Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, est formel : si le gouvernement ne prend aucune mesure d’ici « la fin de l’année », le « sacro-saint objectif » de ramener le déficit à 3% ne pourra être tenu. Une mise en garde qui intervient deux jours avant la publication de l’audit de la Cour des comptes qui fera le bilan de la situation économique du pays.
Après le temps des triomphes électoraux, le gouvernement est désormais au travail. Alors que l’Assemblée nationale fait sa rentrée ce mardi après-midi, les ministres sont (aussi) à pied d’œuvre. Bruno Le Maire, nouvellement nommé à Bercy en « binôme » avec son ancien comparse des Républicains, Gérald Darmanin chargé, de son côté, de l’Action et des Comptes publics, compte bien réussir à faire appliquer l’une des mesures phares du programme économique du « candidat Macron » : respecter l’engagement pris auprès de Bruxelles de ramener le déficit public à 3% à fin 2017. « Si nous ne faisons rien d’ici la fin de l’année, nous ne tiendrons pas nos engagements européens », a confirmé le ministre de l’Economie. Prochain « horizon » pour Bruno Le Maire : jeudi matin et la publication de l’audit de la Cour des Comptes qui fera le point sur la situation économique et budgétaire du pays. Avant cette échéance, une information de TF1, dévoilée ce lundi soir, suppose que le déficit public pour 2017 s’élèverait à 3,2%, selon ledit rapport de l’institution de la rue Cambon. Interrogé à ce sujet, le locataire de Bercy a préféré botter en touche. « Nous verrons ce que dira la Cour des comptes jeudi, puisque le rapport est jeudi. Un tout petit peu de patience ».
Néanmoins conscient d’un risque de « dérapage », Bruno Le Maire a affirmé, de concert avec le ministre des Comptes publics, travailler d’arrache-pied pour tenter de remédier – ou d’éviter c’est selon – à cette situation. « Nous ferons avec Gérald Darmanin, au Premier ministre, au président de la République, un certain nombre de propositions qui concerneront tous les secteurs de la dépense publique. On ne va pas passer le rabot sur un ministère ou sur un autre. Il faut que l’Etat, les collectivités locales, les dépenses sociales, chacun fasse un effort », a souligné le ministre de l’Economie. Une manière de dire que tout le monde sera mis à contribution pour éviter une fuite en avant des dépenses publiques. Pour rappel, le programme de stabilité présenté mi-avril par le précédent gouvernement tablait sur un déficit ramené à 2,8% du PIB en fin d’année, mais le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) s’était montré résolument dubitatif – doux euphémisme – sur cet objectif.
« Relâchement » en 2016
Le constat dressé par le Haut Conseil des Finances Publiques était d’ailleurs sans appel, notamment en matière de trajectoire de réduction des déficits. « L’ajustement structurel (la variation du solde structurel) et l’effort structurel (la partie directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires) sont faibles en 2016 en l’état présent des estimations ». En d’autres termes, l’effort pour la réduction des déficits a ralenti en 2016. Ainsi, cet effort structurel a été limité à 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) l’an dernier – soit environ 2,2 milliards d’euros – après 0,7 point en 2015, 0,6 point en 2014 et environ 1 point par an en moyenne sur la période 2011-2013, souligne le Haut Conseil. Et d’asséner « le coup de grâce » : « Dans la situation actuelle des finances publiques de la France, une place plus grande doit être donnée dans l’appréciation à l’effort structurel et plus particulièrement à l’effort en dépense ».
Sur la base de ces éléments, la prévision du précédent gouvernement – 2,8% du PIB pour 2017 – semble hors d’atteinte, comme le rappelait Gérald Darmanin dans les colonnes du Monde au début du mois de juin. « Il est très probable que les 2,8% prévus par le gouvernement précédent soient bien trop optimistes, même s’il faut attendre les conclusions de l’audit de la Cour des comptes sur les finances publiques pour disposer d’un chiffrage indiscutable », soulignait-il alors. Le programme économique mis en avant par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle reposait sur un déficit public à 3% du PIB à fin 2017 – un niveau comparable aux prévisions des grands organismes internationaux – et prévoyait de maintenir le solde public sous ce seuil des 3% (hors mesures exceptionnelles) tout au long du quinquennat. « Si nous souhaitons proposer à nos partenaires des réformes en profondeur qui referont de l’euro un instrument de croissance et de prospérité, le respect de cette règle symbolique est une condition », déclarait, au mois de février dernier, Jean Pisani-Ferry, « architecte en chef » du programme économique du candidat Macron.
Crédibilité en jeu
Pour le gouvernement, l’enjeu est crucial et sa crédibilité serait d’ores et déjà entamée en cas de non-respect de cette « sacro-sainte règle », comme le souligne Bruno Le Maire. « La crédibilité de sa parole en Europe ne serait plus garantie » en cas de manquement à la parole donnée. La plupart des analystes et observateurs tablent davantage sur un déficit à 3,1 voire même 3,3% à fin 2017. Soit un dérapage de 2 à 6 milliards d’euros par rapport à l’objectif initial des 3%. Dans ce contexte, les chances pour Paris, qui est déjà parvenu à obtenir deux délais de deux ans, de bénéficier une fois de plus de la mansuétude de Bruxelles sont extrêmement minces. « La France peut et doit passer en-dessous des 3 % en 2017 et doit consolider ça en 2018 », a d’ores et déjà averti le commissaire européen, Pierre Moscovici. Verdict jeudi matin.
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