Construisons Les Ponts Pour Rapprocher l’Enseignant Et l’Entreprise

Comprendre et anticiper les mutations industrielles

Dans le cadre d’une politique d’éducation dynamique, il est indispensable que les personnels de l’éducation nationale mesurent la nature des mutations industrielles et l’adaptation des compétences.

Le défi que doit relever le monde enseignant est bien de comprendre la nature et le niveau des compétences requises par les futurs acteurs de l’entreprise du XXI^ème siècle tout en maintenant les valeurs européennes traditionnelles telles que l’identité professionnelle, la solidarité et l’intégration sociale.

Pour réussir cette évolution nos enseignants doivent se forger une méthodologie, une grille de lecture, des outils d’analyse de l’entreprise, dans son fonctionnement, dans ses stratégies, ses pratiques. Elle peut se construire autour de rencontres avec l’entreprise, d’une projection dans l’économie du futur.

En ce qui concerne la rencontre avec l’entreprise, une partie des conditions de réussite de ce défi existe au niveau national et au niveau académique, à travers des structures mises en place depuis fort longtemps ou bien plus récemment (Cerpep[2] à l’inspection générale, bureau des partenariats à la dgesco[3], missions écoles entreprises dans les académies, CNEE[4],…). Quant aux initiatives des enseignants elles sont extrêmement nombreuses, et mériteraient d’être mieux valorisées. Mais les clichés restent tenaces pour ceux qui n’ont pas cette connaissance concrète des activités que réalisent nombre d’enseignants pour se former eux-mêmes au monde de l’entreprise, et pour former leurs élèves.

Ainsi, au niveau national, le Cerpep (Centre d’Etudes et de Recherche sur les Partenariats avec les Entreprises et les Professions) œuvre dans ce sens depuis 1956. En 2013, la mission de ce service de l’inspection générale de l’éducation nationale s’est élargie à travers la proposition de stage en entreprise aux enseignants de toutes les disciplines, sur l’ensemble du territoire français.

L’idée est simple ; il s’agit de provoquer une rencontre humaine sur un ou plusieurs jours dans le contexte d’une entreprise afin de créer des conditions d’échanges propices à une meilleure compréhension des enseignants du monde économique. Les enseignants, sont souvent prêts à réaliser ces stages sur leurs vacances scolaires, et parfois déçus de ne pouvoir réaliser les stages pour lesquels ils avaient candidaté. De 2013 à 2016, près de 10 000 stages ont été offerts aux enseignants de toutes les disciplines.

Autre initiative émanant d’une association d’entreprises, la Fondation « C.génial », a lancé en novembre 2016 la 9ème édition de l’opération Professeurs en entreprise. Cette opération a permis à chaque édition aux enseignants et autres cadres de l’Éducation nationale de visiter des sites de Recherche et de Développement, d’Innovation et de Production sur toute la France en présence de responsables scientifiques et d’ingénieurs pour des échanges approfondis. D’autres initiatives existent et se multiplient (Croissance Responsable, 100 000 Entrepreneurs, CJD..).

Ces structures et initiatives centrées sur les enseignants ne doivent pas faire oublier la nécessité de former les cadres de l’éducation nationale, que sont les chefs d’établissement et les inspecteurs toutes disciplines confondues. Depuis 2015, tous ont l’obligation de réaliser un stage d’une semaine en entreprise dans le cadre de leur formation à l’ESENESR[5] en partenariat avec le Cerpep. Désormais, chaque année un millier de cadres seront mis en situation de comprendre et anticiper les mutations industrielles.

En 2025, on peut penser que l’économie des plateformes sera dominante, mais pour autant le fonctionnement de cette économie est bien à créer[6] et même la place de l’économie traditionnelle qui continuera d’exister concomitamment.

Par exemple, les enseignants doivent intégrer que le marché de l’intelligence économique pèse aujourd’hui 200 millions de dollars et devrait peser 11 milliards de dollars en 2024. Dès aujourd’hui, le monde de l’enseignement et le monde de l’entreprise doivent travailler en synergie. Les élèves doivent travailler sur les bases de données, la connectivité et les moteurs de recherche. Ils doivent en même temps apprendre l’informatique d’aujourd’hui qui repose sur une approche déterministe (si X est égal à ceci alors Y est égal à cela) pour demain créer les algorithmes qui reposeront sur une approche de Machine Learning. Les enseignants d’aujourd’hui doivent intégrer que 65% des élèves de 2017 devraient exercer en 2025 un métier inconnu à ce jour.

Il faut comprendre aujourd’hui les formules mathématiques pour créer l’algorithme de demain mais aussi enthousiasmer les élèves à un nouvel esprit d’équipe, une nouvelle façon de construire les équipes de l’entreprise du futur. Toutes les matières sont concernées. Un professeur d’Histoire Géographie peut très bien s’intégrer dans une dynamique d’apprentissage des algorithmes en replaçant le papyrus de Rhind[7] ou le papyrus de Moscou dans leurs contextes sociaux, économiques, géographiques et historiques.

L’autre façon de créer une politique d’éducation dynamique, est de diversifier les recrutements. A la lecture de l’article « moi jeune prof de 40 ans » paru dans Le Monde du 26 décembre nombreux sont ceux qui ont découvert qu’en 2015, à l’heure où des pans entiers du territoire cherchent leurs professeurs, 25 % des admis au concours de professeur des écoles étaient des salariés du public et du privé ou des demandeurs d’emploi.

Il est évident que de tels recrutements permettront de faire bouger les lignes. L’objectif est de donner confiance aux élèves. Il faut par exemple savoir travailler sur les « 4 C » : créativité, coopération, communication et critiques constructives afin de renforcer la confiance des élèves en eux et entre eux. La confiance en soi est aussi importante que la confiance en l’autre puisque ces confiances se nourrissent l’une de l’autre. Il est donc nécessaire de développer la coopération et la communication de manière plus horizontale, entre les élèves mais aussi entre les élèves et les professeurs.

Page suivante : Les outils pédagogiques