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Pourquoi les entreprises peinent-elles encore à former leurs équipes au travail à distance ?

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Pourquoi les entreprises peinent-elles encore à former leurs équipes au travail à distance ? Getty Images

Le travail à distance reste une tendance forte du monde professionnel. D’après Robert Half, 15 % des nouvelles offres d’emploi seront entièrement à distance d’ici fin 2024, et 23 % proposeront un mode hybride. Pourtant, la plupart des entreprises continuent de négliger la préparation de leurs équipes à ces nouvelles façons de travailler.

 

Beaucoup partent du principe que si un collaborateur sait faire son travail en présentiel, il saura le faire sur Zoom. Mais après avoir animé des milliers de cours en ligne, je peux l’affirmer : le travail à distance ne s’improvise pas. Il demande des routines spécifiques, une communication plus rigoureuse et une capacité accrue à se gérer soi-même. Sans accompagnement, les salariés risquent de sombrer dans la confusion, le « faux » productivisme et le désengagement. Si les entreprises veulent que le travail virtuel dure, elles doivent arrêter de le voir comme un simple avantage – et commencer à le traiter comme une véritable compétence à développer.

 

Former au travail à distance : par où commencer ?

Dans mes cours, j’ai toujours constaté que la clé du succès repose sur la structure. Quand les attentes sont claires, que les étudiants savent comment organiser leur temps et ce qu’on attend d’eux, tout fonctionne mieux. C’est exactement ce dont les salariés ont besoin – sauf que, bien souvent, ils doivent naviguer seuls.

Dans le monde du travail à distance, beaucoup arrivent en réunion sans s’être préparés, découvrent l’ordre du jour en direct et ignorent ce qu’ils sont censés apporter. Dans mes formations, j’apprends aux étudiants à ne pas se contenter d’assister à une discussion, mais à y participer activement. Ils apprennent à réfléchir en amont aux sujets, à anticiper le déroulé des échanges et à ajuster leur posture selon le contexte.

C’est ce même état d’esprit qu’il faut cultiver chez les salariés, d’autant plus en virtuel où les réunions sont plus courtes, l’attention plus volatile, et les malentendus plus fréquents. Une simple habitude de cinq minutes de préparation peut éviter une demi-heure de flottement ensuite.

 

L’importance pour les équipes à distance d’adopter une charte de travail

L’un des premiers réflexes à adopter lorsqu’on collabore à distance, c’est de poser un cadre clair. Dans mes cours, j’insiste dès le départ auprès des étudiants sur l’importance de créer une charte d’équipe. Sans cela, les malentendus s’accumulent : charge de travail mal répartie, retards, rôles flous. Et ce qui est vrai dans un groupe d’étudiants l’est tout autant dans le monde professionnel.

Une charte bien pensée définit les responsabilités de chacun, les disponibilités, les délais de réponse attendus, le mode de prise de décision, les canaux de communication privilégiés ainsi que la façon dont les urgences ou les désaccords doivent être gérés. Elle précise aussi comment réagir lorsqu’un membre d’équipe ne répond plus, ou si une décision rapide nécessite un retour collectif.

Sur le papier, cela peut sembler bureaucratique. En réalité, c’est un gain de temps considérable : en l’absence des interactions naturelles qu’offre un espace de travail physique, les équipes virtuelles ont tout intérêt à établir ce type d’accord pour rester alignées et efficaces.

 

Comment gagner en efficacité dans les communications virtuelles

Dans un environnement de travail en ligne, des messages flous ou imprécis peuvent rapidement se traduire par des retards. C’est pourquoi j’apprends à mes étudiants à rédiger de manière claire, soignée et à poser des questions ciblées. Ces compétences sont tout aussi essentielles en entreprise.

Les équipes à distance ont besoin de repères concrets : quel canal utiliser — e-mail, messagerie instantanée, visioconférence — selon le contexte ? Quel délai de réponse est attendu ? Quand est-il acceptable de désactiver les notifications ? Trop souvent, j’ai vu des responsables envoyer des SMS pour des questions mineures, aussitôt perçus comme urgents par leurs collaborateurs. D’où l’importance de fixer, dès le départ, les règles du jeu.

Clarifier les niveaux d’urgence et les usages propres à chaque outil de communication permet de limiter les interruptions et de protéger le temps consacré au travail de fond. À défaut, chacun agit dans l’urgence perçue, au détriment des priorités réelles.

 

L’importance d’enseigner la gestion du temps aux travailleurs à distance

Travailler depuis chez soi supprime certaines barrières physiques, mais complique la gestion du temps. Dans mon expérience, la principale difficulté des étudiants n’est pas tant la motivation que la capacité à s’organiser. Ils peinent à établir des priorités, à décomposer les tâches complexes en étapes simples et à séparer leur travail de leurs responsabilités personnelles.

Les télétravailleurs rencontrent les mêmes obstacles. Les entreprises peuvent les soutenir en leur offrant des formations sur la gestion du temps : comment planifier, comment bloquer des créneaux pour des tâches spécifiques, et surtout, comment repérer les signes de surcharge. À défaut, les employés risquent de s’épuiser ou de manquer d’implication, n’ayant pas les repères visuels et sociaux des bureaux traditionnels pour gérer leurs priorités.

 

Ce que la maîtrise des outils implique réellement en télétravail

Il est souvent tentant de penser que savoir se connecter à une plateforme suffit à la maîtriser. Pourtant, de nombreuses personnes passent plus de temps à naviguer dans des outils comme Slack, Teams ou Asana qu’à accomplir leur tâche principale.

J’ai pu l’observer avec mes étudiants : sans une explication claire de la façon dont ces outils servent les objectifs du cours, ils se retrouvent perdus. En entreprise, il en va de même. Les employés ont besoin d’exemples concrets, de modèles à suivre, de repères sur les informations à marquer et sur l’endroit où les décisions sont prises, bien au-delà d’un simple manuel d’utilisation.

 

Pourquoi la pensée critique est indispensable pour travailler virtuellement

Parmi les compétences essentielles souvent négligées dans le travail virtuel, la pensée critique joue un rôle clé. Dans mes cours, il m’arrive souvent de voir des étudiants répondre sans vraiment comprendre la question. Ils se contentent de répéter ce qu’ils ont lu, sans reformuler ni réfléchir, ce qui crée un fossé dans leur compréhension.

J’enseigne la paraphrase comme un outil clé de réflexion : si vous ne pouvez pas reformuler un concept avec vos propres mots, c’est que vous ne l’avez pas vraiment saisi. Sur le lieu de travail, cela vaut aussi. Les réponses basées sur des phrases toutes faites ou des résumés non compris mènent à des erreurs d’alignement et à des décisions superficielles.

Le travail à distance exige des capacités de réflexion solides. Avec le temps de présence limité, il devient crucial de s’exprimer clairement, d’apporter des contributions réfléchies et de poser des questions pertinentes. La curiosité et la réflexion prennent d’autant plus d’importance lorsqu’il n’y a pas de retour immédiat de la part des collègues.

 

Ce que le « Mouse Jiggler » révèle sur la gestion du travail à distance

L’essor du « Mouse Jiggler » illustre parfaitement la manière dont une culture virtuelle défaillante pousse certains à simuler l’activité. Ces petits dispositifs, qui maintiennent l’ordinateur actif pour donner l’illusion de travail, sont une version moderne de l’« activité simulée ».

Lorsque les employés sont jugés sur leur présence en ligne plutôt que sur les résultats concrets, ils se concentrent davantage sur l’apparence de l’activité que sur l’accomplissement des tâches. Résultat : des réunions organisées pour faire bonne figure, des documents inutilement surchargés, et des progrès réels qui se ralentissent. Pour changer cela, les entreprises doivent évoluer du simple contrôle du temps à une véritable évaluation de la valeur ajoutée. Cela passe par des attentes claires et une culture qui valorise les contributions substantielles, et non uniquement la réactivité.

 

Pourquoi le travail à distance n’est pas vécu de la même manière par tout le monde

La flexibilité est souvent vantée comme l’un des principaux avantages du travail à distance, mais son expérience varie grandement selon les individus. Par exemple, beaucoup de femmes se sont dites frustrées par l’attente de toujours être apprêtées devant la caméra. Pour certaines, cela signifie une heure de coiffure et de maquillage, et non un simple changement de chemise avant un appel.

Lorsque des réunions de dernière minute sont ajoutées puis annulées, ce n’est pas qu’un créneau perdu, mais le temps de préparation qui est en grande partie gaspillé. Si le travail à distance est censé favoriser équilibre et flexibilité, les entreprises doivent en tenir compte en réévaluant le moment où les caméras sont nécessaires et en offrant un meilleur délai pour les réunions vidéo.

 

Pourquoi les entreprises sous-estiment-elles l’importance de former leurs employés aux compétences du travail à distance ?

La réponse se trouve en grande partie dans les habitudes. De nombreux dirigeants estiment que les employés s’adapteront naturellement au travail virtuel, tout comme ils se sont adaptés à la vie de bureau. D’autres sous-estiment la structure nécessaire pour que le travail à distance soit efficace. Enfin, certains ne réalisent pas les coûts liés à l’absence de préparation, comme les retards, le manque de clarté sur les rôles et l’engagement réduit des équipes. Ignorer le problème ne le résout pas, au contraire, cela complique sa gestion lorsque les conséquences se manifestent.

 

Le travail à distance doit être perçu comme une compétence à enseigner

Les entreprises possèdent déjà des manuels destinés à leurs employés, mais il reste à savoir si ceux-ci correspondent à la manière dont le travail à distance se pratique aujourd’hui. Si les organisations prévoient que le travail à distance et hybride fasse partie de leur stratégie à long terme, il est temps de réviser les politiques existantes. En intégrant des éléments tels que les normes de communication, les attentes pour les réunions, les chartes d’équipe et les pratiques de pensée critique, on fournit aux employés les outils nécessaires pour réussir sans qu’ils aient à deviner. Le travail virtuel peut être réfléchi, productif et pérenne, à condition que les fondations soient solidement établies.

 

Une contribution de Diane Hamilton pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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