Je suis le dirigeant d’une entreprise de 70 collaborateurs, les recrutements sont donc une question d’importance pour moi. En 2003, j’ai créé mon entreprise aux côtés de mon père, deux générations s’unissaient alors, aujourd’hui elles sont 4 à se côtoyer. La valeur attend-t-elle le nombre des années ? Quatre générations cohabitent dans mon entreprise — Baby-boomers, X, Y et Z —, quatre époques, quatre définitions du travail et quatre typologies de management. Disons-le tout net : cette diversité dans le recrutement est un défi.
Rugby, diversité et expérience
« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante » disait George Orwell. Si cette analyse est exacte alors comment s’en sortir ? Comment cohabiter lorsque nos codes culturels, historiques, nos aspirations ne sont pas les mêmes ? Lorsque le digital se résume pour certains au téléphone, au minitel pour d’autre, au Nokia 3210 ou à l’Iphone XR connecté à internet pour les derniers ?
La réponse est pourtant simple, on apprend à discuter, à partager nos idées. A la manière d’une équipe de rugby, on construit avec différentes typologies de joueurs, des vieux briscards avec de l’expérience qui prennent le rôle de mentor, des montagnes pour prendre des coups, des jeunes fougueux, des drôles pour détendre l’atmosphère dans les vestiaires. En bref, on construit un collectif avec les individualités de chacun.
D’ailleurs, si l’on pense à la jeunesse comme une volonté de grandir et d’aller de l’avant, alors elle n’est pas l’apanage des Millennials ni des Z. Sans vouloir paraphraser les marques de cosmétiques : la jeunesse est un état d’esprit. C’est l’innovation et l’appétence pour demain qui est impérative. Une agilité est nécessaire à chaque âge pour se préparer à collaborer avec les personnes qui exerceront les métiers qui n’existent pas encore.
En mars dernier, j’ai fait deux recrutements, deux baby-boomeuses, Marie-Claire et Sophie pour tenir l’accueil de l’entreprise. Nous cherchions des profils empreints de bienveillance et nous sommes tournés vers ces deux mères de familles aux expériences de vie atypiques. C’est l’un des meilleurs recrutements opérés. Loin de se cantonner à un rôle d’apparat, elles ont dynamisé l’ensemble de mes équipes en s’appropriant l’entreprise comme véritables ambassadrices.
Recrutements, le choix de Marie-Claire et Sophie
Leur CV : Marie-Claire étudie l’art à Paris. A 25 ans, elle monte une entreprise, fonde une famille tout en mettant fin à son expérience entrepreneuriale, et passe 24 ans à s’occuper de sa famille avec de forts engagements associatifs à l’étranger et en France. Alors que ses enfants montent à Paris pour étudier, elle trouve un poste à l’accueil d’une université. Cinq ans plus tard, leurs études sont terminées et elle démissionne pour devenir auto entrepreneuse. Elle imagine et créée de ses mains des lampes et des appliques, qu’elle expose et vend. Jamais les deux pieds dans le même sabot.
Sophie quant à elle, est une lyonnaise mère de quatre filles. Elle part au Maroc avec son mari en raison d’une opportunité professionnelle exceptionnelle. Passionnée et créative, elle se forme à la décoration d’intérieur avec une amie. Toutes deux gèrent des chantiers importants pour des restaurants, des maisons et des palais. Sophie se met ensuite à son compte et s’occupe de projets plus petits avant de rentrer en France avec mille idées et autant de projets à construire…
Avec ces recrutements, nous sommes au-delà de ce que nous escomptions. . L’une de mes collaboratrices a résumé ces deux personnalités à merveille : « Vous avez adopté 70 enfants en nous rejoignant ». C’est en effet ce qu’il s’est passé. Elles sont entrées dans une « relation maternelle avec nous sans être moralisatrices ». Elles apprennent en permanence des autres avec bienveillance pour mieux consolider le collectif et en savent probablement plus que moi sur leurs collègues. Elles conseillent, aident, écoutent, enchaînent les traits d’esprit.
Nos recrutements sont nos Ambassadrices et intrapreuneuses
Elles sont devenues les ambassadrices de l’entreprise, la première image et la dernière que voient les clients. Sans le savoir, elles ont intégré de manière complète notre philosophie et elles la transmettent à tous nos visiteurs. Nous sommes des aménageurs de bureaux prônant le changement de l’espace et un management plus horizontal afin de développer la créativité ; et Marie-Claire comme Sophie ont compris que les entreprises avaient, et allaient changer, pour devenir des lieux à mi-chemin entre sa propre maison et un hôtel, proposant des services aux collaborateurs pour qu’ils se sentent comme à la maison.
Des opportunités de marchés sont déjà là grâce à elles, et d’autres changements plus profonds ont même pris place. Ces intrapreneuses nous ont proposé de faire des déjeuner d’affaire dans nos locaux en étant derrière les pianos et fourneaux plutôt que dans des restaurants impersonnels. Elles prennent part aux actions qui dessinent notre avenir
La prise de conscience a donc été profonde pour moi. Nombre sont les entreprises à appeler à la « disruption » et à penser qu’elle se trouve dans la jeunesse. C’est parfois le cas et parfois non. La raison est simple : ce n’est pas l’âge qui est le critère discriminant. Nous pouvons dresser des tendances statistiques dans les générations, elles sont utiles pour recruter mais ne doivent pas virer au dogmatisme.
Car à dire vrai, je n’ai jamais rencontré de statistique en personne : les parcours des gens sont uniques, qu’importe notre volonté de leur imposer des cases.
Il y avait un besoin… Elles y répondent avec brio.
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