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Perte de l’indemnité chômage après le refus de deux CDI : une nouvelle loi qui ne plaît pas aux ressources humaines (en tout cas pas à toutes)

Refuser un CDI en 2024 pourrait bien vous couper l’accès aux allocations chômage. Depuis le 1er janvier 2024, un décret paru au Journal officiel durcit l’accès aux indemnités dans la poursuite d’un objectif du gouvernement de réduire le taux de chômage et de faire des économies. Un changement qui n’est pas au goût de tous, et notamment du syndicat de l’ANDRH, l’Association nationale des ressources humaines.

 

Un décret, publié le 28 décembre au Journal officiel, met en place de nouvelles règles d’indemnisation chômage en cas de refus répété d’un contrat à durée indéterminé par des salariés en CDD ou en mission d’intérim. Le texte de loi prévoit de ne plus ouvrir de droits au chômage aux personnes ayant refusé plus de deux CDI en prolongation d’un CDD ou d’une mission d’intérim, si le lieu, le poste, et le salaire sont équivalents.

Si ces critères sont remplis, l’employeur proposant un CDI à une personne qui la refuse devra alors obligatoirement en informer France Travail (anciennement Pôle Emploi) dans un délai d’un mois. Pour Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, cette réforme est pour le moins déconcertante. « À l’ANDRH, on a été surpris par cette évolution. On s’est demandé si c’était bien le rôle de l’entreprise d’aller dénoncer le salarié. En tant que RH, on travaille constamment sur la problématique de l’emploi et de recherche de compétences en travaillant main dans la main avec France Travail et l’Apec vers des objectifs communs. En revanche, la nouvelle loi sur le fait de dénoncer le salarié lorsqu’il refuse un CDI après un CDD nous a choqué. Ce n’est pas à l’entreprise de faire cette démarche. Car si le salarié refuse de s’engager dans un nouveau contrat, c’est peut-être qu’il y a un sujet de management. Et dans ce cas, il est en droit de refuser le contrat s’il ne se retrouve pas dans le système de valeurs de l’entreprise. Pour le collectif ANDRH, l’entreprise n’a pas à avoir ce rôle de délation. »

 

Tout à fait contradictoire 

Avec cette nouvelle loi, l’employeur doit notifier le salarié de sa proposition de CDI par lettre recommandée ou en main propre contre décharge, c’est-à-dire que les deux parties doivent signer le document. Si le salarié refuse ou ne donne pas suite « dans un délai raisonnable », selon le texte du décret, alors l’entreprise devra en avertir France Travail par voie dématérialisée. Les nombreuses modalités réduisent considérablement les chances que ce décret soit véritablement mis en application, mais la mesure symbolise tout de même un durcissement de l’accès aux allocations chômages. Elle fait partie de la loi du 21 décembre 2022, qui avait notamment acté la fin des indemnités chômage en cas d’abandon de poste. Un cas déjà mieux perçu à l’époque par les RH. « Dans certains cas, l’abandon de poste a pu être trop utilisé pour mettre fin à un contrat en étant sûr de toucher les allocations chômages. Ce changement peut permettre de réguler le phénomène. », explique Audrey Richard.

Cette nouvelle règle s’inscrit dans un texte qui voulait porter des mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail, et qui vise à atteindre l’objectif de plein emploi d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Si le but est, comme toujours, de faire des économies, le facteur humain est un peu mis de côté. Et pour les RH, c’est tout à fait contradictoire. « Notre rôle est de rassurer le salarié dans son lien avec l’entreprise et de faire en sorte qu’il s’y sente bien. Et cela vaut aussi bien pour un CDD que pour un CDI. On est dans une recherche de lien fort entre salarié et entreprise. Cette mesure vient donc casser toute notre quête dans la création d’une relation saine entre les deux parties. », objecte la présidente de la première communauté de RH de France. Et en plus de l’aspect paradoxal que présente cette nouvelle loi, elle ne reflète pas la réalité en pratique, pour Audrey Richard et les RH. « Ce n’est pas notre réalité. Nous sommes peu confrontés à ce cas spécifique de CDD qui refusent un CDI. Nous n’avons pas compris ce changement fondamental sur une problématique si peu présente dans la vie économique des entreprises ».

Pour la représentante du corps de métier, d’autres modifications de lois auraient un impact plus important sur le taux d’emploi. Un exemple ? les seniors. En France, le chiffre de taux d’emploi des seniors est très mauvais, la France étant 17ème sur 27, donc inférieure à la moyenne européenne. « À l’heure où toutes les entreprises sont à la recherche de compétences, c’est un paradoxe. On milite beaucoup pour faire valoir les droits des seniors. L’ANDRH a écrit un plaidoyer sur le sujet. On est en train de travailler sur une proposition, à savoir :  créer un contrat qui s’arrêterait une fois que le salarié aurait atteint son taux plein de retraite. Un contrat spécifiquement pour les seniors. Ça demande de l’argent à personne, mais ça demande une adaptation des possibilités juridiques. Nous aurions préféré que la nouvelle réforme se penche sur ce cas plutôt que sur le refus de contrat. Avec les autres RH, on essaie de se mobiliser pour en faire parler davantage, d’où cette proposition d’actions

 


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