Emmanuel Macron avait évoqué, concernant l’école, d’une perte de « performance académique et donc économique ». Afin de redresser la situation, le président de la République a nommé à la tête de l’Education nationale un homme venu tout droit de l’Ecole des Sciences Economiques et Sociales. Alors, le grand défi va être de mettre l’institution de la rue de Grenelle au diapason de la marche libérale dans laquelle semble s’inscrire le gouvernement.
« Le clivage gauche/droite fait plus de mal que de bien à l’école ». C’est ce que ce ministre, issu de la société civile, a déclaré quelques jours après sa nomination. Ce que l’on sait de Jean-Michel Blanquer, homme de droit, universitaire, c’est qu’il a justement accepté cette fonction pour dépasser le clivage politique traditionnel. Sa première mesure, dédoubler les classes de CP/CE1 dans les zones difficiles, est d’ailleurs peu clivante, soutenue par l’Insitut Montaigne, think tank libéral, ou Arnaud Montebourg pendant la primaire socialiste.
Aller dans le sens du progressisme revendiqué par le président de la République et faire de la réforme de l’école une question économique plus que politique?
Le nouveau ministre l’a dit, ce qu’il veut c’est garder le « meilleur de la tradition et prendre le meilleur de la modernité ». C’est en tout cas pour sa vision de l’école, déployée dans son livre, L’Ecole de demain, que le ministre a été choisi, une vision réformatrice du système.
L’international comme point d’accroche
A l’ESSEC, l’école de commerce qu’il dirigeait, M. Blanquer était très attentif aux classements internationaux, les fameux « rankings ». A en regarder les études PISA 2015, menées par l’OCDE et qui mesure les compétences des élèves entre pays, l’école France a un très mauvais ranking : 27ème – sur des 72 pays participants. Une piètre performance académique qui doit faire bondir l’hôte de la rue de Grenelle.
Et le premier défaut de l’Education nationale selon le ministre : son auto centrage. « Notre système éducatif a précisément besoin de s’ouvrir sur ce qui se passe ailleurs dans le monde ». Il partage là une caractéristique avec Emmanuel Macron, celle de l’ouverture à l’international. Ouverture qui permet un enrichissement et un renouvellement des méthodes pédagogiques, prenant en compte l’évolution de la société, permettant l’expérience à l’échelon même de la classe. Il regarde notamment souvent du côté des pays scandinaves, qui offrent des parcours de formation plus individualisés.
Des réponses scientifiques à des problèmes éducatifs
Deuxième particularité de M. Blanquer, celle de se reposer sur la science pour mesurer l’efficacité d’initiatives mises en place et les généraliser le cas échéant. Des résultats qu’il a fait évaluer en se rapprochant de l’Ecole d’Economie de Paris. En tant que numéro 2 du ministère de l’Education nationale, en 2009, il avait ainsi mené nombre d’expérimentations, des internats d’excellence à la mallette des parents en 6ème, en 3ème, commencée sur 50 collèges, puis 1300, puis généralisée.
Celui qui se réfère à la culture du pragmatisme promet plus d’initiatives laissées aux établissements, des expérimentations sur des nouvelles méthodes d’apprentissage, temps d’école ou taille de classe… avec une volonté affichée d’évaluer par les résultats, et non les moyens, et d’établir des classements entre établissements.
Décentralisation du système éducatif et autonomisation des établissements : le nouveau management scolaire ?
Afin de permettre ces marges de manœuvre, le nouveau ministre va s’appuyer sur des leviers : revalorisation du métier de professeur, attention particulière à la relation parents-école, et surtout autonomie des établissements, réforme obligatoire, selon lui.
« Libérer les acteurs pour qu’ils définissent eux-mêmes ce qui est bien » rappelle Jean-Michel Blanquer. Un véritable changement pour le système éducatif, où le chef d’établissement se rapprocherait de plus en plus d’un vrai manager, se voyant attribuer de nouvelles responsabilités.
Celle de supérieur hiérarchique, avec une autorité rétablie et un organigramme simplifié. Alors qu’aujourd’hui, c’est l’inspecteur d’académie qui a ce rôle.
Celle de chef d’équipe, qui peut recruter et gérer ses effectifs. Même si la question de la rémunération, qui fonctionne actuellement par échelons gagnés avec l’expérience, n’est pas encore réglée, Emmanuel Macron avait évoqué une prime REP multipliée par 3 afin d’inciter les enseignants à venir les établissements réputés difficiles.
Et enfin celle de responsabilité de chef d’un projet éducatif pour l’établissement, avec une vraie vision pédagogique et la marge de manœuvre associée : libre allocation des horaires pour les matières non fondamentales, initiatives pédagogiques….
D’autres projets sont dans les cartons : année de sas entre la troisième et la seconde à la place des redoublements, stages de remise à niveau pendant l’été pour les élèves en difficulté… Restera pour toute réforme la question fatidique des financements.
Tout cela serait évidemment une vraie révolution dans le monde très centralisé qu’est actuellement le ministère de l’Education. Comme ses collègues dans d’autres ministères, Jean-Michel Blanquer aura besoin d’une forte capacité de négociation avec les organisations syndicales pour faire passer ses réformes.
Alors, cet ancien directeur de l’ESSEC, chantre de l’esprit d’entreprise, fera-t-il des professeurs, les nouveaux entrepreneurs de demain ?
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