Dans la guerre commerciale opposant la Chine et les Etats-Unis, savoir qui gagnera est déterminant. En effet, le leadership économique mondial est en jeu.
La situation peut évoluer d’un jour à l’autre mais à l’heure actuelle, la tendance est la suivante : à court terme, Donald Trump peut remporter une manche, mais la « victoire » finale devrait revenir à la Chine.
Si on remonte quelques décennies en arrière dans l’histoire économique, il apparaît que la révolution industrielle a permis aux pays de l’Ouest d’asseoir leur domination économique. Au fil des années, les Chinois ont compris les codes, les ont adaptés et les ont intégrés. Ils sont, surtout depuis l’arrivée de Xi Ji Ping, de plus en plus conquérants. Ils tissent partout dans le monde des partenariats commerciaux.
En face de cette vision claire, quelle vision long-terme D. Trump peut-il faire valoir ? Aucune en fait. Depuis son arrivée au pouvoir, il n’a eu de cesse que de menacer ses alliés… Difficile dans ces conditions de promouvoir une vision et un désir de « construction » communs. Les Etats-Unis agissent pour sortir progressivement de toutes les instances de gouvernance « multipolaires » et donc à terme vont abandonner toute idée de leadership mondial.
Pourtant, D. Trump pourrait marquer des points à court terme : il a, d’après lui, tout à gagner en mettant une énorme pression sur les Chinois.
Les Chinois sont dans une situation plus inconfortable à court terme : cette guerre commerciale survient à un moment critique pour eux. Elle crée des fragilités dans la politique que souhaitent mener les autorités. Bien sûr, stratégiquement rien n’est remis en cause. La Chine garde la même politique économique devant conduire au bien-être matériel de sa population à moyen/long terme, ce qui passe par un besoin fort de sécurisation de ses ressources en matière première.
Déjà très présente en Asie bien sûr, la Chine accroît régulièrement ses positions en Afrique et même en Amérique du Sud pour accéder à certaines denrées alimentaires ou à des matières premières. Ce que font les Chinois avec tous ces pays est aux antipodes de la politique américaine. La Chine a su jouer de l’aspect « multipolaire » des relations économiques et affiche une attitude plus constructive, en apparence au moins, et surtout plus respectueuse de la souveraineté de ses partenaires.
L’offensive de D. Trump perturbe les Chinois au moins à court terme. Certains vont même jusqu’à prédire que la guerre commerciale provoquera un ralentissement marqué de la croissance chinoise. En fait, l’économie chinoise marquait le pas depuis plusieurs mois et donc ce bien avant l’augmentation de droits de douane. Plusieurs composantes de l’économie chinoise ralentissent comme par exemple l’investissement industriel, les ventes de détail ou le nombre de construction de logements.
Ce « plateau » de l’économie était parfaitement piloté par le gouvernement chinois : depuis plusieurs mois, la politique budgétaire est devenue un peu plus restrictive, les dépenses d’investissement ont donc progressé moins vite ; le système bancaire était également strictement contrôlé. L’idée des autorités chinoises était de devenir progressivement moins dépendantes des dépenses destinées à favoriser l’exportation pour, au contraire, faire en sorte que le poids des services et de la consommation domestique augmente en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB).
Les derniers chiffres publiés et l’ambiance générale plus morose dans les pays émergents en Asie et dans le reste du monde les ont visiblement incités à renoncer, au moins temporairement, à leur stratégie économique de rééquilibrage. Dans l’urgence, les Chinois ont dû se résigner à adopter un package « traditionnel » de relance via stimulus budgétaire, assouplissement du crédit… En ce sens, on peut dire que Donald Trump remporte un premier point : si la situation se dégrade encore un peu, les Chinois seront peut-être plus souples dans les négociations et ouvriront plus leur économie aux produits américains… mais surtout, les Chinois pourraient accéder aux demandes américaines, en particulier d’élargir les discussions à la protection de la propriété intellectuelle ou aux subventions aux entreprises chinoises qui contribuent aux déficits commerciaux.
Pour l’instant, les Chinois sont fragilisés mais le ralentissement de la croissance économique reste limité. Pour 2018, l’économie chinoise devrait croître de 6,6% et encore 6,3% en 2019. Le problème est que cette situation de guerre larvée peut durer encore plusieurs mois. Tant que les Chinois arriveront à soutenir leur économie sans devoir hypothéquer l’avenir en accroissant trop leur endettement, le bras de fer se poursuivra.
Ce qui nous fait penser que la Chine va l’emporter à plus long terme tient dans le système politique des occidentaux : D. Trump doit peser de tout son poids pour obtenir une avancée le plus rapidement possible. En effet, en novembre auront lieu les « midterms », élections de mi-mandat… S’il les perd, cela en sera fini de son projet de rééquilibrage des relations commerciales avec la Chine. Le temps semble donc jouer clairement contre D. Trump.
Les Chinois, qui ont parfaitement assimilé les règles du commerce mondial, ont porté leur cas devant les instances internationales du commerce mondial (OMC) et ainsi gagnent un temps précieux !
Pour les investisseurs, cette situation est inconfortable : à court terme, le marché chinois souffre avec un recul de plus de 25% sur ses plus hauts de janvier… et le marché américain caracole sur ses plus hauts historiques ! Là aussi le court terme est clairement en faveur des Américains, mais il faut garder à l’esprit que les résultats des entreprises chinoises continuent de progresser : amélioration des résultats et baisse des cours constituent plutôt une raison d’acheter des actions chinoises dans une optique long terme. A l’inverse, au moindre ralentissement de la croissance américaine, liée par exemple à la hausse des taux courts américains, les actions américaines pourraient paraître largement trop chères.
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