Massivement déployé en France et dans le monde, le télétravail s’est imposé pendant le confinement comme une solution alternative et viable pour le maintien de l’activité des entreprises. Des GAFAM aux start-up, en passant par les grandes entreprises, de nouveaux modèles organisationnels sont actuellement en train d’être repensés et imbriqués dans les stratégies des entreprises. Mais l’heure est maintenant au bilan et au re-questionnement. Allons-nous tendre vers un modèle complètement généralisé ? Les entreprises vont-elles se tourner vers un modèle 100 % numérique ? Par Patrick Porte Partarrieu, directeur de la practice Business Transformation chez Sopra Steria.
Spoiler alert : nous n’y sommes pas encore.
Ce que nous avons vécu n’est pas une photographie de ce que nous vivrons demain
Face à la crise sanitaire, les entreprises ont eu massivement recours au travail à distance : avec un tiers des actifs en poste étant éligibles au télétravail, près de 8 millions de Français ont dû exercer leur activité professionnelle à distance. Un déploiement à l’échelle nationale qui a été bénéfique pour certains, complexe à gérer pour d’autres. Mais ce modèle n’est pas un modèle pérenne et viable pour demain. Dupliquer les modes de travail existants, à distance et ce, sans même revoir les organisations, va inévitablement dégrader l’efficacité et la performance des collaborateurs. Son orchestration et son organisation restent encore à construire.
Véritable accélératrice de l’adoption du travail à distance, la crise sanitaire a ainsi révélé de nouveaux champs des possibles : après plus de vingt-cinq ans d’hésitation sur le télétravail, la France a adopté un modèle plus agile, plus flexible et à la portée de chaque entreprise. Le modèle classique et traditionnel de l’entreprise française s’est vu chamboulé. Dans cette même logique, les entreprises commencent à réfléchir à un modèle hybride, combinant distanciel et présence physique. Chacune d’entre elles y voit une opportunité de réduire ses coûts opérationnels, de gagner en flexibilité, tout en répondant aux nouvelles attentes des salariés (équilibre vie professionnelle et vie personnelle) et en adoptant une politique RSE plus durable (réduction de l’empreinte carbone). Ces opportunités sont légitimes… à condition de se poser les bonnes questions et de construire son modèle en fonction de son histoire, de sa culture, pour y conduire sa propre transformation. Penser le travail de demain s’effectue entreprise par entreprise, tout en impliquant les salariés.
Comment repenser le télétravail de manière durable ?
Aujourd’hui, toutes les entreprises se posent la question du télétravail et il est nécessaire d’en étudier l’opportunité.
- L’intention stratégique et collective – Au-delà de la simple question de la réduction des coûts, quelle est l’intention stratégique qui sous-tend le projet ? Quels sont les risques dans le projet ? Quels sont les risques à ne pas faire le projet ? Comment les salariés seront-ils impactés ?
- Les conditions d’acceptabilité – Le contrat de travail peut tendre à devenir un contrat social. Le travail à distance est un modèle qui ne peut être unilatéral et qui doit reposer sur une relation gagnant/gagnant. Par exemple, à terme, l’employeur, redistribuera-t-il une partie des économies réalisées si les collaborateurs passent au 100 % télétravail ? Ou encore, prendra-t-il en charge une partie du loyer des collaborateurs ?
- L’impact sur la performance – Le télétravail généralisé a polarisé certaines situations : un grand nombre de collaborateurs ont eu une surcharge de travail, tandis que d’autres étaient au chômage partiel et, à l’heure actuelle, il est encore impossible de connaître l’impact sur la performance après ces deux mois de confinement. Alors est-il vraiment possible de massifier le télétravail sans impacter la productivité sur le long terme ? Comment continuer à délivrer une promesse client de haut niveau ? Auquel cas, comment le mesurer ?
- Les métiers éligibles – Il est nécessaire d’évaluer l’éligibilité des métiers, des collaborateurs, et de jauger les pratiques qui devront être mises en œuvre pour chaque type d’activité. Aucun collaborateur ne doit être mis de côté et l’entreprise doit être pensée dans son ensemble.
- Les moyens – Le télétravail soulève la question des outils et des moyens : quels moyens faut-il déployer pour soutenir différents scénarios – à la fois sur les plans technologique, technique, humain et immobilier ?
Ces questionnements apparaissent indispensables car, même si la période de confinement a révélé le potentiel du travail à distance, son modèle ne s’est pas encore affirmé. Il ne s’agit d’ailleurs pas tant du travail à distance que de la façon dont on peut rendre l’organisation plus agile en travaillant sur ses fondamentaux. Il n’existe pas de modèle-type défini, ni de recette miracle. Chaque entreprise doit trouver son propre modèle, adapté à son histoire et à sa culture. Aux dirigeants maintenant de placer le curseur au bon endroit et de préserver le lien de confiance avec les collaborateurs sans tomber dans la déshumanisation, au service d’une agilité globale. Les entreprises les plus agiles qui ont su démontrer leurs capacités d’adaptation et de résilience sont aujourd’hui les grandes gagnantes de cette crise, et c’est encore l’agilité qui révélera les entreprises de demain.
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