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Pas De Réussite Facile, Ni D’Echecs Définitifs

Crédit : fotolia

Où trouve-t-on la citation suivante ? « Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better » .
Les amateurs de littérature me répondront que c’est dans Cap au pire, un texte de Samuel Beckett. Les fans de tennis quant à eux y verront l’inscription tatouée sur le bras gauche du redoutable Stanislas Wawrinka. Une citation qu’il considère comme ayant toujours été sa philosophie de vie. Echouer et tirer des leçons de ces échecs, voilà qui explique les performances des sportifs de haut niveau. Performances d’un Rafael Nadal par exemple pour Charles Pépin, un des seuls philosophes à s’être penché sur les vertus de l’échec. A 13 ans, Nadal essuyait des défaites, notamment une historique, contre Richard Gasquet, lors du tournoi international des Petits As à Tarbes en 1999. Vainqueur en trois sets accrochés (6-7, 6-3, 6-4) en quarts de finale, celui qu’on surnommait le petit Mozart du tennis avait par la suite remporté le tournoi. Si Rafael Nadal s’est complètement transformé depuis en guerrier sur le court, l’attitude de Richard Gasquet n’a, elle, pas beaucoup évolué. Et si une explication est à trouver, cherchons du côté du mental de Nadal qui, confronté très tôt à l’échec, a su se remettre en cause à chaque fois et tirer du positif de ses défaites.

Réussir trop tôt peut s’avérer ainsi un piège fatal ; échouer rapidement peut permettre de mieux se connaître pour découvrir des ressources déterminantes pour l’avenir. Pour reprendre le philosophe Paul Watzlawick, « il n’y a rien de plus décevant qu’un espoir réalisé, et rien de plus séduisant qu’un espoir qui ne l’est pas encore ».

Dans le monde intellectuel, mentionnons un bel exemple d’échec transformateur : celui de Bernard Stiegler, penseur contemporain de la technique et de l’avenir du travail. Entre 1978 et 1983, il purge une peine de cinq ans de prison suite à une condamnation pour braquage à main armée. Bernard Stiegler mettra ce moment à profit pour étudier la philosophie et aider ses codétenus à obtenir leur baccalauréat.

Dans l’entrepreneuriat également, ceux qui ont d’abord échoué avant de trouver le chemin du succès sont nombreux. N’oublions pas qu’au tout début de l’aventure Virgin, Richard Branson est lui aussi passé par la case prison (une nuit) pour fraude à la TVA. L’entreprise traversait alors de graves difficultés.

Mais n’oublions pas ceux qui, imperturbablement, volent de fiasco en fiasco sans jamais rencontrer le succès. Paul Watzlawick leur a dédié un manuel pour repenser leur mode de fonctionnement . Pour réussir à échouer, il suffit d’appliquer l’ultrasolution, « une solution qui se débarrasse non seulement du problème, mais de tout le reste ». Nier le problème, s’enferrer dans les mêmes solutions, reproduire les mêmes erreurs, atteindre les mêmes résultats, etc. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit l’adage.

Pour Charles Pépin, pour apprendre de ses échecs, il faut nécessairement les accepter, c’est-à-dire ne pas se voiler la face. Cela reste une épreuve. Pourquoi ? Parce que nous sommes trop souvent dans le déni de l’échec, parce que reconnaître que « j’ai raté », c’est avouer que « je suis un raté ». Or je ne suis pas mon échec. Je ne suis pas réductible à un de mes comportements ou un de mes projets dont l’issue a été malheureuse. Il faut préserver son ego. Fidèle à une grille de lecture stoïcienne des événements, il faut ensuite faire la part des choses entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous dans ce qui a raté. Il n’y a pas d’apprentissages possibles et de progression ultérieure sans cela.

Ainsi, dans la vie, ce n’est pas tant l’échec qui importe, mais la représentation que nous en avons. Nous pouvons voir en lui la manifestation de la fatalité, de notre profonde nullité ou de l’hostilité de l’environnement à notre encontre. Nous pouvons a contrario l’appréhender comme une occasion de prendre conscience des limites qui sont les nôtres, de les toucher pour les repousser. Agir de la sorte, c’est faire preuve d’humilité, mais aussi d’optimisme. Car Marcel Proust a raison. « Il n’y a pas de réussite facile ni d’échecs définitifs ».

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