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Exaspérés par le surtourisme, plusieurs sites touristiques européens passent à l’action

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Source : Pixabay

SURTOURISME | Lassées par la pénurie de logements, la circulation, le bruit, la pollution et les déchets, de nombreuses destinations populaires en Europe troquent leurs campagnes touristiques contre des stratégies anti-tourisme, et certaines des mesures prises pour décourager les visiteurs sont radicales.

 

Littéralement envahies par les touristes, certaines des destinations les plus emblématiques sont devenues invivables pour les résidents et les visiteurs. La beauté, la sérénité et la simplicité de nombreuses destinations parmi les plus bucoliques et les plus recherchées d’Europe ne peuvent survivre à des millions d’arrivées annuelles.

Bien que la lutte contre le surtourisme ne soit pas encore à l’agenda politique de l’Union européenne (UE), le débat sur la manière de gérer les flux de touristes est bien entamé. L’afflux massif de touristes, autrefois la poule aux œufs d’or de ces lieux de villégiature, est précisément à l’origine des réactions négatives actuelles.

« Le surtourisme est déjà tel que des destinations populaires font désormais l’impensable et tentent activement de dissuader ou de bloquer les arrivées », écrit The Guardian. « Les destinations les plus parfaites du monde sont transformées en toile de fond pour nos selfies touristiques. Le surtourisme transforme les destinations en l’opposé de ce qu’elles étaient auparavant. »

Partout sur le continent, mais surtout dans les villes les plus populaires, les habitants expliquent qu’ils n’en peuvent plus des effets destructeurs du surtourisme. La ville de Venise, par exemple, est tellement submergée par le nombre de visiteurs qu’elle a instauré un droit d’entrée allant de trois à dix euros pour accéder à la ville et à ses îles. Pour gérer les foules, la Grèce a mis en place un système de créneaux horaires pour les visiteurs de l’Acropole.

Les hordes ne sont pas non plus une partie de plaisir pour les touristes eux-mêmes, coincés dans de longues files d’attente pour accéder aux sentiers, acheter une boisson, entrer dans un restaurant ou monter à bord d’un train, d’un avion ou d’un bus. Les merveilles naturelles ou artificielles, et même les églises, ont été monétisées.

« Les touristes attendent plus de deux heures pour visiter l’Acropole d’Athènes », a récemment rapporté l’agence AP. « Les files de taxis à la gare centrale de Rome sont tout aussi longues. Et les visiteurs sont si nombreux à se concentrer autour de la place Saint-Marc à Venise que les ponts sont bloqués, même en semaine. »

Les forêts vierges, les plages et les petites villes pittoresques sont parfois tellement peuplées que les visiteurs n’ont d’autre choix que de suivre la direction de la foule. Les musées sont parfois si bondés que pour voir une exposition populaire, il faut réserver des mois à l’avance. Et même dans ce cas, il est difficile de voir et d’apprécier les œuvres d’art en raison du nombre de personnes qui les entourent.

L’Organisation mondiale du tourisme prévoit que d’ici la fin de la décennie, le flux de touristes internationaux dépassera le chiffre stupéfiant de deux milliards. Les gouvernements locaux et nationaux ont été contraints de trouver des solutions au boom du tourisme de masse et certains ont mis en place des restrictions radicales.

Amsterdam

La ville d’Amsterdam a décidé d’interdire l’accès de son port principal aux bateaux de croisière. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une vaste campagne de répression que les autorités municipales qualifient de « campagne de découragement » et qui, entre autres mesures, interdit la consommation de marijuana en plein air dans le Quartier Rouge. En outre, plusieurs campagnes officielles d’affichage et de publicité ciblent les jeunes hommes britanniques, les encourageant à « rester à l’écart ».

Ces mesures, comme l’a expliqué la maire de la ville, Femke Halsema, visent à décourager les visiteurs de venir à Amsterdam pour des « vacances de débauche » et à contrôler l’afflux de touristes ainsi que les perturbations qu’ils apportent à la belle ville avec son architecture pittoresque, ses musées incomparables, ses canaux paisibles, mais aussi son Quartier Rouge et ses coffee shops.

Avec moins d’un million d’habitants, Amsterdam attire plus d’un million de touristes en moyenne par mois. Malgré la controverse suscitée par l’interdiction des bateaux de croisière, le gouvernement a expliqué que l’interdiction des navires géants « s’inscrit dans la lutte contre le tourisme de masse et est conforme aux ambitions de développement durable de la ville ».

Réputée pour être une ville très tolérante et libérale, la ville d’Amsterdam est devenue, selon Lonely Planet, « de plus en plus réglementée au cours des dernières années ». Les autorités ont déclaré qu’aucun jugement moral n’était impliqué dans la lutte contre le nombre disproportionné « d’hommes âgés de 18 à 35 ans qui viennent uniquement pour faire la fête et utiliser notre ville comme décor », a déclaré au guide la porte-parole de la ville, Carina Noordervliet. « La campagne de découragement vise un groupe de personnes qui, en général, ne contribuent pas à la ville de manière positive.

Italie

L’Italie, qui interdit depuis 2021 les grands navires de croisière dans la lagune historique de Venise, a pris des mesures à Rome pour restreindre l’accès à la fontaine de Trevi et à la piazza di Spagna. La ville de Rome a également commencé à faire payer l’entrée au Panthéon afin de contrôler les foules et de protéger la célèbre merveille architecturale.

Depuis le mois de juin, la ville de Florence interdit les nouvelles locations de vacances privées de courte durée dans son centre historique, classé au patrimoine protégé par l’Unesco.

À Portofino, l’une des plus charmantes villes balnéaires de la Riviera italienne, les autorités locales ont adopté une loi visant à dissuader les touristes de s’attarder pour prendre des selfies dans les « zones d’attente interdite », qui comprennent les endroits les plus photogéniques. Les amendes s’élèvent à 275 euros, rapporte la BBC. Le maire de Portofino, Matteo Viacava, a déclaré qu’un « chaos anarchique » avait été créé par les touristes qui s’arrêtaient pour prendre des photos, ce qui avait entraîné des embouteillages massifs et des rues bloquées.

Comme l’explique The Guardian, ces mesures « sont parmi les dernières d’une série de décisions draconiennes adoptées par les conseils italiens pour faire face aux hordes de vacanciers : des amendes allant jusqu’à 2 500 euros pour avoir parcouru les sentiers des Cinque Terre en tongs ou en sandales ; l’interdiction de prendre des collations à l’extérieur dans le centre de Venise ou dans quatre rues centrales de Florence ; une amende de 250 euros simplement pour s’être assis sur la piazza di Spagna à Rome. Une plage d’Eraclea a même interdit la construction de châteaux de sable (amende maximale de 250 euros) parce qu’ils sont considérés comme des obstacles inutiles ».

France

À Nice, sur la Côte d’Azur, des œuvres d’art de rue inhabituelles ont été récemment installées à des endroits très fréquentés par les touristes : des pièges à rats géants « pour éradiquer et éliminer les touristes nuisibles » avec une crème glacée géante comme appât. « Pour freiner le surtourisme, l’artiste de rue TooLate propose une solution radicale », écrit FranceInfo. Les pièges géants sont une approche humoristique, mais aussi une manifestation claire des sentiments de la ville à l’égard du tourisme de masse.

Au niveau gouvernemental, un plan « visant à mieux réguler les flux touristiques et à soutenir les collectivités locales confrontées à des hausses de fréquentation » a été dévoilé le mois dernier. Le Monde rapporte que « Alliance France Tourisme, qui regroupe les entreprises du secteur, a pointé du doigt « la prise de conscience tardive de la France », estimant que le pays faisait désormais partie des destinations condamnées au « surtourisme » ».

Outre la mutualisation des informations via une plateforme numérique sur les bonnes pratiques et la réglementation, un guide et un observatoire, le gouvernement lancera en mars 2024 une campagne d’un million d’euros pour inciter les touristes nationaux et étrangers « à adapter leurs choix de destination et leurs horaires ».

Espagne

L’une des destinations de pèlerinage les plus populaires, Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, envisage d’instaurer une taxe de séjour pour lutter contre le surtourisme. « La ville accueillant plus de 300 000 touristes et pèlerins chaque année, les autorités ne veulent plus que Saint-Jacques-de-Compostelle soit un parc à thème », rapporte Schengenvisa. Les autorités locales prévoient également de contrôler le nombre de touristes dans le centre historique de la ville.

À Majorque, qui est, après Ibiza, l’endroit le plus fréquenté des îles Baléares, les protestations anti-tourisme se multiplient : « Majorque touche le fond ! », écrit le Mallorca Daily Bulletin dans un article sur la fureur des résidents locaux face aux touristes presque nus qui se promènent dans les magasins et les rues des villes pittoresques.

« Les règlements de la municipalité de Calvia interdisent désormais de se promener « nu ou à moitié nu » dans les rues ; il en va de même pour Palma (la capitale de Majorque) et Playa de Palma, et ces dernières années, des amendes ont été émises à plusieurs reprises dans d’autres stations balnéaires telles que Magaluf », écrit le journal.

Une mesure similaire a déjà été introduite à Barcelone, où une récente campagne locale de graffitis a détourné les touristes du parc Guell, conçu par Gaudi et très fréquenté.

À Ibiza, un groupe d’activistes membres du mouvement « Futuro Vegetal » a pris pour cible un super-yacht de 300 millions d’euros ce mois-ci. Ils ont aspergé de peinture rouge le méga-yacht Kaos appartenant à Nancy Walton Laurie, l’héritière milliardaire de la société Walmart. Ils ont également aspergé de peinture noire les cerises de la célèbre discothèque Pacha, pris d’assaut avec des banderoles le club de plage de luxe Blue Marlin à Cala Jondal, pris pour cible un jet privé à l’aéroport d’Ibiza et peint à la bombe une Lamborghini.

Portugal

Au Portugal, le fait de diffuser de la musique à haut volume sur la plupart des plages les plus populaires est passible d’amendes allant de 200 à 36 000 euros. La côte de l’Algarve, par exemple, accueille à elle seule plus d’un million de touristes, principalement britanniques, pendant la haute saison. Les amendes vont de 200 à 4 000 euros pour les individus et de 2 000 à 36 000 euros pour les groupes.

La liste des interdictions et des restrictions auxquelles les voyageurs peuvent être confrontés sur les plages du Portugal comprend les jeux de ballon non autorisés, le camping en dehors des zones dédiées, la pêche dans les zones de baignade et le survol d’aéronefs à moins de 300 mètres, à l’exception de ceux qui sont destinés à des opérations de surveillance ou de sauvetage.

Croatie

Dans le cadre de la campagne « Respect the City », la ville ultra-populaire de Dubrovnik a mis en place un système de dépose des bagages afin de minimiser le bruit des valises à roulettes dans les rues pavées du centre-ville pittoresque. Selon SchengenVisaInfo, « à partir de novembre, des casiers obligatoires seront mis en place par la municipalité à plusieurs endroits de la ville où il sera interdit de voyager avec des bagages ».

Les nouvelles mesures visant à contrôler le surtourisme comprennent également l’interdiction de dormir dans les espaces publics, d’uriner dans les espaces publics, de grimper sur les monuments, d’être en état d’ébriété, de boire de l’alcool à proximité d’espaces publics protégés, y compris les écoles, et de commettre des infractions liées à la drogue, toutes ces infractions étant passibles d’amendes élevées et de peines d’emprisonnement.

Dubrovnik a déjà enregistré 289 000 arrivées et 763 500 nuitées depuis le début de l’année.

 

Article traduit de Forbes US – Auteure : Cecilia Rodriguez

<<< À lire également : La France s’attaque au problème du surtourisme >>>

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