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“Pretty privilege” : un biais esthétique qui (dés)avantage !

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"Pretty privilege" : un biais esthétique qui (dés)avantage !

Le “Pretty privilege” ou « privilège de la beauté » fait référence aux avantages dont bénéficient les personnes considérées comme attirantes dans différents domaines dont le milieu professionnel. En entreprise, ce biais esthétique mérite une attention particulière car il interroge sur nos pratiques de recrutement, de management et de gestion des talents.

Une contribution de Céline Jager, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi

 

Un phénomène réel et quantifiable

 


Il ne s’agit pas seulement d’un fantasme ou d’une simple impression. L’attractivité physique peut influencer positivement un recrutement, l’évolution de carrière et même les salaires. Des travaux de l’Université de Chicago ont révélé que les employeurs attribuent inconsciemment des qualités comme la compétence, la confiance ou la sociabilité aux candidat(e)s séduisant(e)s, même sans preuve tangible. À l’inverse, celles et ceux qui ne correspondent pas aux standards de beauté dominants peuvent être pénalisés, souvent sans que personne ne s’en rende compte. Ce biais, ancré dans notre inconscient et nos perceptions culturelles, échappe trop souvent aux radars des processus RH, pourtant censés garantir l’équité.

Le “Pretty privilege” prend toute sa place dans cette époque qui privilégie parfois trop la forme sur le fond. Selon une étude récente de Standout CV aux US, 81,3 % des professionnels interrogés pensent que les personnes traditionnellement attirantes ont plus de chances d’être promues, embauchées ou augmentées. Et ce n’est pas seulement la beauté naturelle qui compte : 83,4 % des sondés estiment que les personnes qui investissent davantage dans leur apparence au travail sont perçues comme plus compétentes ou professionnelles…

 

Un impact au quotidien

 

Ce biais dépasse largement le cadre du recrutement. Il se retrouve dans les relations au quotidien : un manager à l’apparence soignée inspire plus facilement confiance ; un collaborateur jugé “charismatique” est souvent perçu comme plus compétent. Dans les métiers exposés (vente, communication, événementiel…), l’image peut devenir un critère implicite de performance au détriment des compétences réelles. Chez les femmes notamment, la pression est plus forte : l’apparence devient parfois une norme implicite du professionnalisme. Un maquillage soigné, une tenue bien choisie, une coupe de cheveux impeccable… autant de détails qui peuvent, à tort, peser dans la balance.

 

Des conséquences non négligeables

 

Ce biais peut générer de nombreux effets négatifs :

• Il crée un déséquilibre de pouvoir, en particulier pour les femmes, pouvant favoriser des comportements déplacés (objectification, harcèlement, voire coercition).

• Il fausse les décisions RH en valorisant l’apparence au détriment des compétences réelles.

• Il entretient un environnement professionnel où la méritocratie est fragilisée, voire remise en question.

 

Et si on changeait de grille de lecture

 

Le privilège de la beauté n’est pas une fatalité, mais un miroir de nos propres limites. En tant que professionnels RH, notre mission est de bâtir des environnements où la valeur d’une personne repose sur ce qu’elle fait, et non sur ce qu’elle semble être. Dans un monde du travail en quête de sens et d’authenticité, dépasser ce biais est une étape nécessaire pour construire des équipes réellement performantes et justes. Il est essentiel de sensibiliser à ce phénomène et de mettre en place des mesures pour lutter contre la discrimination fondée sur l’apparence. Ce privilège traduit surtout des biais ancrés dans notre inconscient collectif. En tant que professionnel(le)s des ressources humaines, nous avons un rôle central à jouer pour faire évoluer les pratiques.

Voici quelques leviers concrets à mettre en œuvre :

• Sensibiliser les recruteurs et les managers aux biais cognitifs, via des formations ou ateliers.

• Structurer les entretiens autour de critères objectifs et factuels (grilles d’évaluation, tests techniques, mise en situation).

• Mettre en place des démarches inclusives, valorisant toutes les formes de diversité – y compris physique.

• Adopter des politiques de recrutement et de promotion fondées sur les compétences, l’expérience et la valeur ajoutée réelle.

 

Le “Pretty Privilege” est le symptôme silencieux d’un monde professionnel qui confond parfois apparence et compétence. Le talent ne se lit pas sur un visage, mais dans l’impact, l’engagement et la compétence. À nous, RH, managers, dirigeants, de poser un regard plus juste. Parce que la vraie performance n’a pas de visage type.

 


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