Amis d’enfance, peintres autodidactes, Fernand Kayser, Sven et Yrak partagent depuis 10 ans le même atelier à Mulhouse, le Schlager club, et enchaînent les expositions en galeries d’art.
Fernand Kayser : l’écriture automatique
Enfant, Fernand Kayser passe beaucoup de temps à dessiner. Quelques années plus tard, à l’école, il rencontre Sven, puis Yrak. Ensemble, ils passent leur temps dans les usines désaffectées à peindre. Âgés d’une vingtaine d’années, ils décident de se réunir dans un atelier, le Schlager club, à Mulhouse. D’abord par amitié, puis par goût du travail. Dans des styles différents, les trentenaires œuvrent chaque jour à reporter sur toile leurs impressions.
Des trois artistes, Fernand est celui qui empreinte l’art figuratif pour poser à plat son quotidien familial, celui de l’atelier, ses voyages. Les images qui lui sont restées en tête sont traduites en illustrations aux couleurs vives cernées de noir. L’œuvre est créée en un seul jet, l’écriture automatique, le style chargé. Terreau de son inspiration : la ville bien entendu, les usines dont les contours deviennent des motifs, mais également les pochettes de disques du collectif d’artistes Bazooka et la musique plus largement. Elle prête ses mots à l’artiste qui les introduit et les mêle à ses objets formant une histoire dessinée. « Le travail d’un artiste est d’exprimer qui il est, confie Fernand, mes tableaux représentent un bout de ma vie qui prend une autre signification une fois chez les collectionneurs ».
Sven : l’impulsion chromatique
Sven commence à dessiner et à peindre ses premiers tags au lycée. Des murs, il passe à la toile, dans un style qui n’est jamais loin de celui du graffiti. Il travaille à l’impulsion, vite, sans esquisse préparatoire, appréciant peindre sur des moyens formats comme sur des plus grands, des 4 x 2 mètres où le mouvement du corps entraîne l’outil aérosol dans un mouvement fluide.
Sur ses toiles, dont les châssis sont réalisés par Dust et Zephyr, il superpose des couleurs vives et des lettres devenues abstraites. « C’est comme un combat avec la toile que j’aime gagner, résume Sven. Il n’y a pas de composition anticipée. Elle est équilibrée à la fin. À un moment donné, j’appose des couleurs de façon constructive pour que tout s’accorde. »
Si le Mulhousien utilise volontiers des jaunes, rouges, roses, verts flashy, il peint aussi des œuvres ton sur ton. Noir sur noir, blanc sur beige. Outre la couleur, il travaille aussi la texture. Il ajoute du sable, de la colle, du crépi pour faire jouer la lumière et révéler les irrégularités. « Si un artiste ne part pas avec l’idée de donner une partie de soi, explique Sven, son œuvre aura beaucoup moins de sensibilité. »
Yrak : les lettres entremêlées
C’est à l’âge de quinze ans, par le graff, que débute Yrak. Mosaïste carreleur dans le bâtiment avant de devenir l’assistant d’un artiste décorateur mulhousien, c’est dans un deuxième temps qu’il découvre l’univers de l’atelier. Il y prend goût et se met à réaliser ses propres créations. Son style, né à l’époque où il taguait, se développe et exploite les lignes géométriques et graphiques des lettres Y R A K de son pseudo. Entremêlées, tracées à l’encre de Chine noir brillant, elles constituent la structure porteuse de ses œuvres.
Marqué par l’architecture, Yrak fixe des formes les unes sur les autres, par aplats de couleurs mates et naturelles, dans une succession de plans. L’artiste, qui se préserve de toute influence, consacre son énergie non pas à la recherche, mais à la découverte qu’il croque instinctivement en 6 ou 7 secondes pour la reproduire plus tard en peinture. Annotés de la date, l’heure et l’endroit où ils ont été dessinés, les croquis sont rangés dans un classeur et servent plusieurs heures ou années après, à la création d’une toile ou d’une série. « Je replonge alors dans le moment où je les ai dessinés, je me retrouve comme un spectateur. L’art est un marqueur temporel très fort, conclut Yrak. »