de câbles de liaison pour centres de données et opérateurs à large bande.
Dès l’annonce officielle des nouveaux tarifs douaniers, Atlantic Vision a envoyé une communication à ses clients pour expliquer les répercussions concrètes. « Nos messages visent à les rassurer : notre entreprise est solide, nous ne cherchons aucunement à tirer profit de ces tarifs, et l’augmentation des coûts n’est qu’un transfert que nous expliquons en toute transparence. Nous leur rappelons aussi que nos produits restent parmi les plus compétitifs du marché », précise-t-il.
Des clients rassurés
« Nos clients semblent rassurés par notre transparence, et nous ne prévoyons aucune perturbation de nos activités habituelles », souligne Sebastian Sassi.
Il ajoute que les tarifs imposés auront un effet inflationniste pour les consommateurs, qui devraient rapidement en ressentir l’impact. « Les opérateurs de réseaux à large bande n’hésiteront pas à répercuter les hausses de coûts liées à la construction des infrastructures optiques sur leurs clients finaux », anticipe-t-il.
Quand la communication devient un défi stratégique
De nombreuses entreprises vont devoir, dans les jours à venir, s’atteler à une tâche délicate : expliquer à leurs clients les conséquences concrètes des nouveaux tarifs douaniers.
« Beaucoup vont s’efforcer d’exposer une réalité simple mais difficile à faire passer : si les coûts augmentent, les prix suivront. Elles devront aussi rappeler à leurs clients les raisons de leur fidélité, en soulignant que, au-delà du prix, des éléments comme le service client ou la réactivité dans la personnalisation des commandes jouent également un rôle important », anticipe Jonathon Narvey, fondateur de l’agence Mind Meld PR, dans un échange par courriel.
La taille conditionne la stratégie
« La manière dont les entreprises réagiront aux nouveaux droits de douane de Trump dépendra largement de leur taille. Pour les petites entreprises, les coûts supplémentaires pourraient être un véritable obstacle, les empêchant de financer des actions de relations publiques ou de marketing, sans parler de couvrir des dépenses essentielles comme les produits et les stocks », explique Janie Mackenzie, vice-présidente des relations publiques chez Ascendent Group, dans un échange par courriel.
« En revanche, les grandes entreprises devront adopter une stratégie plus réfléchie pour gérer leur communication avec les parties prenantes, les clients et les médias », ajoute-t-elle.
Mme Mackenzie recommande à ces entreprises de prendre les mesures suivantes :
Faire preuve de transparence
- « Soyez clair sur l’impact des droits de douane sur vos prix, vos chaînes d’approvisionnement et vos opérations. Si des ajustements de coûts sont nécessaires, expliquez-les en vous appuyant sur des données concrètes. »
Contrôler le récit
- « Ne laissez pas les médias ou le gouvernement définir votre histoire. Plutôt que de vous concentrer sur les difficultés, mettez en avant les solutions. Si vous devez faire face à des droits de douane sur vos matières premières, positionnez cette situation comme une opportunité de résilience et d’adaptabilité. »
- « Soyez transparent avec vos investisseurs sur la manière dont vous gérez les risques tout en préservant votre rentabilité. »
- « Tenez votre équipe informée des évolutions, qu’il s’agisse de restructurations, de licenciements ou de modifications des opérations. Une équipe bien informée est une équipe motivée. »
Prendre la parole
- « Si les tarifs douaniers ont un impact fort sur votre secteur, en parler publiquement peut renforcer votre crédibilité et votre confiance. Cela peut inclure des actions comme plaider pour un changement de politique via des associations professionnelles, partager l’impact réel avec les médias ou adopter une position plus directe. »
En conclusion, Mme Mackenzie rappelle : « Pour préserver leurs résultats, les entreprises doivent rester transparentes, proactives et orientées vers des solutions dans leur communication publique. »
Des messages adaptés à chaque public
Eric Hazard, directeur général chez Vested, souligne l’importance d’adapter la communication en fonction des publics : « Il est essentiel de comprendre que chaque groupe nécessitera un message spécifique. Les entreprises doivent diversifier les canaux de communication pour expliquer l’impact des droits de douane. Par exemple, une réunion publique pourrait permettre aux parties prenantes internes de rencontrer directement les dirigeants, d’entendre leurs explications sur l’impact des droits de douane et de poser leurs questions. »
Il ajoute également : « L’équipe de communication joue un rôle central dans cette démarche. Il est crucial qu’elle collabore étroitement avec la direction et les cadres supérieurs pour définir les meilleures pratiques et élaborer les messages clés. »
La transparence comme atout stratégique
« Les droits de douane sont une véritable bombe à retardement pour la prévisibilité des entreprises. Cependant, les entreprises intelligentes ne se contenteront pas de traverser cette crise, elles en feront un levier de compétitivité. La transparence devient désormais un atout essentiel. Les parties prenantes recherchent de l’honnêteté sans compromis, pas des discours vagues. Soyez prêt à envisager d’autres options d’approvisionnement ou à revoir vos stratégies de tarification, et assurez-vous d’avoir des plans d’urgence bien définis. Mon conseil ? Agissez avec audace, rapidité et franchise », recommande Kaitlyn Barclay, PDG de Scout Lab, une agence de communication internationale, dans un entretien par e-mail.
Les droits de douane imposés par Trump ont créé une crise sans précédent, qui affectera quasiment toutes les entreprises et consommateurs. Le moment et la manière dont les dirigeants répondront à cette crise testeront leurs capacités à gérer une situation difficile, et joueront un rôle crucial dans le futur de leur organisation. La capacité des dirigeants à communiquer efficacement et stratégiquement sera un facteur clé de leur succès.
Une contribution de Edward Segal pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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