Comme attendu, la Cour des comptes a littéralement étrillé la gestion du quinquennat de François Hollande, arguant notamment que la prévision de 2,8% évoquée dans le programme de stabilité présenté par l’ex-tandem de Bercy – Michel Sapin et Christian Eckert – reposait sur des hypothèses farfelues, et retenant plutôt la projection de 3,2%. Soit un déficit de 8 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat. Les Sages de la Rue Cambon vont même jusqu’à affirmer que certains éléments ont affecté « la sincérité » de la loi de finances initiale.
Le couperet est (officiellement) tombé ce jeudi. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui intègre l’audit réalisé à la demande du nouveau Premier ministre Edouard Philippe, la Cour des comptes a démoli la gestion des deniers publics de la précédente équipe gouvernementale. Le rapport est éloquent : la Cour pointe notamment « des dépenses publiques manifestement sous-évaluées et des recettes publiques un peu surestimées ». Pour rappel, Michel Sapin et Christian Eckert dans leur programme de stabilité présenté au mois d’avril dernier tablaient sur une trajectoire qui leur permettait d’atteindre un déficit 2017 à 2,8% du PIB. Une projection qui a déclenché l’ire des analystes, la Cour des comptes retenant, pour sa part, l’hypothèse plus réaliste de 3,2%. Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) s’était notamment montré résolument dubitatif – doux euphémisme – sur ce chiffre beaucoup trop ambitieux à ses yeux. « L’ajustement structurel (la variation du solde structurel) et l’effort structurel (la partie directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires) sont faibles en 2016 en l’état présent des estimations ».
Les Sages de la rue Cambon n’ont pas non plus manié la litote après avoir décortiqué les finances publiques hexagonales. Au point d’en délivrer un bulletin de santé accablant, mettant en exergue « l’importance des éléments d’insincérité contenus tant dans le projet de loi de finances soumis à la représentation nationale à l’automne 2016 que dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril 2017 ». Des termes particulièrement rudes surtout lorsque l’on se réfère au principe de sincérité budgétaire qui interdit à l’Etat de sous-estimer les charges et de surévaluer les recettes dans le cadre de l’élaboration de la loi de finances. Avec un risque de dépassement des dépenses estimé à 5,9 milliards d’euros sur le seul budget de l’Etat et des recettes surévaluées d’environ 2 milliards d’euros, c’est au total près de 8 milliards d’euros qui font défaut dans les caisses de l’Etat aujourd’hui.
L’objectif de 2,8% hors d’atteinte
Fort de ces éléments et sans mesure d’économies supplémentaires au-delà de la confirmation des deux à trois milliards d’euros d’annulation de crédits effectuées par le précédent gouvernement, le retour du déficit public sous le seuil de 3% du PIB « apparaît aujourd’hui peu probable et le respect de l’objectif de 2,8% de PIB à fin 2017 hors d’atteinte », poursuit la Cour. Loin du cap des 3% souhaité par Emmanuel Macron. Le président ayant exclu la possibilité de recourir à une loi de finances rectificative avant l’été, le gouvernement travaille d’arrache-pied pour tenter de trouver une alternative. « Nous ferons avec Gérald Darmanin, au Premier ministre, au président de la République, un certain nombre de propositions qui concerneront tous les secteurs de la dépense publique. On ne va pas passer le rabot sur un ministère ou sur un autre. Il faut que l’Etat, les collectivités locales, les dépenses sociales, chacun fasse un effort », a souligné, dès lundi, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, endossant le rôle de « pompier de service ». Une manière de dire que tout le monde sera mis à contribution pour éviter une nouvelle fuite en avant des dépenses publiques.
Dans ce contexte, difficile pour Paris de respecter ses engagements européens et contenir, comme escompté par Bruxelles, son déficit public sous la barre des 3%. Pour remédier à cela, les magistrats de la Rue Cambon jugent indispensable de prendre « des mesures supplémentaires importantes, qui ne peuvent à ce stade de l’année passer que par un report ou une annulation de toutes les mesures d’accroissement de dépenses publiques non encore mises en œuvre et par des mesures d’économies portant sur toutes les administrations publiques ». Fermez le ban. « La crédibilité de sa parole en Europe ne serait plus garantie » en cas de manquement à la parole donnée, avait d’ores et déjà averti Bruno Le Maire en début de semaine. Réelle volonté ou vœux pieux ? Toujours est-il qu’il apparaît peu probable que Paris bénéficie – après deux délais deux ans – une fois encore de la mansuétude de Bruxelles. « La France peut et doit passer en-dessous des 3 % en 2017 et doit consolider ça en 2018 », avait anoncé le commissaire européen, Pierre Moscovici.
2018 dans le collimateur
2018 ne s’annonce pourtant pas non plus sous les meilleurs auspices, les magistrats de la Rue Cambon n’accordant aucun crédit à la prévision béate de 2,3% du précédent gouvernement, jugeant au contraire que « les facteurs de hausse de la masse salariale et des autres dépenses devraient en 2018 tirer les dépenses de l’État à la hausse pour un montant compris entre 6,8 et 9,1 milliards d’euros, soit 8 milliards d’euros dans une hypothèse moyenne, correspondant à près de 0,4 point du PIB». Et d’asséner le coup de grâce. « En dépit des efforts engagés depuis plusieurs années, la situation des finances publiques de la France est loin d’être assainie ». L’exécutif n’a plus qu’à se retrousser les manches pour redresser le cap des finances publiques. Au travail.
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