Soupçonné de favoritisme lorsqu’il dirigeait les Mutuelles de Bretagne, Richard Ferrand se retrouve dans l’œil du cyclone écornant ainsi l’image de « République exemplaire » souhaitée et martelée par Emmanuel Macron tout au long de sa campagne. Le parquet de Brest ayant ouvert une enquête préliminaire ce matin, le président Macron doit-il se séparer de son plus fidèle lieutenant à dix jours des législatives ?
« Le gagnant du Loto ». Telle fut l’appellation taquine attribuée par ses proches à Richard Ferrand au soir de la victoire d’Emmanuel Macron et son accession à la magistrature suprême. C’est peu dire que le député du Finistère n’a pas ménagé sa peine pour hisser son champion au sommet de l’Etat, misant sur lui dès les prémices de son ascension politique et médiatique. Dès 2015 précisément, le ministre de la cohésion des territoires qui n’était que simple rapporteur de la Loi Macron décèle le potentiel de l’impétueux ministre de l’Economie, impressionné par son audace et sa volonté de bousculer l’ordre établi. « J’ai particulièrement été séduit par sa bonne compréhension de l’époque et sa volonté de constituer une offre nouvelle », nous déclarait-il en septembre dernier. La suite, tout le monde la connaît : Richard Ferrand s’affranchit, du moins officieusement, de la ligne gouvernementale et plus encore du Parti socialiste pour inscrire ses pas dans ceux du futur président, il œuvre à la sortie de terre du mouvement « En Marche! » le 6 avril 2016. Un mouvement, s’il est porté par Emmanuel Macron, qui est géré en coulisses et au quotidien par le parlementaire.
Suivra le meeting fondateur du 12 juillet 2016 à la Mutualité où, dans un discours tonitruant, Richard Ferrand exhorte des militants exaltés et autres curieux à rejoindre Emmanuel Macron car « qui mieux qu’un banquier pour faire sauter la banque ? ». Une formule ciselée, un brin facile, mais bougrement efficace. Avant de battre la campagne avec une discipline de fer, recadrant vertement les ambitieux – Laurence Parisot s’en souvient encore – et ne prenant pas ombrage de la cohorte de ralliements des uns et des autres. Y compris celui de François Bayrou qui ne porte pas spécialement Richard Ferrand dans son cœur et réciproquement, comme en a attesté le « drame » des investitures aux législatives. Mais l’antagonisme entre les deux hommes remonte à plus loin. Dès septembre 2016, Richard Ferrand disait à propos du président du MoDem, dans nos colonnes : « Bayrou craint que Macron ne réussisse là où lui-même a toujours échoué, à savoir rassembler au-delà des clivages partisans. Il s’agit du dernier râle d’un homme politique en fin de course ».
Loi de moralisation de la vie publique : la condition de Bayrou
Une « mise en retrait » sans doute un peu précipitée de la part de l’ancien secrétaire général d’En Marche! puisque 8 mois après… François Bayrou est ministre d’Etat et Garde des Sceaux, et a la charge de porter le projet de loi de la moralisation de la vie publique, condition sine qua non à son ralliement du 22 février dernier. En pleine « affaire Fillon », François Bayrou pose les jalons de son soutien à Emmanuel Macron. « Je demande expressément que le programme du candidat comporte en priorité une loi de moralisation de la vie publique, en particulier de lutte contre les conflits d’intérêt ». Une doléance rapidement acceptée par le candidat Macron.
Sauf que cette dernière se fait particulièrement attendre. Devant être initialement produite en Conseil des ministres le 7 juin, soit à trois jours du premier tour des législatives, cette présentation a finalement été repoussé au 14 juin, soit durant l’entre-deux tours. Suffisant pour faire germer de nombreuses rumeurs. Ainsi, selon certains, ledit projet de loi ne contiendrait plus, dans son intitulé, la terminologie « moralisation ». Difficile d’en savoir plus sur le sujet, François Bayrou n’étant que très peu loquace – doux euphémisme – sur la question alors que l’opposition le presse de toute part à se prononcer sur le cas Ferrand. Seul Edouard Philippe est publiquement monté au front pour défendre son ministre, laissant le soin aux électeurs du Finistère de trancher. On a connu meilleure défense.
Le mutisme d’Emmanuel Macron
Quid d’Emmanuel Macron ? Le président, à l’inverse de ses prédécesseurs, tente de restaurer la fonction – et la parole – présidentielle, dans la plus pure tradition gaullienne, évitant de s’exprimer tous azimuts et ne distillant plus de confidences comme en avait pris l’habitude François Hollande. Dans ce contexte, difficile de savoir ce que pense réellement le président de la République, mais il mesure également le poids du terrain où, à dix jours des élections législatives, ses proches craignent que « l’affaire Ferrand » n’enraye la belle dynamique de la République en Marche! au point de « perdre » sa confortable avance dans les sondages.
Mais selon Le Figaro, Emmanuel Macron multiplie les marques d’attention à l’égard de son plus fidèle lieutenant, dînant et déjeunant avec lui deux fois cette semaine et exhortant les ministres notamment à faire preuve de cohésion et de solidarité dans la tempête médiatique. Mais de rappeler également le principe selon lequel « tout ministre mis en examen serait alors contraint de quitter ses fonctions ». A dix jours du premier tour, la position de Richard Ferrand est intenable. Hors défaite aux législatives et hors mise en examen, le ministre de la Cohésion des territoires devrait garder son poste… mais pour combien de temps ?
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