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Crise économique en vue pour la Chine et l’Allemagne ?

Chine et Allemagne
Drapeaux chinois et allemand lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz à Pékin. | Source : Getty Images

D’un côté, la Chine se place de plus en plus en porte-à-faux avec ses partenaires à l’échelle internationale. De l’autre, l’Allemagne ne prend pas parti et risque de s’enliser dans une crise économique et politique dès septembre.

Une contribution de Mike O’Sullivan pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Une course matinale dans Berlin le long d’Unter den Linden et par le parc großer Tiergarten permet de mesurer le rôle de la capitale allemande en tant qu’une des rares villes à avoir été au centre de plusieurs changements majeurs dans le pouvoir politique : de la domination de Bismark et de l’Empire prussien, au rôle de Berlin en tant que centre scientifique et intellectuel au début du XXe siècle, en passant par les deux guerres mondiales, l’occupation russe, et ensuite le chemin de l’unification et le rôle l’Allemagne en tant que puissance économique de l’Europe.

Le fait que l’Allemagne soit aujourd’hui considérée comme « l’homme malade de l’Europe » est également emblématique d’un changement de régime dans la mondialisation : l’Allemagne n’a ni le leadership, ni la diplomatie, ni la politique économique, ni la politique énergétique nécessaires pour réussir dans un monde multipolaire. C’est également un point de vue intéressant pour examiner comment certains des changements géopolitiques tectoniques évolueront durant le reste de l’année 2024.

Ces dernières années, nombreux sont ceux qui ont pointé du doigt la façon dont l’effondrement de l’ordre mondial unipolaire contraint les pays et les entreprises à « prendre parti ». Les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient ont accentué cette tendance, tout comme le protectionnisme croissant centré sur la chaîne d’approvisionnement. L’évolution désordonnée de l’ordre mondial autour de trois pôles économiques et systèmes de valeurs (Chine, Union européenne, États-Unis) ajoute à la complexité. Deux événements récents illustrent la façon dont les différents acteurs s’affrontent.

Tout d’abord, l’interview d’Elon Musk avec Donald Trump, combinée à la critique de Keir Starmer, polarise les conséquences internationales de l’élection présidentielle américaine. Ainsi, le commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton, s’est empressé de prendre parti et de mettre en garde Elon Musk. Si Donald Trump gagne, il y a des arguments convaincants pour que « l’oligarchie mondiale » s’aligne sur lui, au grand dam de l’Europe.

 

La Chine paye ses soutiens controversés

Ensuite, l’intensification du soutien de la Chine à la Russie (des troupes chinoises ont récemment participé à des exercices en Biélorussie) et à l’Iran laisse perplexe et risque de mettre Xi Jinping de plus en plus en porte-à-faux avec ses homologues. Si cette collaboration (dont la Corée du Nord est une composante importante) fait de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) un groupement stratégique cohérent, elle engage la Chine sur une voie sinueuse sur le plan diplomatique, qui sapera sa crédibilité sur la scène internationale.

Les admirateurs de Xi Jinping peuvent affirmer que la Chine est en train de créer non seulement un nouvel ordre mondial, mais aussi un nouveau modèle de gouvernement (développement d’un État autocratique). Cependant, d’un point de vue occidental, la Chine est tombée dans le piège du « mauvais élève » dont le modus operandi en matière de politique étrangère semble être d’« empirer les choses » (en particulier pour les démocraties). À cet égard, Xi Jinping pourrait subir une pression accrue de la part de son parti, dont certains pensent qu’il a pris un « mauvais virage » et dont beaucoup sont préoccupés par les performances de l’économie.

Si la Chine risque de prendre le « mauvais parti », l’Allemagne est en danger parce qu’elle ne prend pas parti.

 

L’Allemagne au bord de la crise économique et politique

De retour à Berlin et en prévision du mois de septembre, Olaf Scholz pourrait également être soumis à une forte pression de la part de ses collègues. La rentrée scolaire est marquée par les élections régionales en Saxe, en Thuringe et au Brandebourg. Dans ces États « orientaux », la coalition au pouvoir bénéficie d’un faible soutien (une dizaine de voix pour les trois partis de la coalition), la CDU conservatrice fait beaucoup mieux (près de 30 %), tandis que la désormais célèbre AfD atteint près de 30 % dans les trois États susmentionnés.

Bien qu’il s’agisse d’élections régionales, la perspective d’une forte progression de l’AfD (compte tenu de la nature très controversée de ses dirigeants) mettra Olaf Scholz dans l’embarras. Une telle progression pourrait également compromettre davantage la politique énergétique du gouvernement (les électeurs de ces régions souhaitent le retour du gaz et du charbon russes). Elle remet également en question la nécessité pour le gouvernement de dépenser davantage pour les infrastructures sociales structurelles.

Olaf Scholz a inventé le terme « Zeitenwende » (ou tournant) pour qualifier le dilemme stratégique de l’Allemagne, mais il n’a pas fait grand-chose pour orienter le pays vers une meilleure voie. La consternation à Berlin face à l’utilisation par l’Ukraine de blindés allemands en Russie et la stagnation du gouvernement à produire un budget dans un contexte de contraintes fiscales suggèrent une paralysie politique.

Le nouveau développement pour la seconde moitié de 2024 à 2025 pourrait bien être que l’Allemagne et la Chine, deux des principaux moteurs de l’économie mondiale, s’enlisent dans des crises économiques et politiques qu’elles ont elles-mêmes créées.

 


À lire également : La France face aux crises : entre dérive autoritaire et risques géopolitiques. (Partie I)

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