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Budget 2025: les milliardaires bientôt mis à contribution ?

Le gouvernement tablerait sur l’application d’une taxe de 0,5% sur le patrimoine des plus grandes fortunes françaises. Ce dispositif pourrait rapporter entre 2 et 4 milliards d’euros. 

« Je suis pour la justice fiscale ». « Tout le monde doit payer sa part ». Depuis leur arrivée à Bercy, le ministre de l’Economie, Eric Lombard, et la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, multiplient les déclarations en faveur d’une plus grande équité face à l’imposition. De telle manière que le dogme fiscal, malmené depuis l’échec de la dissolution en juin 2024, est plus que jamais sur le point de vaciller ? Après que le nouveau locataire ait ouvertement évoqué une possible hausse de la flat tax jusqu’à 35% (contre 30% actuellement), c’est un autre serpent de mer fiscal qui revient sur le devant de la scène : la taxation du patrimoine des plus grandes fortunes. 

Ce mardi 14 janvier, François Bayrou a annoncé travaillé sur une « taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines » dans sa réponse aux députés après sa déclaration de politique générale. « Ce qui est une manière de prendre en compte ces patrimoines, [leur] dimension, et d’envisager de vérifier qu’ils n’échappent pas à l’impôt, en les affectant d’un taux de contribution», a déclaré le Premier ministre. 

Quelques jours auparavant, Amélie de Montchalin avait abordé ce dispositif lors d’une consultation politique avec les parlementaires socialistes sur la réorientation du projet de loi de finances, d’après le journal l’Opinion. La mesure, combinée à d’autres concessions, doit contribuer à obtenir un accord de non-censure avec une partie de la gauche alors que le gouvernement compte sur un réajustement budgétaire de 50 milliards d’euros pour ramener le déficit autour de 5% en 2025. « Le redressement des comptes publics va forcément avoir des conséquences pour tous les Français, expose Eva Sas, députée écologiste de Paris et membre de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Ce qui se joue, c’est le consentement à l’impôt, si les plus riches ne participent pas la pilule sera difficile à faire passer au reste de la population. »

Inspirée des travaux de Gabriel Zucman 

Cette taxe sur le patrimoine devrait remplacer l’impôt minimal sur les plus hauts revenus (la contribution sur les hauts revenus, ou CDHR), imaginé par le gouvernement Barnier. La CDHR prévoyait jusqu’ici une contribution « temporaire et exceptionnelle » des foyers fiscaux aux émoluments les plus élevés (250 000 euros annuels pour un célibataire, le double pour un couple). Calculé en proportion du revenu fiscal de référence, le mécanisme devait assurer un taux d’imposition minimum de 20% pour ces contribuables. Le gouvernement Barnier entendait ainsi récupérer 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2027. 

Reste que certains à gauche pointaient alors les angles morts de la CDHR. En effet, le patrimoine des plus grandes fortunes françaises est détenu essentiellement par des participations dans des grandes sociétés. Les bénéfices peuvent être stockés ou perçus sous forme de dividendes. Dans ce cas de figure, ils sont versés à des sociétés holding et échappent donc à l’impôt sur le revenu. In fine, les milliardaires s’acquittent quasi-uniquement de l’impôt sur la société, dont le taux est beaucoup plus faible. Ainsi, une analyse menée par l’Institut des politiques publiques (IPP) et publiée durant l’été 2023 estimait que les ultra-riches avaient un taux d’imposition effectif de seulement 26 %, contre 46 % pour les millionnaires.

Pour y remédier, le gouvernement tablerait donc sur cette taxation du patrimoine des milliardaires. Cet impôt minimum s’exprimerait en pourcentage de la fortune totale et non par rapport au revenu. Dans l’Opinion, le député communiste Nicolas Sansu, parle de « taxe Zucman, au format miniature ». Lors des débats à l’Assemblée nationale fin octobre, La France insoumise avait déposé un amendement en ce sens. Inspiré des travaux de l’économiste français Gabriel Zucman, il prévoyait d’appliquer une taxe de 2% sur la fraction du patrimoine dépassant 1 milliard d’euros. La gauche espérait ainsi récupérer près de 14 milliards. Mardi 7 janvier, le groupe écologiste a déposé une proposition de loi élargissant l’assiette en retenant un taux de 2% pour les patrimoines de plus de 100 millions (4 000 contribuables). Un rendement pouvant aller jusqu’à 25 milliards était attendu. 

Symbolique 

Selon les informations qui circulent, la formule retenue par Bercy serait néanmoins revue à la baisse. Le taux envisagé serait de 0,5%. Il permettrait de récolter 2 milliards d’euros selon Les Échos (soit le même montant que la CDHR), 3,5 et 4 milliards d’après l’Opinion. « Le taux retenu n’est pas l’unique différence avec ce que nous proposons, expose Eva Sas. Les biens professionnels seraient exclus du calcul. En clair, les actions que détient le gérant au sein de sa propre entreprise ne seraient pas prises en compte. La seule chose qui serait taxée, c’est le patrimoine financier. Soit les actions ou obligations détenues sur un marché. L’assiette serait ainsi drastiquement réduite. Il est normal d’exonérer les gérants de PME, raison pour laquelle seuls les patrimoines de plus de 100 millions son retenus, mais pas les actionnaires de multinationales. » 

Pour la gauche, ce pas de côté est néanmoins symbolique. Jusqu’ici les différents gouvernements avaient écarté la mise en place d’une pareille mesure, renvoyant les discussions au niveau international. Lors de son – très long – passage à Bercy, Bruno Le Maire était l’un des rares soutiens du Brésil pour la mise en place d’un impôt sur les ultra-riches dans les pays du G20. Lui qui se refusait paradoxalement à toute augmentation de la fiscalité des grandes fortunes dans l’Hexagone, par crainte d’un exil de ceux-ci. 

Reste à savoir comment l’insérer dans le projet de loi de finances 2025. Le volet recettes ayant déjà fait l’objet d’un vote au Sénat, le dispositif ne pourra être remis sur la table que lors de la commission mixte paritaire. « Règle de l’entonnoir » oblige, cette nouvelle contribution devra être suffisamment proche de la CDHR pour se voir jugée recevable. Auquel cas, un autre projet de loi sera nécessaire. « J’estime qu’il sera nécessaire de passer par une loi ordinaire car les deux propositions sont trop éloignées, estime Eva Sas. D’un côté, on parle d’une taxe sur le revenu. De l’autre, d’une taxe sur le patrimoine. » Sans oublier qu’il faudra également passer outre le Conseil constitutionnel. Les Sages pourraient retoquer la loi en raison du bouclier fiscal, un dispositif plafonnant l’imposition globale du contribuable. 


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