Travail | Une enquête conjointe de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) et du Think thank Tera Nova souligne que le rapport au labeur des moins de 30 ans est quasi-similaire à celui de leurs aînés.
Certaines idées reçues ont la vie plus dure que d’autres. Difficile d’avoir échappé à celle-ci : la jeune génération serait moins investie au travail, voire ne voudrait plus travailler. Une étude conjointe de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) et du think thank Tera Nova, publiée jeudi 1er février, balaie ce stéréotype. Selon ses conclusions, le rapport au labeur des moins de 30 ans est quasi-similaire à celui de leurs aînés.
L’enquête, basée sur les réponses de plus de 3 000 jeunes actifs de moins de 30 ans et plus de 2 000 actifs de 30 à 65 ans, démontre que la nouvelle génération accorde au moins autant d’importance au travail que leurs ainés : 47% le jugent plus ou aussi important que les autres pans de la vie, soit un chiffre similaire aux 30-44 ans, au-dessus des plus de 45 ans (36%).
Dans le détail, les ainés et les jeunes partagent le même top 3 sur « leurs attentes fondamentales envers le travail ». La rémunération arrive en premier, suivie de près par l’intérêt du travail. L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle complète le podium. Souvent perçu comme central pour la jeune génération, 34% des 18-29 ans le citent dans leurs priorités principales, contre 45% pour les 45-65 ans. À contre-pied de la perception au sein de l’opinion publique.
Six profils établis
Autre point, sur lequel l’impression générale apparaît biaisée : le rapport à l’autorité. Seul 3% des 18-29 ans estiment « avoir du mal à accepter que (leur) hiérarchie (leur) dise ce qu’il faut faire », alors qu’ils sont plus du double chez les 45-65 ans (8%). Les jeunes actifs sont également aussi nombreux que les plus âgés à faire confiance aux différents acteurs de l’entreprise.
« L’âge n’est pas la principale variable, observe Marion Desreumaux, cheffe de projets études à l’Apec. Le rapport au travail est déterminé par la qualité de l’emploi. » L’étude a identifié six profils distincts parmi les 18-29 ans, en tenant compte de leur origine sociale et des postes occupés. Plus d’un jeune sur deux appartient aux catégories des « ambitieux » (39%) et des « satisfaits » (14%). Leur perception du travail est globalement positive, et la plupart d’entre eux occupent des postes de cadres.
Un cinquième des jeunes actifs est répertorié comme « combattif », des personnes « peu épanouis professionnellement » qui « aspirent à prendre une revanche sociale par le travail ». Le reste se divise entre « découragés » (10 %) – ceux considérant l’activité principalement comme une « nécessité, voire une contrainte ». Il y a également les « attentistes » (11 %) et les « distanciés » (6 %), pour qui le travail est lié à l’idée de « routine ».
On retrouve également des profils similaires chez les plus âgés. Même si «les « ambitieux » et les « combatifs » sont surreprésentés chez les plus jeunes, ceux-ci ayant de meilleures perspectives d’évolution », souligne Marion Desreumaux.
Stéréotypes tenaces
Reste que 93 % des managers (de tous âges) interrogés considèrent que les jeunes ont un rapport au travail « différent de celui de leurs aînés ». Un phénomène loin d’être nouveau. En 1972, une enquête menée par des chercheurs du Centre d’études de l’emploi et du travail rapportait déjà que les employeurs se plaignaient de ne plus trouver « les qualités d’amour du travail, d’ambition et de sérieux qui, à les en croire, caractérisaient les générations précédentes ». Si les sciences sociales ont depuis essayé de tordre le cou à ces stéréotypes, ils apparaissent tenaces… Voire renforcés par la pandémie de Covid-19, qui aurait entraîné une rupture dans le rapport au travail de la jeune génération. « Est-ce que les phénomènes que l’on croient déceler chez les jeunes, et qui son réels pour certains, ne concertent que les jeunes ?, interrogeait le sociologue Camille Peugny dans l’émission Le Temps du débat, diffusé sur France Culture en décembre dernier. Souvent, on s’aperçoit que le phénomène est plus large. »
Comment expliquer alors que la jeune génération apparaît pointée du doigt ? Marie Desreumaux évoque une potentielle plus grande « caisse de résonance pour cette génération avec notamment l’utilisation des réseaux sociaux ». Ces dernières années, alors que le concept de « grande démission » infusait dans le débat public, de nombreux jeunes – la plupart américains -, avaient décidé de se filmer en train de quitter leur poste.
Pour la cheffe de projet, il est nécessaire de combattre ces préjugés car « ils ont une capacité à impacter la manière dont la nouvelle génération est traitée en entreprise. » Et d’ajouter : « Ces représentations ont toujours une résonance auprès des managers, cela peut avoir une incidence pour cette catégorie, notamment au moment du choix du candidat. »
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