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Pourquoi la médiocrité managériale gangrène nos entreprises ?

Le management est malheureusement devenu le point faible de nombreuses entreprises. Non pas par manque de volonté des hommes ou des femmes, mais par manque d’investissement et par la persistance de modèles de leadership obsolètes. L’enjeu est pourtant fondamental : les entreprises qui veulent réussir demain doivent impérativement repenser la façon dont elles considèrent leurs managers aujourd’hui.

Une contribution d’Alexandre Imbeaux, Directeur de la gamme Talent chez Lucca

 

Manager, un investissement négligé aux détriment du futur

Aujourd’hui, l’idée qu’un bon manager n’est pas immédiatement rentable est un obstacle majeur. Pour beaucoup d’entreprises, former un manager est une dépense qui n’offre pas de retour sur investissement immédiat. Cette vision court termiste amorce une véritable bombe à retardement. 

Le manager est la courroie qui relie la stratégie d’une entreprise à la réalité quotidienne de ses équipes. Un bon manager inspire, motive et définit le cadre pour que les équipes atteignent leurs objectifs. Cette fonction managériale peut littéralement transformer une entreprise. Une étude de McKinsey a montré que les entreprises qui investissent significativement dans le développement managérial sont 2,5 fois plus susceptibles de surpasser leurs objectifs de performance financière à long terme. Faire l’économie de cet investissement, c’est se priver d’une ressource clé pour la survie présente et la prospérité future. Cela va bien au-delà du simple fait de donner des consignes : c’est créer un environnement de travail où les collaborateurs se sentent considérés pour leur qualités, développés continuellement et motivés à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Ce manque d’investissement sur le rôle clé du manager vient également de cultures d’entreprise souvent trop concentrées sur des indicateurs financiers à court terme. Combien de fois les entreprises négligent-elles la formation continue des managers en période de restrictions budgétaires ? Trop souvent, le manager est perçu comme un exécutant, et non comme un atout stratégique pour la croissance future. Pour inverser cette tendance, les entreprises doivent adopter une vision de long terme et intégrer dans leurs stratégies d’investissement le développement de leurs leaders comme de leurs managers intermédiaires.

Les jeunes générations ne rejettent pas le management, ils veulent le réinventer

Une autre idée communément admise dans le monde de l’entreprise est que (chuchoté d’un air entendu) « les jeunes générations ne veulent plus être managers ». C’est faux. Ils ne rejettent pas la responsabilité managériale, mais bien le modèle « command and control », un système archaïque qui étouffe la créativité et l’initiative. 

Ce que veulent ces jeunes, c’est contribuer à la réussite de leurs équipes sans recourir à des méthodes autoritaires qui ne fonctionnent plus dans un marché du travail ouvert et globalisé. Selon une enquête de Deloitte réalisée en 2024, 65% des jeunes actifs affirment vouloir prendre des rôles de leadership à condition de pouvoir privilégier la collaboration et la responsabilisation, plutôt que le contrôle autoritaire. Cette donnée montre une volonté non seulement de prendre les responsabilités qui incombent aux managers, mais aussi de le faire en cohérence avec les attentes des travailleurs aujourd’hui. 

En rejetant le modèle de management classique, les jeunes ne rejettent pas l’idée même du management. Ils rejettent l’approche autoritaire, celle qui ne laisse aucune place à l’écoute et à l’autonomie. Et c’est une excellente nouvelle, car cela veut dire qu’ils sont prêts à devenir des leaders différents, à l’image de ce que le monde du travail exige aujourd’hui : des figures inspirantes ou a minima entrainantes, pas des commandants. Plus vite les entreprises s’adapteront, plus elles attireront, engageront et retiendront des talents adaptés aux défis de demain.

Le mythe du « leadership bullshit » : l’injonction à être surhumain

L’un des obstacles au bon management est aussi lié à la surcharge des attentes. 58% des managers se disent en détresse à cause de la pression d’incarner des idéaux inaccessibles (Gallup, 2023).

Le « leadership bullshit », c’est ce phénomène où l’on vend aux managers l’idée qu’ils doivent être une sorte de super-héros capable de tout comprendre, de tout anticiper, et de tout gérer de manière parfaite. Cette injonction permanente à l’excellence est tout autant irréaliste que destructrice. Ces formations sur le leadership inspirant ou la maîtrise des soft skills à un niveau quasi-spirituel font beaucoup de mal. Elles alimentent l’idée qu’un manager doit être exceptionnel en tout. Ces exigences conduisent à des situations où les managers finissent par ressentir un profond décalage entre ce qu’on attend d’eux et ce qu’ils peuvent réellement accomplir. 

Loin de les aider, ces programmes les mènent souvent à un sentiment de dévalorisation et à une perte de sens de leur mission. En fin de compte, être manager ne devrait pas être synonyme d’être un « gourou du développement personnel », mais plutôt de quelqu’un qui sait accompagner son équipe, écouter, trancher quand il le faut, et surtout, faire grandir. 

La médiocrité naît du manque d’investissement

Pour en arriver là, les entreprises doivent aussi reconnaître que manager est un métier qui nécessite des moyens. Beaucoup d’entreprises économisent sur les ressources destinées aux managers, que ce soit en formation, en accompagnement personnalisé, ou même en support au quotidien. 

Selon notre dernier baromètre, 73% des salariés pensent devoir développer de nouvelles compétences, mais seulement 20% abordent ce sujet avec leur manager. Ce sous-investissement est la source de la médiocrité managériale.

Des managers mal formés, laissés à eux-mêmes, ne peuvent pas réussir. Pourtant, la performance d’une entreprise est directement corrélée à la qualité de son encadrement. Ne pas investir dans les managers, c’est laisser tous les collaborateurs de l’entreprise stagner. Cet investissement est bien inférieur aux coûts qu’ont les conséquences d’un management médiocre : turnover, désengagement, dégradation des résultats et de la réputation.

Face à ce constat, les entreprises doivent faire preuve de courage et investir dans la formation et le développement de leurs managers pour faire en sorte d’élever le niveau de ses leaders. Si nous investissons dans nos managers aujourd’hui, nous créons l’avenir d’une sphère économique plus durable et plus humaine. Et surtout, nous mettrons enfin un terme à cette médiocrité managériale trop bien ancrée en France.


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