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Santé mentale : la crise invisible des jeunes au travail

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Santé mentale : la crise invisible des jeunes au travail

C’est l’une des grandes annonces du discours de politique générale de François Bayrou, le 14 janvier 2025. La santé mentale sera bel et bien « la grande cause nationale 2025 ». Le Premier Ministre s’inscrit donc dans la lignée de son prédécesseur. Plus que jamais, il faut s’attaquer à ce sujet majeur. La santé mentale constitue aujourd’hui une urgence absolue.

Une contribution de Ludivine Adla, maître de conférences HDR à l’Université Grenoble Alpes, enseignante à Grenoble IAE-INP et chercheur au laboratoire CERAG, et Virginie Roquelaure, professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3, enseignante à l’iaelyon school of management et chercheur au laboratoire Magellan

 

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».


Le Président de la République précisait, à son tour, que la santé mentale des jeunes sera la priorité. Cette déclaration fait suite aux nombreuses alertes émanant des blouses blanches (médecins, psychologues, psychiatres…) concernant la santé mentale défaillante des jeunes. L’un des signes les plus révélateurs réside dans l’augmentation de la prescription de psychotropes chez les 12-25 ans.

Cette détresse psychologique ne s’arrête pas aux portes de l’école ou de l’université : elle s’invite aussi dans les entreprises. En effet, l’absentéisme des jeunes au travail a augmenté de 11% depuis 2019 (baromètre du cabinet de conseil WTW de 2024). Cet absentéisme résulte notamment d’un stress chronique ressenti par ces derniers. Ils sont d’ailleurs près de 50% à en souffrir au travail (enquête menée par Deloitte en 2023).

Cette génération a un rapport au travail différent de celui de ses aînés. Elle revendique fermement un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle afin d’éviter un burn-out. Elle exige également une plus grande autonomie dans son travail et des missions porteuses de sens, en adéquation avec ses valeurs.

Si certains jeunes espéraient changer le monde en s’engageant dans la vie professionnelle, les premières désillusions se font alors ressentir rapidement. En effet, une fois passé les portes de l’entreprise, ils se heurtent à une réalité professionnelle complexe alliant délais serrés et anxiété à la performance.

Une immaturité émotionnelle qui mène à l’évitement

Face à ces différentes formes de pression, une partie des jeunes travailleurs se trouve démunie. Ces derniers rencontrent des difficultés à exprimer leurs frustrations de manière constructive et montrent parfois des réactions impulsives.

Le mal-être de la jeune génération est aujourd’hui plus que palpable. Celle-ci n’hésite pas à le partager ouvertement sur les réseaux sociaux, se déconnectant ainsi de la réalité. Cet isolement accentue la détresse émotionnelle ressentie.

L’usage d’un concept issu de la psychologie est susceptible d’apporter un nouvel éclairage : l’immaturité émotionnelle. Elle renvoie à une incapacité à réguler ses émotions, à construire des relations saines et durables ainsi qu’à prendre des décisions responsables. Les jeunes, souffrant d’immaturité émotionnelle, rencontrent généralement des difficultés à comprendre et à satisfaire leurs propres besoins émotionnels ainsi que ceux des autres.

L’immaturité émotionnelle n’induit pas que les jeunes sont incapables de travailler, mais plutôt qu’ils ne sont pas toujours armés face à la pression du monde du travail.

La plupart du temps, ils ne savent pas gérer les émotions négatives qui leur provoquent un sentiment d’inconfort. A titre d’exemple, certains peuvent adopter des comportements impulsifs en quittant leur emploi, presque du jour au lendemain, à la suite d’un simple désaccord ou d’un échec. Cette génération a tendance à se montrer hypersensible aux remarques faites par un supérieur ou un collègue. Elle les interprète souvent comme une attaque personnelle.

Face à un conflit, les jeunes travailleurs optent régulièrement pour des stratégies d’évitement : au lieu d’affronter un problème rencontré, certains préfèrent rompre la communication ou alerter directement le service RH afin d’échapper à une confrontation directe. Cette incapacité à réguler sainement ses émotions détruit les relations professionnelles et dégrade fortement la santé mentale.

 

L’immaturité émotionnelle est donc le symptôme d’un mal plus profond au sein de notre société. Si les jeunes ont pour ambition de réinventer le monde du travail, ils devront d’abord apprendre à réguler leurs émotions. Les entreprises ont également un rôle fondamental à jouer pour freiner cette crise silencieuse avant qu’elle ne constitue davantage un problème de santé publique majeur. Plus largement, il est urgent que les mesures annoncées par le gouvernement, pour endiguer ce phénomène de grande ampleur, soient appliquées. Face à ce défi de taille, la responsabilité demeure collective.

 


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