Le candidat d’En Marche! a remporté sans coup férir le second tour de l’élection présidentielle avec environ 66% des suffrages exprimés – et une abstention historiquement haute – contre 34% pour sa rivale Marine Le Pen. Emmanuel Macron succède ainsi à François Hollande et devient donc le huitième président de la Ve République. place désormais aux législatives afin de disposer de toute latitude pour appliquer son programme.
Le coup d’essai s’est mué en coup de maître. Confronté pour la première fois au suffrage universel, Emmanuel Macron a réussi là où tant d’autres ont échoué avant lui (ne passant même pas le cap, pour certains, de la réunion des 500 parrainages), à savoir s’offrir un aller simple vers l’Elysée en n’ayant jamais été élu de la République au préalable. Si son prédécesseur, François Hollande, n’avait jamais participé au moindre gouvernement avant de ravir la magistrature suprême en 2012, il avait néanmoins effectué le « cursus classique » d’élu local, président de conseil régional, en passant par la députation. Sans oublier la tête du parti socialiste qui lui aura permis de peaufiner à outrance son fameux « art de la synthèse » qu’il mettra très (trop) souvent en pratique une fois au sommet de l’Etat. Emmanuel Macron, s’il avait également un « mouvement » derrière lui, n’avait pas – a priori – la force de frappe des partis installés dans le paysage depuis des décennies, en dépit des ravalements de façade et autres changements de dénomination (RPR, UMP, Les Républicains par exemple) successifs pour donner une impression de renouvellement.
Car en effet, Emmanuel Macron, et on peut le mettre à son crédit, n’a rien de l’apparatchik, familier des tambouilles partisanes. Hormis un passage à Bercy et au secrétariat général de l’Elysée – deux nominations – le néo-président n’avait jamais arpenté les marchés, multiplié les visites thématiques, rempli des salles et électrisé les foules par ses laïus enflammés. Si « cette première fois » s’est avérée être une réussite, cette campagne électorale n’a pas été de tout repos pour le nouveau président élu. Peu rompue à l’exercice mais particulièrement bien huilée, la « mécanique Macron », si elle a parfois donné l’impression de s’enrayer – notamment durant l’entre-deux tours – s’est finalement avérée payante dans les urnes. Au point de recomposer (enfin) le paysage politique français. L’un des principaux mérites de sa candidature.
Quelle majorité présidentielle ?
Soutenu « sans réserve » par les deux anciens représentants des partis de gouvernement – François Fillon et Benoît Hamon – qui n’ont réuni, rappelons-le, que 26,04% des suffrages à eux deux au premier tour, le plus dur commence pour Emmanuel Macron et sa promesse de « renouveler la vie politique ». Les appétits s’aiguisent déjà et les représentants de « l’ancien monde » ne comptent pas rester inactifs, et espèrent bien faire partie de la nouvelle aventure. A gauche – si tant est que cela signifie encore quelque chose au regard de cette élection présidentielle -, Manuel Valls, ancien Premier ministre, multiplie, à l’excès, les offres de service tandis qu’à droite c’est Bruno Le Maire, ancien candidat laminé à la primaire à droite (2,4% des voix lors du scrutin de novembre) et chantre autoproclamé du renouveau qui enchaîne « les appels du pied à vous casser le tibia » dixit un élu local, pour faire partie de la nouvelle équipe gouvernementale.
Et c’est doute en cela que la bataille des législatives peut s’avérer périlleuse pour Emmanuel Macron. Si les Français – et c’est d’ailleurs l’un des principaux arguments de l’équipe du nouveau président élu – ne vont pas aller à l’encontre de leur vote à la présidentielle et ne pas donner à Emmanuel Macron les coudées franches pour gouverner un mois plus tard lors des élections législatives, ces dernières n’auront rien de la promenade de santé. Même si les premières estimations sont rassurantes – selon un sondage OpinionWay – SLPV analytics pour « Les Echos »– En Marche! pourrait devenir la première puissance régnante de l’Assemblée nationale avec 249 à 286 sièges, devant Les Républicains – les troupes d’Emmanuel Macron vont devoir batailler ferme pour également « transformer l’essai ».
Réconcilier les « deux France »
Mais le plus grand défi d’Emmanuel Macron sera de réconcilier une France littéralement coupée en deux et morcelée, comme en atteste le vote des territoires ruraux au premier tour, ayant majoritairement porté Marine Le Pen en tête. Si d’un point de vue purement arithmétique, la présidente frontiste, en congé du parti cofondé par son père, est arrivée largement derrière le fondateur d’En Marche! au terme de ce second tour, sa progression est manifeste dans cette campagne, et nul doute qu’elle devrait jouer son rôle de première opposante avec la même véhémence que durant la campagne. Même si elle est apparue très fébrile ces derniers jours, comme en témoignent sa prestation pathétique et hystérique au débat de l’entre-deux tours et pléthore de « fake news » relayées par son entourage et ses partisans pour décrédibiliser Emmanuel Macron dans la dernière ligne droite.
Le nouveau président dispose désormais de quelques jours avant la passation de pouvoir pour peaufiner les derniers contours de son « premier gouvernement », avec notamment la nomination de son Premier ministre. Si Emmanuel Macron a dressé le profil-type du prochain locataire de Matignon, « personnalité d’expérience rompue à l’art parlementaire », et plusieurs noms se détachant comme ceux de Jean-Yves Le Drian, François Bayrou voire même Sylvie Goulard, il n’a véritablement rien laissé filtrer de ses intentions. Adepte du « teasing » dont il a usé et parfois abusé tout au long de cette campagne, le nouveau président de la République a cependant affirmé avoir déjà choisi le successeur de Bernard Cazeneuve. Avec pour principale feuille de route de remettre la France « en marche ».
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