Ouverte en 2004, la galerie Michela Rizzo est devenue au fil du temps un point de référence dans le panorama artistique vénitien.
Une histoire de passionnée
Parler d’art avec Michela Rizzo fait partie des choses courantes, habituelles à Venise. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. C’est à 40 ans, après de longues années à travailler au sein de l’importante entreprise familiale dédiée au pain et aux produits alimentaires, qu’elle décide de tout quitter et de reprendre ses études de philosophie là où elle les avait laissées, vingt ans plus tôt. Une expérience enrichie par des rencontres qui lui ouvrent les portes d’un monde jusqu’alors inconnu, celui de l’art. Un coup de foudre pour cette passionnée qui n’avait jusqu’alors jamais pensé devenir actrice de ce secteur. Elle décide alors de « s’autoriser cette folie » et ouvre une petite galerie expérimentale de 27 m2. « En 2004, il n’existait pas à Venise des galeries mettant en avant une recherche radicale dont les fruits portent à un travail de haute qualité. J’ai voulu, de mon côté, privilégier cet aspect » explique Michela Rizzo. En 2007, durant la Biennale de Venise, elle organise en collaboration avec une galerie anglaise une exposition consacrée à Damien Hirst. Une opération qui remportera un grand succès et qui lui permettra d’investir les lieux d’un palais vénitien de 250 m2 en plein centre de la ville. Un événement qui donnera par-dessus tout « une vraie impulsion à la galerie« .
Grands artistes et nouveaux talents
Aujourd’hui, plus de dix ans après, Michela Rizzo a su imposer son style et sa façon de travailler. Elle représente de nombreux artistes nationaux et internationaux dont Fabio Mauri, Roman Opalka, Vito Acconci, Antoni Muntadas ou encore Hamish Fulton. Au sein de sa galerie, les grands maîtres de l’art rencontrent les talents émergents. « Je tiens à représenter des artistes qui maintiennent une liberté, une indépendance de la pensée. Leurs œuvres doivent surgir d’une nécessité intrinsèque laissant peu de place aux lois du marché qui régissent aujourd’hui le monde de l’art. » Au fil des années, des collaborations l’ont particulièrement marquée. Celle notamment avec l’artiste français d’origine polonaise, pionnier de l’art conceptuel Roman Opalka. « Travailler avec lui fut un rêve devenu réalité. » Ou encore avec Hamish Fulton, père du Walking Art. « Chez lui la création artistique naît de la pratique intensive de la marche. C’est un artiste avec qui j’aime beaucoup travailler et qui m’a toujours enrichie » raconte-t-elle.
Exposition en cours
Chaque année, Michela Rizzo organise des expositions au sein de sa galerie en plus des collaborations avec les institutions culturelles. « J’ai toujours cherché à promouvoir les artistes au-delà de ma galerie. Par exemple, lors de la grande exposition de Lawrence Carroll en 2008 et celle de Tony Cragg à Ca’Pesaro en 2010. » Jusqu’au 9 septembre, au sein de son espace sur l’île de la Giudecca, Michela accueille la troisième exposition personnelle de l’artiste sicilien Aldo Runfola, organisée par Matteo Bergamini. Cultivé et raffiné, Runfola s’interroge, à travers la pratique artistique, sur l’être au monde de manière générale et sur l’être au monde de l’artiste, de manière plus spécifique. De là, naît une profonde réflexion, conduite dans les années, sur le système de l’art et ses dynamiques, souvent insuffisantes et velléitaires mais avec qui l’artiste est contraint de se comporter. Dans cette exposition, Runfola présente trois typologies de travail : Tâches ou Gouttes, Noms et Portraits. Travaux qui prennent leurs références dans la pensée philosophique et poétique plus que dans l’histoire des images et des mouvements artistiques. En démontre la série Portraits qui dévoile le visage de trois personnages ,dans une certaine mesure, chers à l’artiste : Nietzsche, Deleuze et Stingel. Leurs traits prennent vie grâce aux initiales de l’artiste, AR, brodées sur la toile. Des portraits pas moins que des autoportraits. Ou encore la série Noms où Aldo Runfola a dressé une liste totalement arbitraire d’artistes de succès sur un support en carton, sur lequel se démarque de manière ambiguë un scintillant lampadaire de cristal. Enfin, comme dernier travail, Aldo Runfola reproduit la séquence dans laquelle Tâches ou Gouttes sont les protagonistes, distribuées arbitrairement sur la toile, rappelant les dripping de Pollock et la peinture en général. Elles représentent d’un côté le pure hasard, de l’autre une gestualité non privée de tension que la technique ne réussit pas à élever.