La technologie, et en particulier les nouvelles applications de communication et de collaboration, permet de rendre tout temps mort productif. Pourtant, la productivité elle-même est de plus en plus questionnée en entreprise, du fait des open spaces, de la multiplicité des réunions, ou du mauvais usage des applications de communication (email, vidéoconférence, messageries instantanées, médias sociaux etc.). Ces phénomènes sont-ils annonciateurs d’une mutation de l’entreprise vers une entité plus productive, mais sans salariés, sans bureaux fixe ?
Le temps mort rentabilisé
Le temps de travail évolue, il s’étend aussi. Il est aujourd’hui possible de travailler où que l’on soit : à son domicile, dans les transports, dans des tiers lieux ou au bureau. Ce dernier se transforme lui aussi, souvent pour des raisons économiques (rationalisation du m2, baisse des charges) et aussi pour favoriser l’échange, la communication entre les collaborateurs, notamment avec des espaces de convivialités ou de jeux. Pourtant, ces efforts autour de la redéfinition de la digital workplace vont parfois à l’encontre de l’objectif visé.
L’utopie de l’open space
L’open space est devenu le lieu de la fragmentation du temps de travail par excellence. Entre la multiplication des sollicitations via des outils de communication mal utilisés, la mauvaise gestion du bruit et les interruptions des collègues, l’architecture ouverte devient contre-productive. L’open space ne favorise d’ailleurs pas plus l’interaction face à face. Une étude récente* démontre qu’après la refonte de leurs bureaux, les participants à cette étude, ont envoyé 56% de courriers électroniques supplémentaires ; leur utilisation des messages instantanés a, elle, augmenté de 67%. Les participants ne semblent pas adhérer à cette stratégie de la transparence dans l’espace de travail (une version moderne du panoptique des frères Bentham). En fait, favoriser l’épanouissement du salarié pour améliorer sa productivité, ce n’est pas l’enfermer dans une cage dorée où les friandises sont à volonté, avec à disposition des sofas, des baby-foot, etc. Libérer le salarié, c’est lui permettre de travailler en autonomie avec des outils adaptés à la collaboration avec ses collègues et ses clients.
La collaboration n’est pas le collectif
La collaboration, ce n’est pas multiplier les réunions, les séminaires ou les séances de brainstorming, ce n’est pas non plus organiser des jeux en équipe pour essayer de souder les équipes. A ce titre les auteurs** de La comédie (in)humaine nous implorent « …de laisser les collaborateurs se concentrer, seuls, dans un bureau (…) au service du projet commun». Un constat tristement coûteux : une enquête réalisée par Opinium*** nous apprend que les entreprises françaises perdent en moyenne 9 000 € par salarié chaque année, du fait d’une collaboration et d’une communication inefficaces (pratiquement 14 % du temps de travail étant gaspillé). Les plateformes et applications disparates rendent effectivement complexes l’utilisation de la messagerie instantanée. Les réunions (face à face) se révèlent être dans le même temps considérées comme le moyen le moins efficace de collaborer avec un temps perdu estimé de l’ordre de 26%. L’organisation de l’espace de travail n’est donc pas la seule fautive, la structure même de l’entreprise est aussi remise en cause.
La fin du modèle traditionnel
L’impasse des tentatives de redéfinition des espaces de travail en entreprise, comme l’open space ou le flex office, annonce-t-elle un nouveau modèle ? Certains auteurs prédisent que les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle disrupteront l’entreprise telle qu’on la connaît sous sa forme actuelle. Avec l’émergence d’un travail indépendant (freelance) et sa fin annoncée, l’entreprise sera-t-elle plus productive, plus collaborative ? Bien sûr les modèles d’organisation préconisés engagent à moins de silos, promettent plus d’agilité, mais quid de la collaboration ? Pour autant, l’entreprise n’a pas disparu sous sa forme actuelle et le travail indépendant n’est pas encore devenu la règle. Dans l’intervalle, l’entreprise doit repenser la diversité de ses espaces de travail (incluant le télétravail) et surtout éduquer à l’usage des outils de communication et de collaboration.
Notes:
* BERNSTEIN, ES. ; TURBAN, S. The impact of the ‘open’ workspace on human collaboration, The Royal Society, July 2018.
** BOUZOU, N. ; DE FUNES, J. 2018. La comédie (in)humaine, L’Observatoire.
*** Enquête Opinium pour Mitel – Productivité au travail et technologies de communication – 2017 – 900 répondants en Amérique du Nord et en Europe.
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