ÉTATS-UNIS | Le 21 juillet 2024 restera à jamais gravé dans l’histoire américaine. Une semaine après la Convention nationale républicaine et quelques semaines avant la Convention démocrate, alors qu’il ne reste que 107 jours avant l’élection présidentielle du 5 novembre, le président américain Joe Biden a annoncé qu’il se retirait de la campagne et a soutenu sa vice-présidente, Kamala Harris. Cette décision historique a poussé la nation à se poser une question cruciale : les États-Unis sont-ils prêts ?
Une contribution de Dain Ramey Berry pour Forbes US – traduit par Flora Lucas
Pour comprendre l’importance historique de la candidature de Kamala Harris, il est essentiel de comprendre que le chemin de l’actuelle vice-présidente des États-Unis vers la plus haute fonction du pays a été pavé par plusieurs siècles de luttes féministes et de leadership des femmes afro-américaines, dont une grande partie a été ignorée dans les médias et n’est entrée dans les livres d’histoire que très récemment.
Une candidature rendue possible grâce à des années de luttes
Cependant, Kamala Harris n’est pas la première femme, ni même la première femme afro-américaine, à aspirer à diriger les États-Unis. Elle n’est certainement pas la première à avoir les qualifications requises pour ce rôle. Shirley Chisholm, la première femme afro-américaine à siéger au Congrès américain, s’est présentée à l’investiture démocrate pour la présidence en 1972, jetant ainsi les bases de ce moment historique. Shirley Chisholm était candidate pour le « peuple américain », tout comme la vice-présidente actuelle. Lorsque Kamala Harris s’est présentée à l’élection présidentielle de 2020, son thème de campagne a fait écho à celui de Shirley Chisholm, et aujourd’hui, les t-shirts et pancartes « For The People » (pour le peuple) ont fait leur retour du jour au lendemain sur internet. En 2016, Hillary Clinton a été la première femme à être désignée candidate à la présidence pour l’un des principaux partis. Cela sera-t-il à nouveau le cas le mois prochain ?
Kamala Harris s’est préparée à ce rôle tout au long de sa carrière professionnelle en tant qu’avocate, sénatrice, procureure générale de Californie et vice-présidente des États-Unis. Le fait d’avoir été choisie comme colistière de Joe Biden en 2020 était important pour sa trajectoire politique et constituait un moment important dans l’histoire des femmes aux États-Unis. Depuis des générations, les femmes afro-américaines constituent l’épine dorsale de la boussole morale, sociale et politique du pays. Même avant que les femmes afro-américaines n’aient le droit de vote, elles faisaient campagne, sollicitaient et soutenaient les élections locales, régionales et nationales. Durant la période de l’esclavage, des femmes, dont Maria Stewart, abolitionniste afro-américaine et défenseure des droits des femmes, ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la politique américaine et se sont exprimées publiquement devant des auditoires très divers. Lorsque la législation a limité leurs capacités, elles ont résisté. Sojourner Truth a témoigné devant un grand jury pour défendre les droits de sa communauté. Au lendemain de l’esclavage, des leaders comme Ida B. Wells Barnett et des milliers de suffragistes ont revendiqué leurs droits en défilant, en protestant et en boycottant, trouvant ainsi des moyens créatifs de participer à un processus politique qui les excluait au départ.
La nécessaire participation des minorités à la vie politique américaine
Aujourd’hui, plus de 140 femmes occupent des fonctions politiques fédérales aux États-Unis, dont 25 sénateurs et 120 représentants. Des femmes du parti républicain et du parti démocrate élaborent des lois essentielles sur les droits en matière de procréation, l’immigration, la diversité, l’équité et l’inclusion. La vice-présidente Harris souligne l’importance de cette élection pour l’avenir de la démocratie américaine. Comme l’a déclaré feu la représentante Sheila Jackson Lee : « La minorité doit participer à la société. Vous pouvez accepter des pratiques culturelles différentes. Mais si vous voulez adopter la démocratie au sein du gouvernement, alors le gouvernement lui-même doit permettre à la minorité d’être entendue. »
Kamala Harris a accédé au pouvoir à une époque où de plus en plus de femmes occupent des fonctions politiques, de plus en plus de femmes occupent des postes de direction, de plus en plus de femmes dirigent des institutions universitaires et de plus en plus de femmes sont juges à la Cour suprême.
Malgré ces progrès, les femmes afro-américaines ont souvent fait l’objet de réactions politiques négatives aux États-Unis. Les candidates afro-américaines, en particulier, ont été examinées, attaquées et harcelées avec une précision microscopique. Ce retour de bâton a lieu dans le monde des affaires et dans la société. Certains secteurs, comme l’industrie du spectacle, écartent les femmes afro-américaines des postes de direction. Dans certains États, les gouverneurs utilisent la nouvelle législation sur l’égalité des chances pour éliminer les victoires des femmes afro-américaines dans le secteur public et dans les universités publiques. Même les entreprises du secteur privé qui s’alignent sur les politiciens ont succombé aux pressions exercées pour revenir en arrière.
Hier encore, les réseaux sociaux ont rapidement été inondés de faux récits sur l’ascension de Kamala Harris, axés sur son genre, sa nationalité et ses origines. Cela n’a rien de nouveau. Elle y a été confrontée tout au long de sa carrière.
Kamala Harris est prête, mais qu’en est-il des États-Unis ?
En tant que vice-présidente, Kamala Harris s’est engagée à soutenir le président américain et à être prête à assumer cette fonction si la situation se présentait. La situation s’est présentée hier et aujourd’hui, elle a obtenu suffisamment de soutien pour être nommée, battant ainsi des records en matière de collecte de fonds pour une campagne présidentielle.
Ceux qui se demandent si les États-Unis sont prêts n’ont probablement pas étudié l’histoire des femmes américaines et ne comprennent pas l’adversité qu’elles ont surmontée. Des générations de femmes afro-américaines, par exemple, ont enduré la captivité, le passage de l’Atlantique, l’esclavage, le viol, la séparation des familles et la violence motivée par le genre et la race pendant des décennies. Elles se sont défendues. Elles ont résisté de manière ouverte ou cachée, en groupe ou seules. Elles ont résisté en refusant de travailler, en refusant de porter des enfants, en commettant un infanticide pour empêcher l’asservissement de leur progéniture, en se suicidant, en s’embarquant pour la liberté et en intentant des procès pour obtenir leur liberté : de toutes les manières possibles, les femmes afro-américaines ont résisté et survécu. Elles ont joué un rôle crucial dans le mouvement des droits civiques, même si le mérite en revient aux hommes qu’elles ont soutenus. Et elles ont été les fondatrices du mouvement Black Lives Matter.
Aujourd’hui, les femmes afro-américaines servent les États-Unis en occupant des millions de postes de direction, en tant que maires, législatrices d’État, membres de la Chambre des représentants et du Sénat américain. Elles dirigent leurs communautés et servent le pays avec humilité et respect. Nombre d’entre elles ont été élues en se concentrant sur les questions d’égalité entre les genres, d’opportunités économiques et de justice en matière de procréation, autant de sujets qui seront probablement au cœur des débats au cours des cinq prochains mois.
La question de savoir si les États-Unis sont prêts à accueillir Kamala Harris à la présidence dépendra de la version de l’histoire à laquelle les électeurs adhéreront. Les États-Unis sont-ils une nation attachée au progrès et à l’inclusion, ou les Américains sont-ils nostalgiques d’une époque révolue ? La candidature de Kamala Harris répondra à cette question.
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