[Article édité le 21 Avril 2017] Au lendemain de l’attaque terroriste qui a frappé la capitale jeudi soir, au micro de RTL, Emmanuel Macron a réagi en appelant à un « esprit de responsabilité dans cette période extrême ». Emmanuel Macron a également ajouté : « Notre génération doit relever ce défi en rassemblant, en nous rassemblant, en construisant une unité autour d’un projet progressiste ». C’était une des dernières apparitions médiatiques du candidat d’En Marche! avant la trêve médiatique imposée par le CSA ce soir à minuit. Le programme d’Emmanuel Macron avait été analysé il y a quelques semaines par notre éditorialiste Jean-Marc Sylvestre.
Peut mieux faire ! Si on résume les propositions d’Emmanuel Macron dans le domaine économique, on s’aperçoit que c’est un mélange de François Fillon qui serait moins brutal et de François Hollande qui aurait été lui, un peu plus audacieux. Alors ça se veut très habile à l’approche de la primaire de gauche, mais ça manque de précisions et d’originalité.
Emmanuel Macron a beau être très jeune, il pense avoir tout compris de la politique. L’ensemble est, en effet cohérent et correspond à ses engagements. Ça n’est ni partisan, ni dogmatique. Ni de droite, ni de gauche. Comme promis dans les bandes-annonces.
Les propositions ne sont donc pas clivantes. Les vrais amis de François Fillon peuvent s’y retrouver, tout comme ceux de François Hollande qui ont regretté son manque de courage.
Les seuls qui ne peuvent pas comprendre Emmanuel Macron sont ceux qui se retrouvent aux extrêmes de l’échiquier politique. À l’extrême droite comme à l’extrême gauche. Qui partagent le goût du protectionnisme et de l’étatisme, du souverainisme à outrance. Bref du brut de brut.
Le diagnostic sur lequel il a bâti son programme est simple. La France est asphyxiée par les pesanteurs administratives et syndicales, les tracasseries fiscales et réglementaires. La France a manqué son rendez-vous avec la mondialisation, la concurrence internationale et la révolution technologique. Pire, elle a transformé ce qui aurait dû être des opportunités de progrès en facteurs anxiogènes et paralysants.
Pour Macron, il faut donc rattraper ce retard et remettre la machine économique en route. Deux choses. Il faut libérer la France (c’est le côté Fillon) et il faut protéger les Français (c’était l’obsession de Hollande et un peu celle de Juppé).
D’où son slogan : « Libérer la France et protéger les Français ». La musique est bonne, mais les paroles sont quand même très inspirées. Ça ressemble à du Fillon sans l’énergie qui dérange, et à du Hollande un peu dopé.
Les réformes qui s’inscrivent dans cette ambition se regroupent en quatre grands chapitres.
Le premier porte sur les réformes de compétitivité.
Pour Macron, qui partage là le diagnostic de la majorité des experts (en dehors de ceux qui travaillent pour l’extrême gauche, la gauche de la gauche et la droite souverainiste et l’extrême droite), le problème français est son manque de compétitivité. La France est sortie de la compétition internationale parce qu’elle n’a pas su affronter cette concurrence. Il lui faut donc d’un côté améliorer ses conditions de coûts (baisse des charges), et de l’autre élever en gamme son offre de produits et de services. Tout est dit. Tous les candidats qui aspirent à gouverner seront d’accord.
Tout cela passe par de l’investissement, donc par un cadre fiscal qui encourage la prise de risques et l’accession aux capitaux pour financer ces investissements. Il souhaiterait donc remplacer le CICE par une baisse de charges, c’est-à-dire revenir au projet initial de Louis Gallois, et qui serait beaucoup plus simple à mettre en œuvre. Baisse des cotisations patronales de 6 points, financée en partie par une hausse de la CSG.
Le deuxième chapitre de réformes concerne le droit et l’organisation du travail.
L’objectif, trouver le moyen pour chacun de vivre de son travail d’abord et faire en sorte que ce travail corresponde à ses moyens, ses compétences, sa formation, ses désirs. Vaste projet qui serait géré dans un grand service public de l’activité et de la formation.
Les 35 heures seraient maintenues, mais assorties de nouvelles souplesses au niveau des entreprises ou des branches avec des accords ouvrant largement la possibilité d’heures supplémentaires selon les besoins des entreprises et des salariés (on est véritablement au cœur du programme Fillon).
Sur le salaire, Macron envisage de réduire les charges sociales payées par les salariés de façon à récupérer du pouvoir d‘achat immédiat. Cette réduction serait financée par une hausse de la CSG. Emmanuel Macron déclare ne pas vouloir toucher à la TVA pour ne pas pénaliser les plus modestes (on est typiquement dans du Hollande).
Le troisième chapitre aborde toutes les réformes de la protection sociale.
Emmanuel Macron élimine d’emblée l’idée portée par Manuel Valls d’un revenu universel pour deux raisons : d’une part, la mesure coûterait trop cher et d’autre part elle serait démobilisatrice. Le travail est un facteur de déresponsabilisation. (on est dans la logique Fillon).
Pour l’ensemble des mécanismes de protection sociale, Emmanuel Macron se place dans une logique de responsabilité individuelle sans exclure les contraintes de solidarité. Fillon pour la responsabilité et Hollande pour la solidarité. On n’en sort pas.
Sur les retraites, il plaide plutôt pour une retraite par points qui refléterait la réalité du travail. (Fillon). Sur le chômage, il propose que les droits soient ouverts aux indépendants, aux commerçants et aux artisans. (Hollande). Il propose aussi que le pilotage des décisions soit plutôt assuré par l’Etat que par les représentants syndicaux comme c’est le cas aujourd’hui. Très logiquement, il estime que le financement devrait être plus supporté par l’impôt que par une cotisation qui pénalise ceux qui travaillent. On retrouve une idée de Fillon.
Enfin, sur la santé, le programme est encore très flou, d’un côté, il souhaite moderniser et responsabiliser les acteurs de la santé (c’est la base du programme Fillon) mais de l’autre, il refuse de toucher aux remboursements des petits soins (c’est de l’anti-Fillon), un peu démago.
Le quatrième chapitre, l’Europe.
Nécessaire, indispensable. C’est le chapitre le plus courageux dans la mesure où il s’inscrit dans une option très fédéraliste, avec un budget commun à la zone euro dont la composante investissements sera la plus lourde puisque les dépenses sociales et de fonctionnement seront laissées à la compétence des Etats membres. Avec surtout un ministre des Finances de la zone euro chargé de définir les priorités de réforme, la coordination des politiques fiscales, sociales et énergétiques. Macron se donne dix ans. Là encore, Macron a emprunté beaucoup de choses à François Fillon.
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