La start-up Leetchi a annoncé mardi, dans un communiqué, clôturer la cagnotte en ligne (sans la supprimer) lancée lundi par des proches en soutien à l’ancien boxeur Christophe Dettinger filmé samedi 5 janvier à Paris, en marge de la manifestation des gilets jaunes, en train de frapper des forces de l’ordre. Plus de 110 000 euros ont été collectés. Mais l’avocat et cofondateur de Call a Lawyer Mathieu Davy souligne que l’appel aux dons pour payer une amende est un délit. Et interroge la légalité même d’une telle cagnotte.
« Derrière la question morale, il y a une question juridique : peut-on faire une cagnotte dans ce genre de situation ?», interroge l’avocat et cofondateur de Call a Lawyer Mathieu Davy.
« C’est une honte », s’indignait ce mardi matin Marlène Schiappa devant la caméra de BFMTV, avant de demander à Leetchi au micro de France Info de « suspendre » la cagnotte de « soutien » à l’ancien boxeur Christophe Dettinger, filmé samedi 5 janvier à Paris en train de frapper aux poings un gendarme. En moins de deux jours, la cagnotte en ligne avait permis de récolter plus de 110 000 euros – face à la somme colossale engrangée en quelques heures, les créateurs de la cagnotte avaient décidé d’en masquer le montant.
Mardi midi, dans un communiqué, la start-up Leetchi a annoncé clôturer la cagnotte lancée par « des proches », sans la suspendre. Les contributions ne sont donc plus possibles, mais la somme, sous conditions détaillées après devrait bien être versée. Pour sa défense sur la mise en ligne d’une telle cagnotte, le site Internet indique : « En aucune manière, nous ne portons de jugement de valeur sur une thématique, une cause ou un projet et ne prenons nullement position. »
Mais pour l’avocat Mathieu Davy, la création même d’une telle cagnotte questionne sur le plan juridique : « il s’agit d’un appel au soutien à cet ancien boxeur directement en lien avec une situation de coups et blessures, d’une garde à vue, donc de potentielles poursuites. Si Christophe Dettinger est pour l’instant présumé innocent, la cagnotte est liée au fait qu’il devra se défendre.»
« On ne peut pas se faire remplacer en prison »
Or, rappelle l’avocat, l’article 40 de la loi de 1881 précise bien que « l’appel aux dons pour payer ses amendes est un délit », comme il l’écrivait déjà sur Le Plus de L’Obs en 2014, à propos de l’affaire Dieudonné. « On ne peut pas se faire remplacer en prison ! C’est la même chose ici : il n’est pas possible de faire appel aux dons pour payer une éventuelle amende, d’éventuels dommages et intérêts des policiers qui ont porté plainte…»
De son côté, la start-up « s’engage à ce que les fonds collectés […] servent uniquement à financer les frais de justice conformément à nos CGU et à la législation en vigueur ». Et précise que « compte tenu des actes reprochés […] le transfert des fonds ne sera ainsi effectué que sur présentation de justificatifs (devis et notes d’honoraires de l’avocat) ».
« Il n’y aura jamais 100 000 euros de frais d’avocat ! » alerte Mathieu Davy qui considère que pouvoir régler ses frais grâce à une cagnotte dans le cadre d’une telle affaire est une interprétation de l’article 40. L’avocat craint un détournement de la restriction d’utilisation de la somme. En effet, imaginons que les frais d’avocat s’élèvent au plus à 10 000 euros, qu’advient-il du reste ? Le reste sera reversé aux participants, assure la start-up, comme le précise le Huffingtonpost.
Incitation à la violence ?
Autre question soulevée par l’avocat, celle de l’incitation à la violence. « Pour les faits reprochés, le boxeur ne risque pas grand chose au pénal, n’est-ce donc pas une incitation à la haine que de permettre de voir ses frais de justice financés par une cagnotte ?» Un raisonnement qui fonctionne dans l’éventualité où l’intégralité de la somme serait reversée à Christophe Dettinger.
Enfin reste ouverte la question de la responsabilité de Leetchi. « S’ils ont arrêté la cagnotte, c’est par mesure de précaution, pour se protéger», estime l’avocat selon lequel Leetchi doit cesser les cagnottes qui entrent dans le cadre de procédures.
Le Crédit mutuel, propriétaire de Leetchi, a annoncé à nos confrères du Parisien qu’une enquête interne allait être ouverte et que les fonds seraient gelés dans l’attente des résultats.
En réaction, sur son compte Twitter, le président de la région PACA, Renaud Muselier, a lancé lui aussi une cagnotte pour les forces de l’ordre blessées lors des manifestations des gilets jaunes, a indiqué l’AFP. Une cagnotte Leetchi.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits