Une gueule, un caractère bien trempé et quelque chose de samouraï chez Gregg Riffi. Retour sur le parcours de ce passionné qui collectionne les records sportifs. Sa signature : aller au bout de ses rêves et de ses peurs.
Fou de sports extrêmes et de sports de glisse du funboard au monoski, Gregg Riffi est aussi un fan de saut de barres rocheuses avec des distances de plus de 35 mètres. Ce compétiteur dans l’âme détient aussi un record du monde de barefoot, une nouvelle discipline sportive venant des Etats-Unis qui consiste à faire du ski nautique… mais sans ski. À ce palmarès, s’ajoutent un record d’apnée en lac ainsi que plus de 1500 sauts de base jump. Des exploits qui ont donné lieu à des partenariats filmogaphiques et publicitaires. Notamment la Fuite de la Glisse, des films pour Ushuaïa ainsi que la campagne Diesel « Only for the brave ».
Les arts martiaux comme ligne directrice
Très tôt, la pratique des arts martiaux le pousse à s’intéresser aux sabres, aux casques, aux armures japonaises du samouraï et à rentrer dans l’âme du japon féodal. Aujourd’hui, Greff Riffi est devenu un spécialiste reconnu en art japonais. Ce passionné s’est constitué au fil du temps une collection majeure exposée actuellement au musée d’art asiatique de Nice et intitulée : « Samouraï, de la guerre à la voie des arts. »
Le hasard d’une rencontre a voulu que j’interviewe Gregg le dompteur sur sa relation au danger et Gregg le collectionneur sur sa vision du samouraï en pensant que les managers en puissance pourraient y puiser une grille de lecture et un enseignement.
Que vous a apporté la pratique du sport extrême ?
« J’appréhende les choses plus facilement. Je me prends moins la tête. Il n’y a que des solutions, toujours en soi, jamais chez les autres. L’extrême devient bouddhisme. On ne s’enferme pas dans les méandres du passé, encore moins dans le futur mais dans la réalité du présent. Du coup, je suis capable d’analyser les situations et les personnes très rapidement, capable de capter une énergie générée par un vécu, capable aussi de décider intuitivement ou instinctivement avec des fulgurances qui ne sont pas de l’ordre du raisonnement.«
Quelle relation entretenez-vous avec la peur ?
« J’ai toujours vécu en harmonie avec la peur. L’engagement doit être total pour vivre avec elle. Flirter avec la peur et le danger, c’est difficile la première fois. Puis à un moment donné, on dépasse le fait que ce soit un acte courageux. Cela devient un mode de vie qui consiste à se libérer de ses pensées pour parvenir à stopper le petit vélo dans sa tête. Ma maxime : » La grandeur du courage libère la folie de l’âme, son extrême limite apporte la sagesse ». Si dans l’extrême, je m’enferme dans la perspective d’une issue fatale, tout mon esprit sera obnubilé et je serai moins disposé à faire ce qu’il faut faire. Cela nécessite une grande pratique. Se battre et se surpasser sans penser : voilà la clé. »
Quelle était la façon de penser des Samouraïs ?
« Leur pensée reposait sur 3 croyances :
Le Shintoïsme, vecteur d’harmonie avec la nature et quête d’amélioration de soi par l’entremise des Kamis : divinités ou esprits du quotidien. Le plus souvent, les kamis sont des éléments de la nature, comme le vent, la pluie, les nuages, mais peuvent être également des animaux. C’est une croyance en la nature et en ses forces créatrices.
Le Boudhisme Zen qui apporte une compréhension de l’existence, une acceptation de la vie, bonne ou mauvaise, mais surtout de la mort. « Vivre quand il faut vivre et mourir quand il faut mourir ». Tel était l’adage des grands Samouraïs. L’un des principes des samouraïs : bien mourir car on ne se lance pas dans des causes perdues. Avant de mourir on écrit un poème. La mort doit être utile. Si je vais au combat c’est pour une bonne raison. Les grands maîtres japonais disent :
« Ce n’est pas parce que l’on ignore les voies de la guerre que l’on est pas un guerrier. Un guerrier doit connaître aussi bien la voie guerrière que la voie des arts. Un érudit peut ouvrir son esprit à la voie guerrière sans faire la guerre. »
Et enfin le confucianisme qui valorise les vertus d’honnêteté, de fidélité et de loyauté. L’importance du respect du père, de la filiation, de la hiérarchie et le lien indéfectible à sa nation. A ceci, s’ajoute le fait que l’évolution de chacun passe par la culture et l’érudition.
Quels conseils donneriez-vous à un manager pour s’approprier les codes des samouraïs ?
Au-delà des sept vertus du Bushido qui sont la droiture, le courage, la bienveillance, la politesse, la sincérité, l’honneur, la loyauté, je leur dirai de :
1. S’attacher à transmettre
« Riche est celui qui sait transmettre, pauvre est celui qui sait tout mais ne dit rien. Le niveau de la transmission du maître doit s’adapter à celui qui est en face de lui. Perpétuer les rites, les codes et le Bushido.»
2. S’inscrire dans le kaizen
« L’amour et la conscience du travail bien fait. Redonner de la valeur et de l’importance au travail effectué. La quête d’excellence passe par une amélioration continue qui doit être accompagnée par l’éducation et la formation. Le Samouraï répète des gestes inlassablement jusqu’à obtenir la perfection de ce même geste. Travailler l’épure, l’ascèse, avec rigueur et discipline pour la beauté. »
3. Donner du respect à celui qui produit et qui travaille
« Respect de soi et respect d’autrui. Le Samouraï dispose d’une forte éthique et respecte son adversaire en toutes circonstances. Ainsi, avant de livrer bataille, le samouraï de haut rang entendait observer un rituel qui consistait à s’avancer vers son ennemi et à se présenter à lui. Les Mongols faisaient acte de barbarie en les transperçant de leurs flèches sans attendre la fin du rite. Malgré ces déconvenues épiques, les samouraïs n’abandonnèrent pas ces codes d’honneur. »
4. Insuffler une conscience d’appartenance : familiale ou clanique
« L’esprit samouraï est celui qui souffle le Bushido* à tout un peuple depuis des millénaires. Le sentiment d’appartenance à une nation, à une entreprise, à un clan, fait que les ordres donnés par la hiérarchie ne sont jamais remis en question. Cette loyauté et cette acceptation ont été par exemple mises en pratique lors de la gestion de la catastrophe de Fukushima avec une obéissance inconditionnelle aux ordres donnés allant jusqu’à l’acceptation de la mort. »
Pour aborder une expérience plus positive de l’esprit samouraï, pensons au redressement inespéré de Nissan à travers son « Nissan revival plan ». Ce projet pourrait s’inspirer de l’esprit Samouraï mis en place par Carlos Ghosn. Le PDG de Renault a exposé publiquement le plan de bataille économique qu’il livrerait en fermant cinq usines et en licenciant 21.000 employés. Puis,l’homme d’affaires a conclu par : « Si je ne réussis pas, je démissionne ». Dans sa déclaration, il a entraîné avec lui ses principaux directeurs dans ce qui aurait pu être une sorte d’ hara kiri ou seppuku du 21ème siècle.
Nous occidentaux, qu’est-ce qui nous éloigne le plus de l’esprit du samouraï ?
« La peur t’empêche d’être un samouraï. Elle t’enferme dans les mauvaises décisions, dans une conscience primaire qui te fait prendre des chemins hasardeux. Elle te fait accepter des compromis et elle crée des conditions psychologiques inhibantes. La peur du résultat, de l’incompétence, de ne pas être au niveau, la peur que l’autre te prenne ta place. Seul le « non penser » t’emmène dans la distanciation et la secondarité et te permet de ne pas te laisser submerger par tes émotions. »
« Une fois que tu vis avec l’acceptation de la mort, alors tu vis pleinement ta vie».
- « Bushido, l’âme du Japon », Inazo Nitobe
- « Le chrysanthème et le sabre », Ruth Benedict
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