Le déploiement à grande échelle de nouvelles technologies de production d’énergie renouvelable s’intensifie en Europe, en partie face aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Le conflit en cours a mis en évidence les incertitudes en matière d’approvisionnement énergétique. L’Europe a donc adopté un programme plus ambitieux afin de réduire sa dépendance excessive à l’égard des importations de pétrole, de gaz et de charbon russes. « Les montants élevés versés à la Russie pour ses combustibles fossiles l’aident à poursuivre sa guerre contre l’Ukraine », indique la Commission européenne dans une communication concernant le plan REPowerEU.
Si des solutions à court terme existent, l’unique mesure efficace sur le long terme consiste à intensifier les efforts pour développer des technologies de production d’énergie renouvelable.
Le plan de l’Europe pour réduire sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie
L’Europe souhaite réduire progressivement sa dépendance énergétique à l’égard du pétrole, du gaz et du charbon russes. Actuellement, environ 45 % du gaz importé par l’Union européenne (UE) provient de Russie. L’objectif ambitieux du plan REPowerEU est de supprimer progressivement cette dépendance d’ici 2027.
L’élément clé de cette stratégie vient tout juste d’être annoncé par l’Allemagne. En effet, Berlin a déclaré mettre fin à la dépendance énergétique allemande à l’égard de la Russie. Le plan allemand prévoit la diversification des sources d’approvisionnement en énergie, la mise en place de mesures d’économie d’énergie, l’électrification, l’utilisation de gaz renouvelable et à faible teneur en carbone, comme l’hydrogène, ainsi que le déploiement de nouveaux procédés industriels, notamment les pompes à chaleur industrielles.
À court terme, cela inclut également la diversification des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) par bateau en provenance des États-Unis et du Moyen-Orient. Toutefois, cette stratégie comporte des limites. Traditionnellement, le gaz naturel circule d’est en ouest en Europe et les gazoducs sont donc dimensionnés en conséquence. Inverser la direction dominante des flux ne peut se faire du jour au lendemain. Il faut construire ou obtenir des infrastructures telles que des terminaux de regazéification ainsi que des navires et terminaux GNL mobiles. L’Allemagne ne dispose pas de telles installations à l’heure actuelle. Or, c’est le pays qui dépend le plus de l’énergie russe.
Par ailleurs, les pays de l’UE cherchent à augmenter et à diversifier leurs importations en provenance de Norvège et de Lituanie, et s’intéressent aux gazoducs en provenance d’Azerbaïdjan ainsi que ceux passant par la Turquie afin de sécuriser leurs approvisionnements énergétiques.
Les solutions à long terme en matière d’énergies renouvelables
La transition énergétique est loin d’être terminée. Actuellement, seul un tiers environ de la production mondiale d’électricité provient de sources renouvelables. Si l’hydroélectricité fournit la majeure partie de la part renouvelable actuelle, l’électrification future proviendra principalement de l’énergie solaire et éolienne.
Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie Net Zero by 2050 (Zéro net d’ici à 2050, NDLR) et le dernier rapport du GIEC suggèrent que le développement de technologies solaires et éoliennes doit s’intensifier, notamment au cours de cette décennie.
Jusqu’à présent, le changement climatique a été le principal moteur du développement de solutions en matière d’énergie renouvelable. Aujourd’hui, la sécurité de l’approvisionnement énergétique étant soudainement menacée pour la première fois depuis des décennies, il existe un moteur supplémentaire.
Le « trilemme » de l’énergie
L’énergie est soumise à la sécurité de l’approvisionnement et à la compétitivité des coûts. Cependant, elle est également de plus en plus assujettie aux objectifs climatiques et aux normes environnementales plus strictes. Dans un contexte « normal », ce sont ces éléments qui régissent l’énergie, les questions mondiales de durabilité étant au cœur des préoccupations. Depuis qu’Ursula van der Leyen a pris ses fonctions à la présidence de la Commission européenne en 2019, le pacte vert est devenu la politique directrice.
Le pacte vert a transformé le trilemme de l’énergie en se focalisant sur le climat, l’environnement et la compétitivité. La sécurité de l’approvisionnement pour réaliser la transition énergétique n’est plus la préoccupation première, mais plutôt une manière d’atteindre les objectifs de réduction de 55 % de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Plusieurs mesures politiques fortes sont en place pour atteindre cet objectif. Il a toujours été dit que l’augmentation de la production d’énergie en Europe réduirait la dépendance aux importations, ce qui permettrait de garder plus d’argent sur le continent européen et de développer une industrie florissante pour répondre à un marché en mutation. Cette idée a même résisté à l’épreuve de la pandémie de covid-19, avec le déploiement de nombreux plans de relance pour accélérer la transition écologique plutôt que de revenir aux anciennes habitudes dans la panique.
Le succès de cette stratégie peut être remis en cause, mais la volonté et les politiques ont été forgées autour de ce projet.
Les répercussions de la guerre sur l’approvisionnement énergétique
Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en février dernier, des sanctions ont rapidement été imposées à toute une série d’intérêts commerciaux. Cependant, un domaine semblait « intouchable » : l’achat de gaz naturel à la Russie.
Pour autant, les marchés sont devenus nerveux et les prix du gaz se sont envolés. Ils ont atteint jusqu’à dix fois le prix « normal », pour atteindre un taux environ cinq fois supérieur à la normale. Cela a modifié le trilemme énergétique presque du jour au lendemain, la question de la sécurité de l’approvisionnement devenant primordiale.
Un changement dans le développement de solutions énergétiques durables a pu être constaté. Lors du lancement du plan REPowerEU, l’UE a qualifié de « double urgence » le changement climatique et la nécessité de se détourner des importations russes.
Les dernières avancées en matière d’énergie en Europe
Le Danemark invite la plupart des pays en mer du Nord à se mobiliser pour développer ce que l’on appelle des « îles énergétiques », qui peuvent récolter l’énergie offshore (notamment le vent) et l’utiliser pour l’électrification de l’Europe, tout en ayant la possibilité de produire de l’hydrogène.
Le gouvernement norvégien a annoncé s’engager en faveur du développement de l’éolien en mer, en faisant passer le nombre d’éoliennes flottantes de deux à 1500 d’ici 2040. Cela permettra de produire environ 120 TWh d’électricité, soit environ 10 % de moins que la production de l’énergie hydraulique en Norvège. Le facteur d’échelle requis pour ce projet est important, mais c’est le genre d’initiative majeure dont l’Europe a besoin pour obtenir les résultats nécessaires à la réalisation de l’objectif zéro émission nette d’ici 2050.
L’hydrogène reste un élément important du bouquet énergétique pour les secteurs industriels européens qui ne peuvent pas être électrifiés. L’intensification de la recherche et de l’innovation en matière d’hydrogène et d’ammoniac est devenue encore plus pertinente dans le contexte actuel. L’ampleur de la tâche est également considérable, puisqu’il faut d’abord décarboniser toute la production d’hydrogène « gris » actuelle, qui entraîne des émissions de carbone, avant de développer le marché des solutions d’hydrogène propre. Si l’augmentation des importations de gaz est aujourd’hui une solution à court terme pour l’Europe, il est essentiel d’investir dans les solutions d’hydrogène de demain pour créer cet équilibre entre la demande et le marché de la production.
L’objectif de l’Europe est double : dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable produit sur le sol européen et dix millions de tonnes d’importations d’ici 2030. Il s’agit là d’une étape clé sur la voie du remplacement de l’utilisation du pétrole, du gaz naturel et du charbon pour les industries difficiles à décarboniser.
La course vers le zéro carbone est donc bel et bien lancée et, avec des moteurs aussi puissants, l’Europe a augmenté ses chances d’atteindre des objectifs très ambitieux, à savoir le zéro carbone net d’ici 2050. Il est simplement tragique qu’il ait fallu une guerre pour mobiliser un tel effort qui incitera d’autres économiques à se lancer dans la course.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Nils Rokke
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