La pandémie n’est pas finie que nous voici en crise. Dans la série d’entretiens Face au Virus, Forbes échange avec les hommes et les femmes qui travaillent aux adaptations nécessaires. Synthèse d’une série évolutive.
Jamais, dans l’histoire de l’humanité, on n’avait vu pareille mobilisation. Trois mois après la découverte d’un nouveau coronavirus, plus de 3 milliards d’êtres humains étaient confinés chez eux. Une telle réaction n’aurait pas été concevable il y a encore vingt ans. Ou même dix, quand la Cour des Comptes et l’opinion tournaient en ridicule Roselyne Bachelot, ministre de la Santé , pour avoir « trop » acheté de masques et de vaccins contre un autre coronavirus, la variante H1N1 de la grippe A.
Qui sait pourquoi, cette fois-ci plutôt qu’une autre, le monde a pris conscience, si vite et si fort, des risques de la pandémie ? Et comment l’humanité a pris pour la première fois une décision quasiment unanime, malgré certains de ses dirigeants, et non des moindres : Donald Trump, Boris Johnson… sans oublier le Brésil et la Suède? Difficile de chercher la réponse du côté sanitaire : la panique mondiale ne vient ni de la férocité du virus ni du jeu bien boiteux des institutions internationales. Mieux vaut se tourner ce qui, avant crise, unifiait le monde: le numérique et la mondialisation.
Marche arrière toute
La mondialisation semble avoir atteint un apogée. Le commerce mondial s’est contracté cette année d’au moins 20 %, sous l’effet de la Covid-19, ou plutôt du confinement. Chaque semaine, ce sont 25 milliards à 50 milliards de dollars qui, selon les estimations, manquent à l’appel. Le moteur de la croissance depuis Bretton Woods et la fin de la Deuxième Guerre Mondiale n’est pas à l’arrêt. Il est arrière toute. « L’ensemble des supply chains sont en train d’être remodelées pour relocaliser la production de biens et services » observe ainsi Antoine de Riedmatten, observatoire privilégié du tissu entrepreneurial français : le cabinet comptable In Extenso, qu’il préside, compte plus de 100 000 entreprises clientes. Des PME qui, tout comme les grandes entreprises, accélèrent leur transformation numérique. Cela n’ira pas sans de profondes transformations, analyse-t-il, de l’e-commerce à la robotisation. Même son de cloche à l’international. « Dans un pays de plus de 200 millions d’habitants comme le Nigéria, l’on peut s’attendre à un renforcement des mesures de protectionnisme » témoigne l’ancien diplomate Romain Poirot-Lellig, qui a choisi Lagos comme première base de son entreprise franco-africaine, Africa Delivery Technologies : « Pour réussir, cette stratégie devra s’accompagner d’une amélioration drastique des standards de production (…) et de gains de productivité. C’est là que les entreprises de la tech ont un rôle décisif à jouer ».
Télépolémiques
La transformation numérique a commencé par le télétravail généralisé. Si le taux de télétravailleurs finit par s’établir autour du 30%, comme le prévoit Antoine de Riedmatten, les conséquences s’étendront de l’immobilier de bureaux à l’organisation interne des entreprises. Certains vont plus loin encore. « L’entreprise libérée est un modèle d’organisation, quand tout le monde télétravaille, bien plus efficace que le modèle hiérarchique » s’enthousiasme Christophe Legrenzi, enseignant et fondateur du cabinet de conseil Acadys. Il prévoit au management un avenir bâti sur quatre piliers : la responsabilisation, la subsidiarité, la confiance et l’autonomie.
L’autorité, elle, revient en force dans la sphère publique. « Les Français en veulent de plus en plus à un Etat qu’ils ressentent comme intrusif, répressif et inefficace » constate Jean Viry-Babel, fondateur et CEO de la medtech xRapid Group. Actif en France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Chine et aux Etats-Unis, il s’inquiète du retard pris par la France en matière de dépistage. A l’inverse de pays comme l’Allemagne et Taïwan, la France n’a en effet testé que ceux qui se présentaient à l’hôpital avec des symptômes pouvant suggérer la Covid-19. Alors que les tests individuels commencent à devenir librement disponibles sur Internet, les autorités sanitaires sont d’après lui en train de commettre en France « la même erreur que celle qu’on a faite sur les masques, quand le gouvernement a fait croire qu’ils n’étaient pas importants au lieu d’admettre qu’on n’en avait pas assez ». Les entreprises peuvent agir pour rétablir la confiance. Orange, par exemple, compte donner à tous ses salariés les moyens de se tester.
Quant à l’Etat, les questions restent entières. Le modèle girondin et décentralisé l’emporte-t-il vraiment sur le jacobinisme français en matière sanitaire ? Quel rôle jouera le numérique, dans le nouveau monde face au virus, dans des activités aussi sensibles que l’éducation ? Et où va la technologie, virus ou non ?
Quelques réponses à partir de la semaine prochaine.
À lire Face Au Virus :
« La Covid-19 accélère la transformation numérique des TPE-PME », entretien avec Antoine de Riedmatten, président du directoire d’In Extenso
« Entreprise confinée, entreprise libérée », entretien avec Christophe Legrenzi, CEO d’Acadys
« Laissez les Français se tester ! », entretien avec Jean-Viry-Babel, fondateur et CEO de Rapid Group
« L’Europe a un rôle historique à jouer en aidant l’Afrique face à la pandémie», entretien avec Romain Poirot-Lellig, fondateur et CEO d’Africa Delivery Technologies
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