La décision du président américain Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur le Canada, le Mexique et la Chine, tout en menaçant d’en imposer à l’Union européenne, a semé la panique sur les marchés. Parallèlement, son annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat a jeté le doute sur l’engagement du pays en faveur d’une économie plus durable.
Alors que son second mandat aux États-Unis s’annonce encore plus mouvementé que le premier, comment les chefs d’entreprise peuvent-ils s’adapter et prospérer face au retour de Donald Trump ?
- Adopter une approche agile
L’incertitude politique et réglementaire restera un défi majeur pour les entreprises sous un second mandat de Donald Trump, obligeant les dirigeants à intégrer ces risques dans leur stratégie de gestion et d’anticipation, explique Jannis Bischof, professeur de comptabilité à l’école de commerce de Mannheim, en Allemagne.
Une communication transparente avec les investisseurs et les parties prenantes sera essentielle pour rassurer et démontrer une préparation adéquate face aux turbulences politiques. Renforcer les relations avec les décideurs politiques, au-delà des clivages partisans, permettra également aux entreprises de garantir stabilité et influence, même en cas de nouveaux basculements politiques, ajoute M. Bischof.
Dans cet environnement incertain, la résilience opérationnelle sera cruciale. Il recommande ainsi aux entreprises de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement, de relocaliser une partie de leur production pour limiter l’impact des barrières tarifaires et d’explorer de nouveaux marchés en dehors des États-Unis.
M. Bischof suggère également aux dirigeants deréévaluer leur approche en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), en équilibrant lesrisques juridiques avec les attentes des parties prenantes et les valeurs de l’entreprise. « Plutôt que de présenter ces initiatives comme des engagements idéologiques, les positionner comme des leviers d’acquisition de talents, d’innovation et de compétitivité peut réduire les risques politiques », conclut-il.
- Trouver l’équilibre entre perception et principes
La plupart des dirigeants chercheront à éviter toute confrontation directe avec l’administration Trump, explique Sam Garg, professeur de management à l’ESSEC Business School en France. Toutefois, ils pourraient adopter une stratégie de « gestion de l’image publique », leur permettant de donner l’apparence d’une adhésion à l’agenda politique de Trump sans s’y conformer pleinement.
« Les dirigeants devront également naviguer entre la nécessité d’afficher des positions publiques sur des sujets polarisants, comme l’immigration, et la préservation de la cohésion interne », souligne M. Garg. « Réussir dans ce contexte exigera de mettre de côté les egos, de comprendre les dynamiques d’incitation et de trouver un équilibre subtil entre perceptions et convictions. »
Si les valeurs du PDG ou du conseil d’administration divergent du climat politique, les entreprises pourraient envisager de nommer des cadres ou des administrateurs perçus comme plus proches des idées de Trump, afin de mieux anticiper ses décisions. « Les conseils d’administration doivent également intégrer l’imprévisibilité de cette présidence – ce que Trump dit ne reflète pas toujours ce qu’il fait – ce qui ajoute une complexité supplémentaire », conclut-il.
- Miser sur le numérique pour renforcer la résilience
« Naviguer dans un second mandat de Donald Trump nécessitera un équilibre entre saisir les opportunités et garantir la résilience des entreprises », explique Stefano Elia, codirecteur du programme de master en commerce international et transformation numérique à la POLIMI Graduate School of Management en Italie.
Selon lui, les entreprises peuvent atteindre ces deux objectifs en réalisant des investissements transfrontaliers, leur permettant de sécuriser leurs marchés actuels tout en s’implantant sur de nouveaux territoires.
En parallèle, tirer parti de la transformation numérique sera essentiel. « Les technologies numériques offrent un avantage concurrentiel décisif et soutiennent les stratégies d’expansion internationale », affirme-t-il. Elles améliorent la prise de décision grâce à l’intelligence artificielle et au big data, optimisent la production industrielle via la robotisation et l’impression 3D, et permettent un suivi en temps réel des chaînes de valeur grâce à la blockchain et l’Internet des objets.
- Reconnaître que le changement climatique demeure un enjeu majeur, malgré la politique de Trump
Si les décisions de la nouvelle administration Trump peuvent laisser croire que le changement climatique n’est plus une priorité mondiale, c’est une erreur d’interprétation, affirme Michael Wilkins, directeur exécutif et professeur de pratique au Centre for Climate Finance & Investment de l’Imperial College Business School au Royaume-Uni.
« Les températures mondiales ont déjà dépassé le seuil critique de 1,5°C et pourraient atteindre 2,6°C d’ici la fin du siècle sous les politiques climatiques actuelles », explique M. Wilkins. « La fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes ne feront qu’augmenter, avec des conséquences économiques et financières majeures. »
Les entreprises ne peuvent pas ignorer l’impact du changement climatique, notamment en raison des risques financiers colossaux liés aux catastrophes naturelles. Les récents incendies en Californie, par exemple, ont entraîné plus de 250 milliards de dollars de pertes économiques, dont seule une fraction sera couverte par les assurances. « Le système financier mondial ne peut pas absorber indéfiniment ces chocs », prévient-il. « Des transformations profondes seront inévitables, quel que soit le positionnement de Donald Trump sur la question. »
Se préparer à l’imprévisible
Alors que le second mandat de Donald Trump débute, l’avenir demeure incertain. Connu pour son imprévisibilité, le président américain pourrait à tout moment bouleverser l’environnement économique et politique. Face à cette instabilité, les dirigeants doivent anticiper quatre années de volatilité et s’y préparer en adoptant une approche agile, résiliente et tournée vers l’avenir.
Une contribution de Sally Percy pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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