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Syndrome Du Rescapé En Entreprise : Ils Culpabilisent D’Avoir Été Épargnés

Getty Images

Le syndrome du rescapé, c’est la culpabilité ressentie par les survivants d’un événement traumatique. Guerre, attentat, etc. En entreprise, ce syndrome apparaît lors de plans sociaux. Des licenciements de masse qui focalisent l’attention sur les salariés qui perdent leur emploi, oubliant que ceux qui restent peuvent souffrir du sentiment de culpabilité d’avoir été gardé, combiné à la crainte de se faire licencier à son tour. Pour gérer ce syndrome du rescapé, la direction et le management de proximité jouent un rôle prépondérant. Entretien avec Jean-Paul Lugan, spécialiste du coaching pour cadres et dirigeants.

 

Vous parlez de syndrome du rescapé, de quoi s’agit-il et pourquoi employez-vous ce terme pour le monde de l’entreprise ?

J-P. Lugan : « Le syndrome du rescapé a été découvert après les grandes guerres, il est également utilisé en cas d’attentat. Ceux qui restent éprouvent un sentiment de culpabilité. Ils s’en veulent d’avoir survécu, se demandent « en quoi je mérite plus qu’un autre d’être là ? ». C’est la même chose en entreprise. Quand on accompagne une restructuration, un plan social, peu importe la taille du changement, ce syndrome apparaît.

Dans un premier temps, le salarié va avoir le sentiment d’avoir échappé à quelque chose, notamment parce qu’il s’est battu. Jusqu’à la mise en place du plan social, les employés pensent à sauver leur peau, mais à partir du moment où ils sont sauvés, ils commencent à penser collectif, à se sentir coupables. C’est un syndrome assez systématique, même si le rescapé en question n’a pas utilisé tous les moyens pour rester.

Comment agir au sein de l’entreprise pour lutter contre ce syndrome du rescapé ?

J-P. Lugan : Je travaille sur l’accompagnement des projets de transformation avec pour objectif de limiter ce syndrome. Pour cela, nous conseillons le CODIR, et nous formons l’ensemble de l’encadrement. L’objectif est de faire en sorte que les manager de proximité gèrent ceux qui partent et ceux qui restent.

J’utilise pour cela la méthode TCC pour tête (le QI), corps (l’action), cœur (l’émotionnel). Il s’agit de trois formes d’intelligence. Souvent, les entreprises parlent aux salariés sur le thème du corps : « vous allez mettre tel programme en place ». Et ils oublient, en annonçant une transformation, de s’adresser à l’émotionnel et d’expliquer le sens de cette transformation.

Le manager doit être capable de donner une feuille de route à ses collaborateurs et de porter ce changement. Le problème, est qu’il est fréquent que les manager ne soient pas en accord avec le changement en question.

Nous faisons en sorte que les patrons et les encadrants soient au plus près des salariés, à l’écoute. Le pire, dans ce genre de situation, est que le manager se contente de dire « estimez-vous heureux d’avoir été sauvé », c’est extrêmement culpabilisant. Il faut donc éviter ce qui est culpabilisant et effacer la peur de partir avec la vague suivante que peuvent ressentir ceux qui restent.

Les cadres doivent rassurer, dire « on va faire ce qu’on peut pour continuer ».

Quelles sont les réactions probables des salariés dans le cas d’une transformation massive de l’entreprise et comment les dirigeants peuvent y faire face ?

J-P. Lugan : Il est indispensable d’être à l’écoute. Un salarié mal traité va soit être en fuite avec un arrêt maladie, soit va être passif et donc ne plus travailler correctement, ou être agressif. Il faut donc être le plus transparent possible sur le changement, être proche des salariés pour négocier, avoir de la considération pour ceux qui partent et montrer à ceux qui restent qu’ils ont de la valeur, qu’ils ont été choisis.

Il ne faut surtout jamais se lever contre une résistance car il est légitime d’être en colère, d’avoir peur face au changement. Les manager doivent aider les salariés à faire leur deuil. Car le changement est vécu comme un deuil, avec ses quatre phases : le refus, la résistance, l’exploration et l’engagement. Leur rôle est donc de faire passer de la résistance au changement à l’engagement. Par exemple à la Macif, nous avons accompagné le changement qui consistait en la fermeture des postes locaux d’informatique. Après les premières résistances, les salariés ont changé de métier pour pouvoir rester en région. Dans ce cas, il faut valoriser les efforts. 

Ce syndrome du rescapé peut avoir des conséquences terribles avec des pensées négatives, de la dévalorisation… on doit donc permettre aux salariés d’avoir confiance en eux. Mais pour cela, il faudrait être en mesure d’anticiper les changements et les réorganisations, avec par exemple de la formation tout au long de la vie.

Jean-Paul Lugan est à la tête de Lugan & Partners, une entreprise qui existe depuis vingt ans et qui accompagne les transformations collectives et individuelles à travers la formation et le coaching des cadres et manager. 

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