Quand le nouveau monde s’invite chez l’ancien. Inscrivant ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy qui avait refusé de se plier à la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet lors de son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron avait fait de même lors des trois premières années de son quinquennat. Le Président de la République s’est prêté pour la première fois depuis 2017 à l’exercice.
En direct de l’Elysée, le chef de l’Etat a annoncé les principales dispositions qui seront prises par le gouvernement pour créer les conditions de la relance, sauver notre industrie et nos services, et derrière eux les millions d’emplois qui pourraient partir en fumée avec cet incendie sanitaire inédit, dont les flammes n’en finissent pas de ronger notre tissu productif, le secteur du tourisme ou encore les activités de commerce et d’hôtellerie-restauration.
Chacun le sait : ni les mesures d’urgences prises dès le mois de mars (au premier rang desquelles le prêt garanti par l’Etat, le chômage partiel ou encore les reports de charges sociales) ni les plans sectoriels qui ont été égrainés par le gouvernement tout au long du mois de juin (automobile, aéronautique, tourisme…) ne suffiront à remettre l’économie de l’hexagone sur pied. Le mal est profond. Les stigmates déjà très visibles. Sur le front de l’emploi désormais animé par la ministre Elisabeth Borne, les chiffres font mal à entendre. Très mal. Toutes catégories confondues, le nombre d’actifs inscrits à Pôle emploi a grimpé à 6,69 millions à la fin mai, soit +3,88% par rapport au mois de février dernier. Un premier indicateur dégradé de la courbe du chômage, qui en annonce d’autres car le nombre de suppressions d’emplois envisagées dans les plans sociaux depuis le 1er mars est déjà deux fois supérieur à celui enregistré lors de la même période sur 2019 (27 053 postes contre 13 033 seulement, l’an dernier).
Même si la reprise d’activité depuis le 11 mai est plutôt meilleure que celle qui avait été anticipée et que le produit intérieur brut (PIB) de la France pourrait rebondir de +19% au troisième trimestre, et sans doute de +4% au dernier trimestre 2020, il a dévissé dans des proportions considérables au premier semestre (-5,3% de janvier à mars et -17% d’avril à juin), laissant augurer une contraction de la croissance annuelle entre -9% selon les prévisions les plus optimistes (Insee) et jusqu’à -11% pour les plus prudentes (Fonds monétaire international).
Pour faire face à cette gangrène économique, qui risque bien de se doubler d’un effondrement social, de nombreuses voix se sont élevées depuis plusieurs semaines pour appeler à un plan de relance ambitieux. Mais plutôt que d’en dévoiler le contenu si attendu, Emmanuel Macron s’est plutôt contenté mardi 14 juillet d’en tracer les grandes lignes. Prévenant que notre pays allait connaître une nouvelle flambée de chômage d’ici le printemps 2021, le chef de l’Etat a martelé à plusieurs reprises que la priorité des prochains mois serait à la fois l’emploi et les jeunes.
Sur le front de l’emploi, Emmanuel Macron a rappelé comment, après avoir réuni les partenaires sociaux au cours du mois de juin, il en était venu à décider d’un nouveau dispositif d’« activité partielle de longue durée », afin de contenir le chômage. Un « plan anti-licenciements » estimé à au moins 30 milliards d’euros qui, a-t-il encore précisé, pourrait en effet – comme d’aucun le craignent- se traduire ici ou là par des baisses de salaires en contrepartie du maintien de l’emploi dès lors qu’elles feraient l’objet d’accords au niveau des branches ou des entreprises dans le cadre du dialogue social.
Pour rendre moins douloureuse cette pilule amère de la modération salariale à laquelle il faut donc s’attendre dans le secteur marchand, Emmanuel Macron a promis que les efforts des salariés au titre de la reprise se traduiraient le moment venu par un supplément d’intéressement et de participation. Des efforts conçus aussi comme solidaires, puisque l’actuel locataire de l’Elysée a appelé une nouvelle fois à la « modération des dividendes » dans les entreprises.
Protéger les salariés contre la crise en limitant les impacts de celle-ci sur l’emploi, c’est l’objectif économique que fixe désormais le Président de la République alors que la mi-mandat a désormais été dépassée. Mais c’est surtout aux jeunes qu’il a lancé l’appel du pied le plus visible dans les axes de politique économique qu’il a cité devant les Français. Soucieux de rappeler le bilan jugé très positif du gouvernement Edouard Philippe en matière d’apprentissage et ce jusqu’à l’arrivée de la pandémie, Emmanuel Macron a souligné qu’il ne cèderait pas un pouce de terrain sur cet axe prioritaire, annonçant encore un dispositif exceptionnel d’exonération de charges pour l’emploi des jeunes jusqu’à 1,6 SMIC et la création de 300 000 contrats d’insertion supplémentaires au profit des jeunes les plus éloignés de l’emploi, ainsi que des efforts importants en matière de formation, avec l’ouverture de 200 000 places dans les formations qualifiantes supérieures pour permettre la poursuite provisoire des études.
Interrogé sur ses intentions en matière écologique, le Président s’est montré très ferme sur sa volonté que le futur plan de relance économique place les préoccupations environnementales en bonne place, vantant les mérites à attendre selon lui du maintien de la prime pour la rénovation des logements, ainsi que ceux du lancement prochain d’un grand programme de rénovation des bâtiments publics.
L’intervention d’Emmanuel Macron hier pourrait faire date. Sans doute moins parce qu’elle renoue avec un rituel politique imaginé par Valéry Giscard d’Estaing il y a déjà quarante-six ans, et qu’elle est ainsi la première depuis celle consentie par son prédécesseur François Hollande le 14 juillet 2016 – recadrant à cette occasion son ministre de l’Economie, un certain Emmanuel Macron. Mais surtout parce que l’ancien leader d’En Marche s’y est livré à un véritable acte de contrition en début d’interview, admettant notamment qu’il n’avait pas su rétablir la « confiance » ni réconcilier (tous) les Français avec ses réformes. Cette prise de parole publique se situe, enfin, à un moment triplement charnière, sur le plan politique (celui de la mi-mandat), sanitaire (avec la pandémie de covid-19 toujours en cours) et tout particulièrement économique, avec une crise qui menace désormais de jeter dans les rues des centaines de milliers de Français, privés d’emplois, et de retarder par conséquent des ajustements structurels aussi indispensables (à l’instar des Retraites) que difficiles à digérer, alors que beaucoup de nos compatriotes éprouvent pour l’instant un sentiment de fragilité, de lassitude, voire de désespoir prononcé pour les plus éloignés de l’emploi d’entre eux.
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