Rechercher

« Plus L’Entreprise Est Grande, Moins Les Managers Savent Décider »

Alors que le forum économique de Davos démarre aujourd’hui 23 janvier, Olivier Grapin, co-directeur du cabinet de management de transition MPI Executive, dévoile une étude demandée à l’Ifop («Baromètre Decision ») sur le thème « votre manager sait-il décider ? ». 

Qu’est ce qui vous a conduit à commander cette étude ?

Spécialisés dans le management de transition, nous avons souvent observé des dysfonctionnements dans la relation manager-décideur. Il y avait peu d’études sur cette problématique et nous avons souhaité en réaliser une, de façon à alerter les entreprises sur une problématique réelle et lourde de conséquences. Dès aujourd’hui, tous les plus grands décideurs et managers se retrouvent à Davos : c’était pour nous le moment opportun de publier cette étude pour souligner combien il existe des dysfonctionnements dans cette relation « manager-décideur » qui nuisent aux entreprises.

Qu’est ce qui vous a frappé le plus dans ce Baromètre Décision ?

Que les grandes organisations ne savent pas – ou pire, ne veulent pas – former et promouvoir des « décideurs » plutôt que des managers. Elles semblent prises entre le marteau et l’enclume : d’un côté, la dureté du contexte business justifie une logique de contrôle renforcé. De l’autre, l’accélération du monde et de l’incertitude leur intime d’adopter un mode de décision plus agile, rapide, déconcentré. Où faut-il placer le curseur ? Les entreprises n’ont pas (toutes) su trouver le point d’équilibre, et continuent de promouvoir des managers qui ne sont pas des décideurs, qui n’ont pas le discernement nécessaire face à des situations imprévues ou l’aptitude à prendre des décisions courageuses.

Autre enseignement marquant : la quantité inquiétante de managers qui, à en croire les salariés, préfèrent ne pas décider et « se planquent » en cas de difficulté. Cela engendre un risque opérationnel évident, mais pas seulement. Les grands groupes compromettent aussi leur attractivité auprès des jeunes candidats à fort potentiel, qui sont davantage séduits par les cultures des Tech Companies, fondée sur l’agilité et la prise de décision rapide.

C’est pourquoi les entreprises doivent s’efforcer de promouvoir leurs « chefs » selon un critère simple : la capacité à prendre des décisions dans un contexte difficile ou complexe.

L’étude montre que « plus l’entreprise est grande, moins les managers savent décider » : pouvez-vous commenter ?

Tout se passe comme si la capacité à décider se raréfiait à mesure que l’entreprise grandit. Si 37% des collaborateurs de TPE estiment que leur supérieur « sait tout à fait prendre des décisions », le chiffre tombe à 33 % dans les PME… et à 25 % dans les grands groupes. Et pour cause : selon les salariés interrogés par l’Ifop, dans les grandes entreprises, les managers ne sont pas promus en fonction de leur capacité à décider, en tous cas beaucoup moins que dans les TPE et PME : 54% des salariés de grands groupes estiment que leurs managers « ne sont pas choisis pour leur aptitude à décider », c’est 44 % dans les sociétés de 50 à 500 salariés, 40 % dans les PME et 31 % « seulement » dans les TPE (moins de 10 salariés).

Quelles réflexions en tirez-vous ?

Manager veut aussi dire décider. Les entreprises sont organisées pour éviter le chaos. Une petite structure a souvent plus d’agilité et de réactivité. Une grande entreprise est sur un marché qu’elle connait, avec des investisseurs qui demandent une régularité… C’est très organisé, structuré et régularisé. La contre partie est qu’il y a peu d’audace pour prendre des décisions et s’imposer. Les grandes entreprises sont organisées pour assurer leur stabilité et parfois cela nuit à l’audace et à la prise de risques.

« La fonction publique est le secteur qui manque le plus de décideurs » : que révèle l’étude ?

En effet, les métiers de services, et plus encore la fonction publique, manquent de décideurs. Les métiers proches de la production, réputés pour leur culture terrain, semblent « fabriquer » davantage de managers-décideurs que les autres : les salariés du BTP (41%) et de l’industrie (37%) sont plus nombreux que ceux des entreprises de services (30%) à considérer que leur supérieur « sait tout à fait prendre des décisions ».

A l’autre bout du spectre, on trouve la fonction publique : seuls 25% des fonctionnaires jugent que leur supérieur sait vraiment décider. Un résultat logique si l’on considère que la fonction publique tend naturellement à minimiser le risque d’arbitraire, et donc le périmètre des décisions individuelles, mais qui pose néanmoins question à l’heure où l’on exige des administrations davantage d’agilité et de réactivité.

D’après ce Baromètre, quelles sont vos observations sur la relation « manager-décideur » ?

J’y vois que les salariés attendent d’un manager qu’il soit plus un coach et un gestionnaire des relations humaines, qu’un décideur. Ils cherchent l’harmonie et l‘accompagnement, plus que des décideurs qui tranchent.

En général, un manager est en relation avec la gestion des personnes et des ressources. Un décideur est un gestionnaire de situation qui va débloquer l’entreprise d’une situation paralysante. C’est une personne qui va analyser, poser les options qui se présentent et trancher. Or l’étude montre que ces deux profils ne se chevauchent pas forcément. La taille de l’entreprise et le secteur d’activité influencent également sur la manière dont on perçoit le manager et le décideur.

J’observe aussi une distance entre manager et décideur. On attend généralement d’un manager qu’il puisse prendre des décisions. Ce qui ne semble pas le cas. Il y aurait une tendance à dire que le manager est un « animateur » et que la gestion de situation reste propre au décideur. Or quand on voit les efforts d’adaptation que doit faire une entreprise sur ses choix au quotidien et sur sa manière de fonctionner, il faut se poser des questions pour gérer des décisions. Pour cela, il vaut mieux être entrepreneur dans l’âme, avoir le courage d’aller de l’avant et de casser les barrières pour poser  les règles d’une entreprise bien structurée.

 

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC