Désireux de remplir les caisses de l’Etat, le gouvernement vise à « raboter » les fameuses aides personnalisées au logement (APL), à raison de cinq euros par mois. Une mesure qui a immédiatement déclenché le courroux des étudiants, premiers bénéficiaires – à hauteur de 40% – de cette aide. Mais également d’une large partie de la classe politique. Pour sa défense, l’exécutif assure uniquement appliquer une décision prise par le précédent gouvernement.
Le gouvernement fait feu de tout bois en cette période estivale et surtout recherche des économies tous azimuts. En ligne de mire : les aides personnalisées au logement, plus connues sous l’acronyme « APL » dont les principaux bénéficiaires – à hauteur de 40%- sont les étudiants qui sont, évidemment, vent debout contre cette mesure. Et pour cause. Créée en 1977, l’aide personnalisée au logement est, avec l’allocation de logement sociale (ALS) et l’allocation de logement familiale (ALF), la troisième strate et la plus récente dans le temps des aides au logement versées par la caisse d’allocation familiale (CAF). Pléthore d’acronymes qui permettent néanmoins à des millions de foyers de réaliser des économies non négligeables sur le poste de dépense le plus important des ménages. Comme rappelé par le mensuel Alternatives économiques, les APL représentent 21% du niveau de vie des 10% de ménages les plus pauvres selon des données fournies par l’Insee. En outre, ces dernières bénéficient à 2,6 millions de foyers, dont 800 000 étudiants, et représentent environ 18 milliards d’euros de dépenses pour les caisses de l’Etat. Désireux d’éteindre l’incendie naissant, le ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard est monté au créneau… arguant que le gouvernement ne faisait qu’appliquer une décision prise lors de la dernière législature, en l’occurrence sous le quinquennat Hollande.
« Cette annonce découle de la mise en application de la loi de finances 2017 décidée par le précédent gouvernement », a affirmé Jacques Mézard. Ce dernier ajoute que le gouvernement n’a « pas le choix », au regard du « trou » laissé par le gouvernement entre ses prévisions et la réalité, et qui se chiffre à 9 milliards d’euros en 2017. Ajoutant au passage que les aides au logement ont pour « effet pervers de faire augmenter les loyers, au plus grand bénéfice des propriétaires » et qu’il n’était aucunement question de supprimer les aides au logement. Une « justification » également reprise à son compte par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. « La baisse des APL a été votée par la précédente majorité (…). Nous prendrons les mesures votées par le Parlement », faisant référence à un décret paru le 16 octobre dernier au Journal officiel.
Baisser les APL de 5 euros /mois, une mesure qui fragilise les – favorisés. Et cela n’a rien à voir avec les mesures prises en 2016 !
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 22 juillet 2017
« Le gouvernement ment »
Des déclarations qui ont immédiatement déclenché la colère de l’ancienne ministre du logement, Emmanuelle Cosse, en charge de ce dossier à l’époque. « Cela n’a rien à voir avec les mesures prises en 2016 », s’est-elle défendue, fustigeant une « mesure qui fragilise les moins favorisés ». Et de poursuivre la querelle sur Twitter. « Donc la première mesure en matière de logement du gouvernement Philippe aura été la baisse des APL. Affligeant. Et dévastateur pour les moins riches ». Une indignation dont s’est également fait écho le prédécesseur de Gérald Darmanin à Bercy, Christina Eckert. Avec davantage de virulence et sans langue de bois. « Le gouvernement ment ! Baisser les APL de 60 euros par an pour tous les allocataires, c’est leur décision, pas celle du gouvernement d’avant », écrit l’ancien ministre du Budget, également sur Twitter, véritable caisse de résonnance de la contestation contre la baisse des APL.
L’occasion également pour l’ancien ministre de dérouler le modus operandi -méconnu- en vigueur à Bercy à chaque changement de majorité. « A chaque changement de gouvernement, à chaque changement de ministre, il se passe le même scénario : la direction du Budget présente une liste de mesures que l’on appelle ‘le musée des horreurs’, des mesures généralement refusées par les prédécesseurs et qu’elle essaye de replacer… ». Avant de s’en prendre vertement à l’excuse, « éculée » à ses yeux, de « l’ardoise » laissée par le dernier gouvernement de François Hollande. « Ces histoires de trous budgétaires commencent à bien faire », souligne-t-il. Et de (re)expliquer : « Une loi de finances, ce sont des prévisions de dépenses et de recettes qui s’ajustent toujours en cours d’année, jusqu’en décembre ». La classe politique dans son ensemble s’est prononcée contre cette mesure de l’ancien candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon – « Baisse des APL perçues par les plus modestes et réduction de l’ISF payé par les plus riches. C’est révoltant »-, au député Les Républicains, Pierre Henri Dumont – « Privé d’#APL et tiré au sort pour entrer à l’université, il ne fait pas bon être étudiant sous #Macron… », en passant par Florian Philippot, du Front national. « Guinness des records de l’injustice ! », une allusion à peine voilée à la baisse programmée des APL et à celle, à venir, de l’impôt sur la fortune (ISF).
Le Gouvernement ment ! Baisser les APL de 60 Euros par an pour tous les allocataires, c’est leur décision, pas celle du Gouvernement d’avant
— Christian ECKERT (@CECKERT56) 23 juillet 2017
Les syndicats à la manœuvre
Les syndicats étudiants sont également montés au front pour lutter contre cette mesure. L’Unef a pris la tête de la révolte via une pétition en ligne, espérant mobiliser le plus grand nombre dans les meilleurs délais. La Fédération des Associations Générales Etudiantes (Fage) s’en est également pris à l’exécutif, dans un communiqué intitulé : « le gouvernement s’en prend au porte-monnaie des étudiants ». Morceaux choisis. « L’accès au logement est crucial pour permettre aux jeunes d’être autonomes. Dans un contexte où un étudiant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, le logement représente plus de la moitié du budget mensuel d’un étudiant. La FAGE ne peut tolérer que l’on continue de précariser la jeunesse sous couvert de “mesures d’économie”. » Ou encore : « La Fage demande au gouvernement de ne pas matraquer le portefeuille des étudiants en revenant sur cette mesure injuste, d’ouvrir une vraie réforme des aides sociales étudiantes afin d’assurer une réelle démocratisation de l’ESR et de lancer sans délais le plan 80 000 logements annoncés dans le programme du Président de la République ». La guerre médiatique est lancée.
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