À l’ère où le traitement médiatique des résultats de l’enquête PISA 2022 se focalise sur la chute « sans précédent » des performances des élèves français, il est crucial de prendre du recul pour explorer ce que cette enquête et notamment le volume II traitant du thème « Apprendre pendant – et à partir de – la perturbation », nous révèle, afin de préparer au mieux les élèves français aux défis du XXIe siècle.
Par Solenne Bocquillon-Le Goaziou
PISA et l’école française : une évaluation au-delà des notes, dans le contexte post-pandémique
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) vise à évaluer la capacité des systèmes éducatifs à les préparer aux défis de la vie réelle et à réussir leur avenir. L’enquête évalue les connaissances et compétences des élèves de 15 ans en mathématiques, compréhension de l’écrit et sciences. Tandis que l’attention se porte sur « la baisse du niveau », il est essentiel de se rappeler que l’objectif de PISA n’est pas de confirmer notre excellence en mathématiques, symbolisée par nos treize médailles Fields, le plus prestigieux prix en mathématiques, mais plutôt d’évaluer la capacité des élèves à résoudre des problèmes complexes, à faire preuve d’esprit critique et à communiquer efficacement – des compétences indispensables pour évoluer dans un monde en profonde mutation.
Le traitement médiatique de ces résultats ne fait que refléter les problèmes de notre système éducatif. La performance en mathématiques de la France est discutée comme on évalue les élèves en difficulté, avec des termes tels que « baisse historique », « résultat catastrophique », « chute préoccupante », des qualificatifs qui font écho aux retours décourageants et contre-productifs que certains élèves rencontrent.
On s’attache aux chiffres, chacun avec sa solution miracle, cherchant à remédier rapidement aux symptômes sans véritablement s’attaquer aux causes. Cela démontre notre incapacité à prendre du recul et à analyser la situation de manière critique et constructive. Nous perpétuons ce que nous faisons de mieux en France ces dernières années : nous plaindre plutôt que de soutenir l’éducation nationale et de prendre collectivement nos responsabilités face à cet échec.
Descente académique ou quête de stabilité : le défi de l’efficacité scolaire en France
Certes, les résultats ne sont pas brillants, la baisse est historique, mais la France reste au niveau de la moyenne de l’OCDE sur les trois échelles de PISA 2022. Cependant, notre baisse est plus marquée que celle des autres pays de l’OCDE. Entre 2018 et 2022, les performances des élèves français ont chuté de 21 points en mathématiques (contre 15 pour l’OCDE), de 19 points en compréhension de l’écrit (contre 10 pour l’OCDE) et de 6 points en sciences (contre 2 pour l’OCDE).
En mathématiques, le déclin s’explique par les difficultés des élèves français à « formuler » mathématiquement des situations. Il est important de rappeler que les élèves évalués avaient 15 ans, donc logiquement en classe de quatrième au moment de la pandémie. En France, le programme de quatrième représente un changement significatif pour les élèves, qui passent de l’exécution de calculs à l’ajout de réflexion et d’autonomie. Il n’est donc pas surprenant que les élèves ayant dû subir la fermeture des classes, l’anxiété et la baisse de motivation pendant une année charnière de leur scolarité aient enregistré des lacunes et n’aient pas la capacité de résoudre des problèmes complexes.
Par-delà le constat d’une érosion des acquis, il est crucial de souligner que seulement une minorité d’élèves, 7,4 % pour être précis, maîtrisent la modélisation mathématique de situations complexes et sont en mesure d’évaluer et d’analyser des stratégies de résolution de problèmes adéquates. Dans un monde en constante évolution, la capacité à résoudre des problèmes, la flexibilité intellectuelle et la compétence analytique sont des atouts essentiels que nos jeunes doivent absolument acquérir.
En matière de compréhension de l’écrit, un pourcentage plus rassurant de 73 % des élèves parvient à discerner l’idée majeure d’un texte de longueur moyenne et à y repérer des informations pertinentes. Cependant, une faible proportion, 7,1 %, réussit à appréhender le sens de textes plus conséquents et à établir une distinction claire entre faits et opinions. Dans une ère marquée par une surabondance d’informations et la prolifération de fausses nouvelles, le renforcement de ces compétences doit être placé au cœur de nos priorités éducatives.
Concernant les compétences scientifiques, une majorité des élèves, 76%, détient la capacité de reconnaître les explications adéquates de phénomènes scientifiques courants et d’utiliser leur savoir pour déterminer la validité d’une conclusion basée sur des données fournies. Néanmoins, un pourcentage alarmant de seulement 7,7 % est en mesure de mobiliser de manière créative et autonome leurs connaissances scientifiques dans une diversité de contextes, y compris inédits. La créativité étant intimement liée au succès en sciences et en mathématiques, il est primordial de veiller au développement optimal de cette compétence fondamentale.
Un système à bout de souffle, marqué par :
Les inégalités sociales
Face à un système éducatif essoufflé, les disparités sociales et les lacunes en compétences psychosociales s’imposent comme un double défi pour la France, où la réussite scolaire plus qu’ailleurs dans le monde est étroitement liée au milieu socio-économique et culturel des parents. De façon inquiétante, les élèves issus de milieux défavorisés ont quatre fois plus de risque de figurer parmi les moins performants en mathématiques au PISA 2022 et dix fois plus par rapport à ceux de milieux favorisés : l’égalité des chances a disparu.
Un climat scolaire dégradé
L’enquête PISA 2022 met en lumière une corrélation entre le bien-être des élèves et leurs résultats académiques. C’est ainsi que 16 % des élèves français se disent insatisfaits de leur vie, un taux en augmentation par rapport aux 7 % de 2015. Le climat scolaire s’est dégradé, avec 42 % des élèves rapportant être régulièrement distraits par l’utilisation d’appareils numériques ou par le comportement de leurs camarades, ce qui nuit à l’efficacité de l’apprentissage.
La sécurité au sein des établissements scolaires est également une source de préoccupation : 20 % des élèves ont été victimes de violence scolaire récurrente, 6 % ne se sentent pas en sécurité dans leur classe et 8 % dans d’autres espaces comme les couloirs ou la cafétéria. De plus, 16 % des élèves ont été impliqués dans des bagarres et 12 % ont vu des armes à l’école, des taux supérieurs à la moyenne de l’OCDE et aux États-Unis. Cette insécurité accrue en France est liée à une diminution de la satisfaction de vie et à des performances académiques moindres, soulignant ainsi l’importance d’un environnement d’apprentissage sécurisé et serein.
Un manque de soutien de la part des adultes
L’implication des adultes dans la réussite scolaire est un autre point critique. En France, le soutien des enseignants et l’implication parentale sont en baisse. En 2022, 67 % des élèves étaient dans des écoles affectées par un manque d’enseignants, une augmentation significative par rapport aux 17 % de 2018, et 30 % souffraient d’un personnel enseignant jugé inadéquat ou peu qualifié, contre 11 % auparavant. C’est la plus grande hausse signalée dans l’OCDE.
En ce qui concerne l’implication des parents, seule une famille sur quatre avait discuté des progrès de leur enfant avec un enseignant par initiative personnelle en 2022, une chute notable par rapport aux 36 % de 2018. Les systèmes éducatifs avec une implication parentale stable ou en hausse ont montré de meilleures performances en mathématiques, soulignant l’impact positif de l’engagement parental sur les résultats académiques et la nécessité de développé la coéducation au sein du système Français.
Un déficit de compétence psychosociales
La valorisation des compétences sociales et émotionnelles est soulignée par l’enquête comme essentielle pour renforcer l’autonomie des élèves, en particulier dans l’apprentissage à distance. Selon l’enquête PISA 2022, ces compétences, y compris la curiosité et la persévérance, sont fortement corrélées à de meilleurs résultats en mathématiques. A cela s’ajoute l’état d’esprit figé des élèves Français. Moins de la moitié des élèves croient en la plasticité de leur intelligence, avec seulement 46 % adoptant une mentalité de croissance dit « growth mindset » permettant d’avoir confiance en ses capacités. Cette croyance est cruciale pour la motivation et la persévérance face aux défis quotidiens y compris à l’école. Les élèves dotés d’une curiosité intellectuelle et d’une bonne gestion émotionnelle sont plus enclins à s’engager pleinement dans leur apprentissage, ce qui favorise leur réussite académique et professionnelle sur le long terme.
Pour conclure, les résultats de l’enquête PISA 2022, bien que focalisés sur un déclin académique, doivent nous inciter à considérer les compétences sociales et émotionnelles comme des vecteurs de succès à part entière. En France, où les performances scolaires sont inégalement réparties selon le statut socio-économique, le soutien des adultes et un environnement éducatif sécurisé et bienveillant s’avèrent déterminants.
La confluence de ces éléments dessine un chemin clair : pour que les élèves français relèvent les défis du XXIe siècle, il est impératif d’embrasser un choc des savoir-être. Cela implique une refonte systémique, où les compétences psychosociales sont intégrées au cœur de l’apprentissage et du climat scolaire, où l’éducation transcende la simple acquisition de connaissances pour devenir une quête de bien-être global et d’épanouissement personnel.
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