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Enquête : Le pass vaccinal peut-il devenir un terrain miné pour l’exécutif ?

Pass vaccinal

L’outil qui devait freiner l’arrivée de la vague Omicron en France, pourrait-il devenir le symbole du manque d’agilité des pouvoirs publics, face à une épidémie qui a toujours un temps d’avance ? Son entrée en vigueur le 24 janvier, sans précision aucune sur son éventuelle date d’échéance, pourrait-elle finir par cristalliser la lassitude des français ? Enquête.


 

Le pass vaccinal aurait-il manqué sa cible ?

Annoncé mi-décembre par Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, dans l’espoir de contrer la vague Omicron, la transformation du pass sanitaire en pass vaccinal se veut le signe d’un durcissement de la politique vaccinale en France. L’objectif ? Étendre la couverture vaccinale du pays sans toutefois en faire une obligation légale. Un exercice d’équilibriste qui soulève des questions dans le débat public, à l’heure où certains de nos voisins européens prennent le parti d’un allègement, voire d’une surpression pure et simple des mesures, face à un variant certes contagieux, mais moins virulent. Interrogé sur la situation sanitaire en France, l’épidémiologiste Martin Blachier tend à confirmer la perspective d’une sortie de crise.
« Les indicateurs montrent que nous sommes arrivés à un pic, qui va très probablement redescendre dans les semaines à venir. Les admissions en réanimation ont perdu 16% en une semaine, ce qui est majeur, même si le rythme reste encore soutenu ».  Si les contaminations ont bondi avec Omicron, montant parfois jusqu’à plus de 500 000 cas par jour en France, force est de constater que l’hôpital n’est pas touché dans les mêmes proportions que lors des précédentes vagues.
« Sur les 400 000 lits d’hospitalisation complète dont dispose le pays, 25 000 sont occupés par des patients atteints du COVID, soit 6%, ce qui est tout à fait gérable ». Présenté comme un outil d’incitation à la vaccination plus efficace que son prédécesseur, le pass vaccinal supprime l’alternative du test PCR ou antigénique négatif pour accéder aux lieux publics qu’il réglemente, mais quels en sont les effets sur le terrain ? Selon Martin Blachier, « la hausse des primo-injections est réelle, mais elle porte sur les moins de 40 ans, ce qui n’est pas la population ciblée par le gouvernement, à savoir les personnes âgées et fragiles car présentant des comorbidités. Or, ce sont eux qui sont les premiers exposés au virus, et qui présentent un risque accru d’hospitalisation. De ce point de vue, l’outil est un échec. Une politique sanitaire basée sur le tout vaccinal est absurde, sans compter que l’immunité sur la transmission virale conférée par le vaccin est limitée dans le temps, de 6 à 10 semaines ».

 

Décalage entre la décision politique et le débat public

Entré en vigueur le 24 janvier, soit un peu plus d’un mois après l’annonce du projet de loi en décembre dernier, le pass vaccinal incarne à lui seul le décalage qui peut exister entre la prise de décision politique, son application effective et sa résonance dans le débat public.  Comme le souligne le politologue Olivier Rouquan, « Nous sommes entrés dans une période de confusion sur la gestion de la crise sanitaire, et les débats animés autour de l’école en sont un bon exemple. A cela, s’ajoute une temporalité spécifiquement politique en raison de la présidentielle. L’exécutif est obligé de tenir compte du climat général, d’offrir des perspectives de sortie de crise, tout en se dotant d’outils légaux pour gérer dans le temps une possible nouvelle vague de contaminations ».  Ce fameux « en même temps », qui aboutit à un calendrier d’allégement des mesures très prudent (tel qu’annoncé le 20 janvier par le Premier Ministre Jean Castex) quand, au Royaume-Uni, la population s’apprête à tourner la page des restrictions. « Avec le pass vaccinal, le gouvernement a fixé un cadre assez strict qu’ils ne peuvent assouplir dans l’immédiat, au risque de se déjuger ».

 

Une opinion publique qui accepte, plus qu’elle ne valide

Qu’en pensent les français ? D’après la dernière enquête Odoxa-Backbone Consulting du 21 janvier, les Français sont une large majorité (62%) à approuver le pass vaccinal. Un score comparable (64%) à l’enquête menée en décembre sur le projet de loi. Toutefois, pour Victor Boury, Directeur Général de Backbone Consulting, la différence de perception est bien réelle : « Le pass sanitaire était perçu comme un outil permettant de protéger la population face à la propagation du virus. Le pass vaccinal est également accepté, mais davantage comme un outil permettant de contraindre la population à se vacciner, et connaitre ainsi le taux de vaccination en France, cette dernière étant acceptée car démontrant son efficacité contre les formes graves de la maladie ». Après deux ans de crise, les français sont las, et désireux de retrouver une vie un tant soit peu normale. Attention, donc, pour l’exécutif, à ne pas confondre acceptation du pass vaccinal, et validation de la politique sanitaire.

 

Résultats de l’enquête Odoxa-Backbone Consulting du 21 janvier sur l’accueil réservé par les français aux différentes mesures sanitaires du gouvernement

 

L’échéance du pass vaccinal en question

Autre point de vigilance à scruter de près, les choix politiques de nos voisins européens. « La gestion de la pandémie à l’étranger est le sujet qui monte dans l’opinion, et qui révèle un sentiment de politisation de la gestion par le gouvernement français. Un des sujets qui a fait le plus réagir sur les réseaux sociaux ces derniers jours, et en particulier sur Facebook, est la gestion du Covid-19 à l’étranger et notamment en Espagne. Cette annonce, selon laquelle la propagation fulgurante du variant Omicron pourrait transformer le Covid-19 en une maladie endémique avec laquelle l’humanité peut apprendre à vivre, a provoqué un engagement particulièrement émotionnel » précise Victor Boury. Pour être acceptées, les mesures restrictives doivent être justifiées. Et c’est bien là toute la difficulté, celle de placer le curseur au bon endroit, entre la nécessaire protection de la population, sans verser dans l’excès. La sortie de crise sanitaire a tout du sujet sensible pour le camp du futur candidat Emmanuel Macron. « Un retour réussi à la vie normale sera une garantie de popularité et d’intention de vote, mais une sortie confuse et précipitée peut à l’inverse provoquer une forme de rejet. Les Français attendent des positions claires, et sont sceptiques quant au contenu des dernières annonces et à leur timing par rapport à sa future annonce de candidature. Certaines des dernières mesures sont d’ailleurs particulièrement clivantes, comment l’imposition du pass vaccinal pour les enfants ». Plus que jamais, la crise sanitaire appelle une gestion avec tact et mesure, au risque de se solder dans les urnes.

 

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