Fraîchement élu – triomphalement – président de la République, Emmanuel Macron a ciselé et peaufiné son « corpus idéologique » au gré de ses pérégrinations professionnelles. Rapporteur adjoint de la Commission Attali pour la « libéralisation de la croissance », banquier d’affaires chez Rothschild & Cie, secrétaire général adjoint de l’Elysée, ministre de l’Economie… retour sur le parcours sinueux du nouveau chef de l’Etat.
« Emmanuel Macron ? C’est moi qui l’ai repéré. C’est même moi qui l’ai inventé. Totalement. A partir du moment où je l’ai mis rapporteur où il y avait Tout-Paris et le monde entier et où je ne l’ai pas éteint, il s’est fait connaître. C’est la réalité objective. » Le propos empreint de modestie est attribué à Jacques Attali dans l’ouvrage de notre consœur, Anne Fulda, et intitulé « Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait ». Le nouveau chef de l’Etat ne serait donc qu’un « homme de paille » façonné par l’ancien conseiller de François Mitterrand ? Pas si simple et surtout largement réducteur. Mais il est vrai que l’irruption – aux yeux des initiés – d’Emmanuel Macron dans les conversations date de cet époque-là. Nous sommes en 2007 et Nicolas Sarkozy, tout juste entré à L’Elysée, nomme Jacques Attali à la tête d’une commission en charge de plancher sur la « libéralisation de la croissance française ». En pleine lumière, l’omnipotent Jacques Attali bien entendu, mais dans l’ombre, un jeune homme bien sous tous rapports, énarque issue de l’inspection générale des finances, veille « au bon déroulement des opérations » au regard de sa position de rapporteur-adjoint. Son nom ? Emmanuel Macron.
Pendant 7 mois – de juin 2007 à janvier 2008 -, le jeune homme, même pas encore âgé de 30 ans, va patiemment peaufiner et forger son corpus idéologique et moult idées novatrices pour l’époque que l’on retrouvera également dans la genèse d’En Marche!. Un « discours de la méthode » qu’il mettra en œuvre durant toute sa campagne et l’élaboration de son programme. Une aventure qui va également lui permettre de nouer de précieux contacts pour la suite. Homme de réseaux par excellence, celui qui n’est encore qu’un « adjoint » au service de Jacques Attali sait déjà que cette expérience sera « fondatrice » pour la suite de son parcours. Qu’il est encore loin d’imaginer « faire étape » sous les ors de l’Elysée. Mais le futur « dynamiteur » du gouvernement Valls sait déjà ce qu’il veut… et surtout ce qu’il ne veut pas. En 2006, Laurence Parisot, sémillante « patronne des patrons » lui propose le poste de directeur général du Medef. Proposition à laquelle il opposera une polie – mais ferme – fin de non-recevoir. Onze ans plus tard, le rapport de force a changé et il recadrera Laurence Parisot ayant fait part un peu trop bruyamment de son intérêt pour Matignon.
Jacques Attali, « jamais très loin »
Quelques mois après cette expérience, Emmanuel Macron se met en disponibilité de la fonction publique et devient banquier d’affaires chez Rotschild & Cie… en septembre 2008, soit dix jours avant la chute de Lehmann Brothers, où il est adoubé et recommandé par Jacques Attali mais également par Serge Weinberg, président de Sanofi. Une autre étape particulièrement importante dans la trajectoire de celui qui, à cette époque, semble à des années-lumière d’une incursion en politique (même s’il a milité au PS entre 2006 et 2009) et qui fréquente assidûment Jean-Pierre Jouyet, homme de confiance de François Hollande. Spécialiste des fusions-acquisitions, Emmanuel Macron se fait rapidement un nom au sein de la banque au point d’y être nommé, fin 2010, associé-gérant, et battre ainsi le record de précocité d’Edouard Chertok. Deux ans plus tard, il pilote la vente du département Nutrition de l’américain Pfizer, à Nestlé. Un deal à 9 milliards d’euros. Une opération d’envergure menée d’une main de maître par le nouveau président de la République.
« Avec ce mélange, rarissime, surtout à un si jeune âge, de rapidité intellectuelle, de puissance de travail, de sûreté dans le jugement et de charme, il aurait été, s’il était resté dans le métier, un des meilleurs en France, sans doute même en Europe », a notamment déclaré, dans les colonnes de Rue 89, François Henrot – « recruteur » d’Emmanuel Macron au sein de la banque d’affaires, et bras droit de David de Rothschild. Bénéficiant d’un train de vie très confortable – sa dernière année complète, en 2011 lui ayant permis d’amasser environ 1,5 million d’euros, Emmanuel Macron ne va néanmoins, pas « s’attarder » chez Rotshchild et réintègre la fonction publique. Le 15 mai 2012, il est nommé secrétaire général adjoint à l’Elysée.
L’Elysée, déjà…
C’est à cette période que les médias vont s’intéresser à ce « brillant jeune homme » et que le grand public va faire la connaissance de ce « personnage ». Encore – décidément – adjoint de Pierre-René Lemas qui occupe l’une des fonctions charnières de la Ve République, Emmanuel Macron sera l’un des principaux instigateurs de la politique économique de François Hollande en début de quinquennat. Certaines de ses propositions ont l’oreille du chef de l’Etat, comme le Pacte de responsabilité, mais dont Emmanuel Macron reconnaîtra l’échec quelques années plus tard, quand d’autres « mesures chocs », comme le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires ou le passage temporaire à 37 heures sont, en revanche, rejetées par François Hollande.
Mais déjà, Emmanuel Macron s’enhardit et voit plus loin. Engoncé dans les limites de sa fonction – et selon certains résolument déçu de ne pas avoir été nommé dans le premier gouvernement Valls après la débâcle socialiste aux municipales de 2014 – , le futur chef de l’Etat renonce à ses fonctions, après avoir une première fois envisagée de claquer la porte à l’automne 2013, jugeant la réforme des retraites pas « vraiment à la hauteur de la situation ». Laurence Boone reprend alors les dossiers économiques en déshérence du futur ex-secrétaire général adjoint à l’Elysée.
Bercy « incubateur » de la start-up Macron
Mais cet intermède, loin des coulisses du pouvoir, ne sera que de courte durée. A la fin de l’été, Arnaud Montebourg joue les matamores avec Benoit Hamon et Aurélie Filipetti et défie ouvertement l’autorité de François Hollande et du Premier ministre, Manuel Valls. Les trois « frondeurs » quittent donc la tête de leurs ministères respectifs et le maroquin de l’Economie, délaissé par Arnaud Montebourg, échoit donc à Emmanuel Macron qui s’installe à Bercy à la fin de l’été 2014. Pendant deux ans, Emmanuel Macron va développer son sens politique, lançant des propositions tous azimuts, occupant le terrain… quitte à prendre ses distances avec la ligne gouvernementale à maintes reprises. Mais les remontrances de Manuel Valls ou de François Hollande n’y feront rien. La « fusée Macron » est sur rampe de lancement et ce passage à Bercy va permettre à Emmanuel Macron de constituer un cercle de fidèles qui l’accompagneront tout au long de l’aventure En Marche!
Le 6 avril 2016, le mouvement est officiellement lancé. Le 12 juillet, Emmanuel Macron réussit une véritable démonstration de force à La Mutualité, devant 3 000 partisans survoltés. Le 30 août de la même année, Emmanuel Macron démissionne de son poste de ministre de l’Economie pour poser les jalons de sa candidature à la présidentielle. Le 16 novembre 2016, Emmanuel Macron est officiellement candidat à la présidence de la République et à la succession de François Hollande. « Tout vient à point qui sait attendre » selon le célèbre adage de Jean de la Fontaine. Un précepte qu’il gardera chevillé au corps tout au long de son parcours. Jusqu’à ce 7 mai 2017 où la plus haute marche est franchie. Emmanuel Macron est élu président de la République avec près de 66% des voix. Epilogue d’une ascension fulgurante.
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